Le salaire minimal au Maroc est-il trop bas? A-t-on besoin de le réviser? Si la réponse à la première interrogation semble être une évidence du fait qu'elle constitue l'épine dorsale même du dialogue social enclenché depuis plusieurs mois, voire des années, trouver un justificatif à la seconde question est, en revanche, un exercice semé d'embûches. Pourtant, le département de Jamal Rhmani s'attaque de front à cette problématique, peut-être décidé à découdre du dossier du dialogue social avant 2012. Dans ce sens, les équipes de ce ministère s'apprêtent à mettre à plat le mécanisme de fixation du salaire minimum. L'objectif recherché, nous y explique-t-on, serait de doter les pouvoirs publics d'un outil de décision en matière d'amélioration de la législation. Concrètement, une étude est mise sur les rails en vue d'évaluer l'impact du salaire minimum sur l'emploi et la structure des salaires, nous explique une source proche du département de Rhmani. Il est clair, donc, que si l'approche en elle-même revêt un caractère crucial en matière d'amélioration du niveau de vie, la revue à la hausse, subite et arbitraire de ce salaire minimum, pourrait plomber à la fois le taux de chômage qui n'avance déjà pas au bon rythme. Pour rappel, le niveau des salaires au Maroc a connu ces dernières années des évolutions majeures. D'abord, il y a eu l'augmentation du Smig mensuel qui est passé de 1.845,6 DH à 2.032,24 DH entre 2008 et 2010. Cette situation a, certes, été salutaire d'un point de vue social, mais a provoqué des inquiétudes pour certains opérateurs économiques, particulièrement ceux orientés vers l'export. En effet, en facturant une main-d'œuvre plus cher, les exportateurs perdent de leurs avantages compétitifs. Aussi sera-t-il question de situer le positionnement du Maroc par rapport à un échantillon de pays à revenus intermédiaires. D'un angle plus global, même l'attrait du Maroc des investisseurs étrangers, principalement ceux intéressés par les délocalisations, s'en retrouve pénalisé. Il est également à noter que les dernières baisses de l'impôt sur les revenus ont eu un impact positif sur les salaires, sauf que dans ce cas-là, ce n'est pas l'employeur qui a subi la hausse mais plutôt les caisses de l'Etat. La réflexion engagée aujourd'hui, en tout cas, ne veut pas faire dans l'approximatif. Des sources au ministère nous expliquent en effet, qu'un benchmark est prévu. C'est dans ce sens que «l'étude sur le salaire minimum au Maroc a pour objectif de faire des propositions d'amélioration du système de sa fixation et de sa revalorisation qui permettent à la fois de concilier un objectif social et un objectif économique», confie-t-on au sein du ministère de l'Emploi. Sur le volet social, le département de tutelle souhaite assurer la protection des groupes de salariés vulnérables, tandis qu'économiquement il est question de permettre aux entreprises du secteur concurrentiel de conserver, voire d'améliorer leurs parts de marché, en particulier à l'export. Ainsi, le département de l'Emploi juge nécessaire de cerner les effets de la fixation des salaires minima au Maroc tout autant que le positionnement du Maroc par rapport à ses concurrents en termes de salaires minimums. Sur ce point, Rhmani et son équipe envisagent d'étudier la possibilité d'instaurer au Maroc des «salaires minima». Dans plusieurs pays, notamment en France, le salaire minimum est fixé en tenant compte des spécificités de chaque secteur de l'économie. Au Maroc, les Smig sectoriels n'existent que pour une poignée d'activités, notamment agricole et textile. D'autres secteurs appliquent le principe du minima, mais cela ressort des conventions conclues entre les opérateurs et non de texte réglementaire établi par les pouvoirs publics. Aujourd'hui, le ministère de l'Emploi compte proposer l'établissement d'une grille de salaires minimums spécifiques ou catégoriels, en se basant sur les méthodes de fixation appliquées dans d'autres pays. Il est clair que cela n'est encore qu'en phase de réflexion. Néanmoins, il n'est pas exclu, selon certaines sources, que cette mesure soit l'une des principales armes des autorités dans les dialogues sociaux des années à venir. Concrètement, le benchmark se focalisera d'un côté sur la détermination du positionnement du Maroc en tenant compte de la distribution des salaires et de la productivité. Ensuite, il s'agira de proposer des ajustements éventuels, susceptibles d'être introduits dans le cadre institutionnel de fixation du salaire minimum au Maroc. Cependant, une problématique de taille risque d'entraver cette volonté. L'un des principes majeurs du code du travail actuellement en vigueur tend vers l'instauration d'une égalité des salaires et, plus particulièrement l'uniformisation du salaire minimum légal entre les différents secteurs d'une manière progressive. En d'autres termes, si le ministère d'Emploi arrête sa décision d'appliquer des salaires minimums spécifiques, c'est tout le code du travail qui devra être révisé. Chose qui ne peut certainement pas se faire du jour au lendemain. Quoi qu'il en soit, l'étude que souhaite mener le département de l'Emploi à l'échelle nationale concernera l'ensemble des établissements du secteur privé, via notamment le puisement dans les données disponibles auprès de la CNSS. Elle devrait s'intéresser à l'analyse des évolutions des salaires minimums sur une longue période, tout en tenant compte de l'évolution de la populations des smigards et en la rapportant aux différents indicateurs de productivité. Un autre volet concernera l'analyse économétrique reliant l'évolution des salaires à celles des chiffres de l'emploi. Sur ce volet, un intérêt particulier sera apporté aux revalorisations des salaires et leurs différents impacts socioéconomiques. En tout état de cause, les équipes de Rhmani auront certainement à s'intéresser à la problématique du salaire minimum sous le prisme de la régionalisation si l'on prend en compte les orientations qui sont en cours de s'imposer au contexte économique et social national.