Enfin du concret dans le vaste chantier de la réforme de la Justice. Il aura fallu la reprise de la session ordinaire du Parlement et notamment les séances de questions orales au niveau de la première Chambre pour avoir plus de visibilité sur la touche Ramid pour ce secteur, dont les enjeux transcendent les autres départements. Lundi soir au Parlement, Mustapha Ramid, le ministre de la Justice est apparu sous un jour comblé. Il y avait de quoi, en effet, puisque – une fois n'est pas coutume –, il avait des choses à dire et non pas des moindres. D'abord, le retour de la paix sociale au niveau de ce département, grâce à un accord signé le même jour avec la Fédération nationale du secteur de la justice. Un «accord historique» même, selon les dires des responsables des principaux syndicats du secteur, qui viendra mettre un terme au cycle infernal des grèves qui perturbent depuis plus d'un an le fonctionnement régulier des tribunaux et des autres juridictions du pays. Une situation qui a eu pour principal effet d'occulter, principalement chez les citoyens, les efforts engagés dans le cadre de l'amélioration du rendement des juridictions du pays. Le ministre a dû, certes, faire d'énormes concessions mais le retour de la sérénité n'a pas de prix. Surtout au moment où le gouvernement excédé par la généralisation de cette pratique au niveau de plusieurs autres départements importants comme les Collectivités locales, commence à brandir la menace des coupures sur salaires. Une disposition qui aurait certainement plombé davantage la situation, surtout quand on tient compte de l'évolution, en dents de scie, du dialogue social. À en croire Ramid, rien ne sera plus comme auparavant au niveau de son département. Pour donner le ton, d'ailleurs, le ministre de la Justice a abordé avec les députés la question du contrôle financier des établissements publics. Les députés ont, en effet, souligné l'impact limité des rapports émis par la Cour des comptes qui se succèdent et ont en commun le fait qu'il n'y est pas donné de suite. Les parlementaires qui veulent que de nouveaux mécanismes soient mis en place ont été servis. «La Cour des comptes n'est pas un bureau d'études, encore moins l'inspection générale des Finances ; c'est une instance constitutionnelle qui a des attributions larges», avait clamé, par exemple, Abdelahdi Khairat, député de l'USFP, dans la mesure où l'interférence des compétences entre la Cour des comptes, l'inspection générale des Finances et l'intervention du parquet dans les crimes financiers est la préoccupation actuelle du département de tutelle. La réponse de Ramid aux vives critiques adressées sous la coupole, a donné plus de visibilité sur la déclaration au lendemain de la publication du dernier rapport de l'institution de Midaoui, qui, comme chaque année, a révélé des cas de mauvaise gestion et de dilapidation des deniers publics. «Nous avons mis fin à la méthode qui consiste à attendre ; quatre magistrats ont été chargés d'examiner l'ensemble des rapports de la Cour des comptes, 22 émanant de la Cour et 36 des Cours régionales, soit 58 rapports qui sont actuellement examinés», a annoncé Ramid. Un collège restreint de juges spécialisés en traitement des crimes financiers est donc constitué. Il est vrai que son rôle «sera purement consultatif», mais ses conclusions serviront, assurément, de bases solides au gouvernement pour engager les poursuites judiciaires. «Dans six mois, nous aurons l'ensemble des données sur les cas susceptibles d'être différés en justice», a expliqué Ramid devant les députés. La nouvelle dynamique, ainsi insufflée à la réforme de la justice commence à prendre. Pour Ramid, il s'agit de mettre les bouchées doubles à quatre mois des vacances judicaires. C'est, d'ailleurs, tout un chantier qui a été engagé et viendra se greffer à ceux déjà en cours d'execution comme la justice de proximité. Dans la foulée, plusieurs nouvelles mesures pour l'amélioration de l'accueil et l'aménagement des espaces seront abordées après le vote du budget du ministère. 28 villes sont concernées, car «il y a effectivement des espaces qui ne sont pas dignes et 31 projets sont à l'étude», ajoute Ramid sur le volet de la bonne image de la justice marocaine. La lourdeur de la procédure et l'encombrement des juges de première instance sont les objectifs déclarés de la nouvelle réforme, qui a été lancée avec l'ambition de Ramid, qui souhaite marquer des points à quatre mois des vacances judiciaires. Le plan d'action pour le reste de l'année 2012 est intransigeant quant à l'amélioration du rendement des Cours d'appel qui vont être compétentes en matière de crimes financiers, ceux liés à la corruption, au détournement de fonds et à l'abus de pouvoir. Le budget du département de Mustapha Ramid, qui s'élève à plus de 3,1 MMDH, a consacré près d'1,3 de MMDH à la poursuite du plan de modernisation des prisons marocaines. L'entrée en vigueur de la nouvelle carte judiciaire, a aussi imposé l'ouverture de Chambres d'appel au sein des tribunaux de première instance, qui seront divisées en chambres civiles, sociales et coercitives. Des sections compétentes pour statuer sur les litiges fonciers seront aussi ouvertes au sein des juridictions de premier degré. Tout comme les procès liés aux accidents du travail, dont la nouvelle loi a été validée sans oublier les sections compétentes des contraventions relatives au code de la route. Climat des affaires Au-delà de leur impact sur l'amélioration de la gouvernance et de l'Etat de droit, l'impact attendu des mesures que vient de lancer Mustapha Ramid permettra, sans aucun doute, d'améliorer significativement le climat des affaires. C'est, en effet, le seul secteur qui fasse encore perdre des points au Maroc dans la plupart des classements mondiaux en ce domaine, au premier rang desquels le fameux Doing Business. Conscient de ce fait, le ministère de la Justice multiplie, ces derniers temps, les opérations de séduction en direction des investisseurs. Dernier acte en date, la signature d'un accord de partenariat, la semaine dernière, avec l'organe gérant la mise en œuvre de Casablanca Finance City (CFC). L'amélioration du climat des affaires et le renforcement de la compétitivité des entreprises marocaines, pilier sur lequel s'est engagé le gouvernement pour soutenir l'économie marocaine, passent par la réforme du secteur de la justice. La paix sociale enfin retrouvée grâce à «un accord historique», selon les dirigeants des centrales syndicales, qui ont obtenu gain de cause après un cycle infernal de grèves au sein du secteur, donne des ailes à Ramid, même s'il a finalement obtempéré aux demandes urgentes des diverses catégories d'auxiliaires de la justice. Au sommet des revendications qui ont été satisfaites, figure la réforme du décret relatif aux dédommagements sur les heures supplémentaires et les permanences, ainsi qu'à la suppression de l'examen oral dans le concours d'accès au statut de greffier. Le gouvernement s'est également engagé à élaborer un guide pour les fonctionnaires et à renouveler les contrats d'assurance en faveur des comptables publics travaillant au sein des juridictions. Sur le volet législatif, les syndicats les plus représentatifs seront concertés sur les futures lois et règlements qui entrent dans le cadre de la réforme. Avant la signature des nouveaux accords, le ministre de la Justice et des libertés a volé la vedette sous la coupole, où le contrôle financier sur les établissements publics a été enfin abordé. Sur ce point précis, le gouvernement pourra s'appuyer sur les traditionnels partenaires techniques et financiers (PTF), à commencer par l'Union européenne, l'OCDE et la Banque africaine de développement (BAD). Dans sa stratégie pays sur la période 2012-2016, cette dernière axe ses priorités sur le cadre du soutien au secteur privé. La BAD a effectivement relevé que, même si l'environnement des investissements s'améliore progressivement, «il demeure que le pays accuse un retard important, pour renforcer le cadre institutionnel et la gouvernance, en faveur d'un environnement propice au développement rapide du secteur privé». Sur la liste des défis prioritaires à relever, figure en tête de liste «la modernisation du système judiciaire». Le gouvernement semble enfin avoir pris conscience. Dixit... «Le contrôle financier sur les établissements publics se fait en partie par anticipation. Les crimes financiers ont toujours besoin de moyens de preuve qui sont spécifiques, et l'activation de la procédure de la poursuite par le parquet dépend des indicateurs de l'existence d'actes répréhensibles. Sachant que la Cour des comptes reçoit les réponses à ses conclusions dans un délai de 30 jours. Actuellement, nous avons mis en place un comité consultatif composé de quatre magistrats, qui examinera 58 rapports de la Cour, mais aussi ceux des Cours régionales. Nous ne voulons absolument pas commettre des injustices envers qui que ce soit, et j'assure que la présomption d'innocence existera parallèlement à la lutte contre la corruption financière. Il faut savoir également que, durant la période 2001-2011, 38 dossiers ont été différés par la Cour suprême et la justice s'est saisie de tous les dossiers». Mustapha Ramid, Ministre de la Justice et des libertés