«Work in progress», c'est ainsi que Karim Rafi présente la nouvelle édition de son Klam & Slam Festival. Cet événement débute aujourd'hui et se poursuivra jusqu'au 12 décembre à Tanger. Non, ce n'est pas une erreur ! Klam & Slam Festival aura bien lieu à Tanger et non à Fès, comme nous en avions pris l'habitude. Pourquoi ce changement de destination? Une question dont la réponse témoigne de toute une histoire, voire de tout un vécu. L'histoire d'une ville riche culturellement et «malheureusement méconnue de ses habitants». Et celui d'un artiste passionné d'histoire qui pourrait nous parler des heures durant de ce que notre culture est devenue à travers les générations. Mais cette année, le «protagoniste», comme il se présente, refuse de coller l'étiquette de «festival» à son événement. «Je trouve que nous devrions modérer l'utilisation de ce terme. Il s'agit d'un «work in progress» ; une pierre qui s'ajoute à un édifice visant à «démocratiser» le Slam et la création artistique. Tanger, l'histoire d'un chantier D'après Karim Rafi, «tout semble mener à cette ville où tout a commencé». Il parle des premiers mouvements artistiques au Maroc et de la première génération d'artistes ayant marqué notre histoire. L'écrivain Mohamed Choukri, le peintre Idrissi et bien d'autres. «Tous étaient proches de William Burroughs». Ce célèbre écrivain américain, principalement connu pour ses romans totalement «hallucinés», qui s'était installé à Tanger dans les années quarante. Une présence qui a laissé ses empruntes dans la ville. Aujourd'hui, il souligne que «les tangérois portent les traces de tous ces artistes étrangers qui sont passés dans la ville, sans vraiment en être conscients». Et qui mieux que William Burroughs représente la force des mots. Car «le Slam, c'est l'équilibre des mots», nous explique Karim Rafi. Nous vous le disons, toute une histoire derrière ce choix. Mais, aujourd'hui, le récit permet d'en construire un autre. Klam & Slam Festival en est une étape. Suite à une première expérience à Tanger en avril dernier au Salon international du livre, les organisateurs ont décidé de redonner rendez-vous aux Tangérois en décembre. Un retour qui permettra d'ouvrir d'autres brèches. «La rencontre que nous avions organisée en avril a eu beaucoup de succès. Nous avons constaté la participation de nombreux écrivains, mais également de jeunes». Un brassage de générations autour de la parole que le Slam est l'une des rares disciplines artistiques à permettre sans contraintes. Et de poursuivre, «Le Slam est une sorte de tremplin pour de nombreux artistes vers d'autres disciplines». Les mots semblent être, aujourd'hui, ce qui réussit le mieux à réunir les hommes. «Car, c'est ce qu'on peut créer de mieux et de plus sincère». Une sincérité qui se traduit dans l'organisation de cet événement ouvert au public. Espace d'expression libre «Klam & Slam est un espace de rencontre, de création, d'expérimentation et d'expression libre» déclare Karim Rafi. Un positionnement visible à travers la programmation de l'événement. Ainsi, projections, ateliers, rencontres et séminaires, animeront ces quatre jours. Les soirées seront rythmées aux tons des proses des Slameurs marocains et étrangers invités à l'occasion. Pour les non initiés, ce mercredi se présente comme une prise de contact avec le Slam. «Il s'agit de démystifier le Slam et de le faire découvrir par ceux qui ne connaissent pas. Demain, jeudi 10 décembre, sera une journée plus démonstrative à travers le séminaire du CopMed et l'organisation d'ateliers de gestion culturelle», nous explique Karim. «Il s'agit de partager avec les partenaires de l'événement et le public, les différentes méthodologies de gestion de projets culturels. Les ateliers aborderont les techniques aussi bien logistiques qu'organisationnelles du travail sur un événement». Une rencontre avec des professionnels marocains et des universitaires espagnols qui «permettra de repérer des profils potentiels». Et d'offrir, ainsi, l'occasion à ces jeunes «d'intégrer un projet culturel à travers le festival». Aujourd'hui, le festival se veut «communicateur d'énergies». Mais, l'objectif de Karim Rafi est bien au-delà. Il s'agit, surtout, de créer un mouvement créatif aussi bien chez les jeunes que les plus âgés, de présenter essentiellement des créations réalisées par ces jeunes. Klam & Slam festival 2009 se présente ainsi comme une sorte de perche tendue à la création, et surtout à l'expression. Taxi Poetic, rendez-vous en 2010 «Tanger redessinée à travers ce que les artistes étrangers et marocains nous y ont laissé après leur passage», c'est ce que propose le projet «Taxi Poetic». Initié cette année dans le cadre du festival Klam & Slam, le projet «Taxi Poetic» sera présenté en 2010 dans le cadre d'un prochain rendez-vous. Il s'agit d'un enregistrement audio qui se propose de rendre hommage à ce que des artistes tels que William Burroughs, Paul Bowies, Mohamed Choukri et tant d'autres, ont apporté culturellement à la ville de Tanger, lors de leur passage. Muni d'un dispositif d'enregistrement audio, le «protagoniste» questionnera les tangérois sur le rapport qui les lie à l'espace et les interrogera sur leur mémoire. «Une occasion de s'arrêter un instant sur les souvenirs singuliers des habitants de Tanger et de constituer une bibliothèque radiophonique de la ville». Ainsi, le festival Klam & Slam apporte son lot de projets dans l'ancienne ville internationale «peuplée de spectres littéraires et poétiques», pour en faire un nouveau gît de la création.