Six ans après l'enquête de 2014, le gouvernement lance une nouvelle étude. Objectif, un meilleur ciblage des poches de résistance. Deux enquêtes seront lancées simultanément auprès des citoyens et auprès les entreprises. Bientôt deux ans depuis la première réunion de la Commission nationale anti-corruption en avril 2018 mais les choses semblent évoluer en dents de scie car après avoir gagné huit places en occupant la 73e place sur l'indice de perception de la corruption en 2018, le Maroc a perdu 7 places dans le dernier classement en se contentant du 80e rang. C'est un tableau mitigé selon lequel, malgré les efforts consentis et le travail de sensibilisation, le phénomène semble avoir la peau dure. Aujourd'hui, le chef du gouvernement qui préside directement la commission susmentionnée veut lancer une étude nationale déclinée en deux enquêtes pour cerner les causes profondes du fléau ainsi que la perception qu'en ont les citoyens et les entreprises. Il s'agit ensuite de créer un applicatif web pour la gestion des données des deux enquêtes pouvant par ailleurs loger d'autres données dont dispose l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC). Objectif : mesurer l'ampleur de la corruption au Maroc et ses manifestations. Comme reconnu par l'instance, la corruption est un phénomène endémique qui impacte négativement le développement du pays. Cet impact est difficilement mesurable mais plusieurs estimations le situent à 5 voire 7% du PIB. La première enquête nationale sur la corruption de 2014 dont les résultats ont servi de base pour la stratégie lancée en 2015, a montré la complexité du phénomène qui nécessite une approche multidimensionnelle mais jusqu'ici, aucune mesure ne s'est avérée la plus efficace pour atténuer les effets néfastes de la corruption sur le climat des affaires ainsi que les services publics rendus aux citoyens. Cette deuxième enquête qui démarrera bientôt veut remédier aux insuffisances de la première en mesurant méthodiquement le niveau global de la corruption au Maroc. Ceci à travers l'analyse du vécu ainsi que la perception des citoyens et des entreprises. Secundo, analyser le phénomène dans toutes ses manifestations et évaluer l'impact des politiques et des actions anti-corruption. Corruption, un fléau pour l'économie Plus en détail, l'étude est appelée à mieux approcher les manifestations de la corruption, sa localisation, sa fréquence ainsi que son étendue et son intensité. L'on s'attend aussi à ce qu'elle livre une meilleure appréciation du comportement des citoyens et des entreprises vis-à-vis de la corruption ainsi que leur considération des mesures qu'ils estiment efficaces. L'enquête doit également repérer les zones et domaines à risque, définir les priorités et orienter les stratégies nationales et sectorielles en la matière. S'agissant des mécanismes, l'étude devrait développer des indicateurs et des outils d'analyse de la corruption qui soient propres à l'Instance. Et surtout mettre au profit des chercheurs et des parties prenantes une base de données riche et exploitable permettant d'effectuer des comparaisons et des analyses à l'échelle nationale et internationale. Plus important encore, l'enquête sur les entreprises permettra de mieux cerner l'impact de la corruption sur l'investissement, l'accès aux commandes publiques et privées ainsi que le moral des jeunes entrepreneurs. Aujourd'hui, la stratégie nationale qui s'appuie sur 10 programmes stratégiques a besoin d'une base solide de données fiables. En effet, le phénomène de la corruption a des ramifications qui représentent une menace pour le développement du pays dans un contexte particulièrement sensible. Une mobilisation sociétale qui dépasse le cadre gouvernemental pour concerner directement le citoyen et la société civile est de mise mais les efforts en matière de lutte contre la corruption doivent être ressentis par le citoyen dans ses rapports de tous les jours avec l'administration et les autres services. Un processus laborieux En novembre 2017, un décret relatif à la création de la Commission nationale de lutte contre la corruption a été publié au Bulletin officiel et ceci en respect des dispositions de la Constitution, notamment les chapitres 90 et 92. C'est justement cette commission qui a été chargée de la mise en œuvre de la stratégie nationale. Il y a plus de dix ans, les pouvoirs publics confrontés à une image dégradante du Maroc liée à l'exacerbation de la corruption sont passés à l'acte. D'abord par l'élaboration de programmes nationaux de lutte contre la corruption en 2005 et 2010. Cela s'est accompagné par la ratification de la Convention des Nations-Unies contre la corruption en 2007 et par quelques améliorations juridiques et institutionnelles. Après son adoption le 28 décembre 2015, le lancement de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption devait prendre son envol en 2016. Mais c'est sans compter sur un certain nombre d'écueils et de résistances ayant compromis la bonne marche de la réforme. La stratégie en question s'étale sur dix ans et trois étapes (2016-2017), (2017-2020) et (2020-2025).