Le CMC note dans sa dernière publication que la décision de revaloriser le SMIG se traduit par un effet d'éviction d'emploi et par une réduction de la marge de compétitivité des entreprises. Tant que le commun des mortels n'a pas senti le vent des réformes engagées tourner, toute discussion sur la dernière décision du Conseil de gouvernement de revaloriser de 15% le SMIG en deux temps (10% à partir du 1er juillet prochain et 5% à compter de janvier 2012) est un faux débat. Certes, l'objectif ultime d'une telle mesure, bien sûr en ligne avec l'effet Printemps arabe, est d'atténuer les effets pervers de la pauvreté tout en réduisant les inégalités salariales. Toutefois, cette atténuation ne saurait avoir lieu réellement que «lorsque l'appréciation du SMIG se traduirait par une diminution de salariés qui touchent moins que le minimum… », souligne le Centre marocain de conjoncture CMC dans une récente publication sur le marché du travail au Maroc. Voilà, le véritable cœur de cible auquel il faudrait accorder plus d'attention, si volonté ferme de faire bénéficier toutes les couches sociales des fruits de la croissance il y a. Cette décision inattendue de faire feu de tout bois demeure sous le feu des critiques. Inattendue pour la simple raison que les adeptes de l'austérité budgétaire (ministre des Finances et gouverneur de Bank Al- Maghreb) n'avaient cessé, de crier haut et fort qu'une éventuelle hausse des salaires aura certainement des effets déstabilisateurs sur l'équilibre macro économique. En plus de son impact réel sur les équilibres macro budgétaires, cette augmentation se traduirait également par une perte d'emploi assez conséquente chez les jeunes de moins de 24 ans. Et ce ne sont pas les études qui manquent pour confirmer de tel constat. Les conjoncturistes ont fait appel à bon nombre de rapports (national et international) pour montrer qu'un relèvement du salaire minimum se traduirait généralement par un effet d'éviction de l'emploi, surtout pour les moins de 25 ans et les jeunes peu qualifiés, se situant dans une fourchette de 1 à 5% suivant le taux d'appréciation. Cet effet de « désemploi » n'est que la conséquence directe du repli des gains de productivité des entreprises en lien avec la réduction attendue de leur marge de compétitivité. D'ailleurs, la décision gouvernementale n'a pas manqué de semer la zizanie dans la sphère patronale. Et pour preuve, les deux secteurs clés, le tourisme et le textile, touchés de plein fouet par la crise mondiale avaient été exclus. Une question de taille s'impose donc : notre tissu entrepreneurial est-il en mesure de payer la pression à la hausse du coût du travail, surtout dans ce contexte morose ? Une revalorisation arbitraire La Banque mondiale, dans son rapport Doing Business 2009, indique que le salaire minimum représente en moyenne 72% de la productivité du travail au Maroc. Ce ratio, qui veut dire valeur ajoutée moyenne par travailleur, est jugé « élevé », puisqu'il dépasse de loin ceux des pays aux niveaux de développement comparables. En effet ce ratio se situe en Algérie et en Tunisie à 30%, l'Egypte (11%), la Jordanie (43%), la Turquie (41%), les Philippines (64%)… «Il paraît donc clairement que cette décision de revalorisation du SMIG n'est pas fondée sur des évaluations d'impact sur l'emploi. La régulation du salaire minima est quasi exogène, c'est-à- dire que le montant de ses revalorisations (du moins avant 2008) n'est pas déterminé en fonction des conditions économiques des entreprises et de la situation du marché du travail», note-t-on. En claire, C'est le politique qui l'emporte sur l'économique. Les craintes sur la réduction des possibilités d'embauche se trouvent accentuées par la migration des travailleurs licenciés du formel vers le secteur informel. Et pour éviter le pire, le gouvernement n'a pas songé à réviser le système d'abattement dégressif pour les jeunes, supprimé du salaire minimum dans les secteurs de l'industrie, du commerce et des professions libérales pour les tranches d'âge de 14 à 18 ans, selon le CMC. Autre incidence, enfin, liée cette fois au degré de non conformité à l'obligation de respect de ce minimum, une étude réalisée par le ministère de l'Emploi entre 1995 et 1999 qui laisse croire que le taux de non respect du SMIG avait été de l'ordre de 13%.