La première journée du forum d'Agadir a été centrée sur l'optique de la redistribution des richesses. La lettre royale adressée au forum, dont le contenu a été lu par le ministre de l'Intérieur Taïb Cherkaoui, a insisté sur «l'authenticité» du modèle de développement humain conçu «par les Marocains et pour les Marocains». Dans son message, aussi, le Souverain a insisté sur les éléments qui restent encore à parfaire pour la période 2011-2015. Il s'agit, essentiellement, d'apporter quelques retouches aux modes de généralisation des AGR (activités génératrices de revenus) ainsi qu'à consolider l'efficacité des modalités de suivi et d'évaluation. C'est donc une nouvelle étape que franchit l'initiative nationale pour le développement humain, basée sur une plus forte implication des régions, aux côtés de l'administration territoriale, dans la collecte des données sur le terrain et dans l'accomplissement du rôle de contrôleur et d'évaluateur. Ce volet de la gouvernance de l'INDH et le cadrage budgétaire du deuxième chapitre 2011-2015 doivent également accentuer le rôle des Comités locaux de développement humain (CLDH). Ces structures étant les plus aptes à assurer la proximité, lequel devoir est également assigné aux divisions d'actions sociales au niveau des quartiers et des centres ruraux. Au nombre de 14.000 acteurs, ces «exécutants» doivent prendre en considération les recommandations de l'Observatoire national de l'INDH à l'horizon 2015. Tous les piliers de la réussite de cette initiative ont ainsi figuré en ligne de mire de cette journée. Initiative qui, soit dit en passant, est corrolaire de la réalisation des Objectifs du millénaire (OMD) par le Maroc. À ce titre, d'ailleurs, le Wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, s'est montré très optimiste quant à «la capacité du pays à atteindre les OMD même si les populations vulnérables restent la principale victime de l'inflation et de la hausse des prix», a-t-il constaté. «Le rôle de la banque centrale, a insisté Jouahri, est de veiller à la sauvegarde du pouvoir d'achat des couches défavorisées, notamment en encourageant les activités génératrices de revenus». Le wali de BAM s'est longtemps arrêté sur les mesures prises par les autorités pour «la diminution de l'IR pour les bas salaires ainsi que la réforme projetée du système de la caisse de compensation qui doit permettre une meilleure redistribution des richesses». L'argentier du royaume a également rappelé que le Maroc reste le premier pays dans la région MENA en termes d'octroi de microcrédits : «Le Maroc accapare près de la moitié de l'ensemble des microcrédits dans la région, avec un total de plus d'un million de bénéficiaires dont 49% sont des femmes». Et d'ajouter : «Dans les semaines à venir, un nouveau cadre sera proposé au secteur pour englober d'autres pans des services financiers», a-t-il révélé sans donner plus de détails. S'inscrivant dans une logique un tantinet plus «globalisé», le discours du directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn a tenté de placer le débat dans un contexte marqué par les attentes des instances monétaires mondiales. «C'est un thème qui n'est pas nouveau, a averti le patron du FMI. Il existe depuis Adam Smith, jusqu'à ce que la crise montre l'acuité nouvelle de la question du développement humain et son étroite liaison avec le creusement des inégalités sociales». Se situant dans une optique intéressant les riches et pauvres, Dominique Strauss- Kahn a été forcé de conclure que «le modèle économique d'aujourd'hui est clairement déséquilibré et insoutenable». Un modèle, en tout cas, inapte à «apporter des solutions aux 30 millions d'emplois perdus à cause de la crise mondiale et encore incapable de donner des lueurs d'espoir aux défis des dix années à venir qui vont voir plus de 400 millions de jeunes faire leur entrée au marché du travail dans le monde».Le ton nettement pessimiste du directeur du FMI n'a pas épargné la région MENA. Les estimations tournent autour de 18 millions d'emplois à créer dans les dix années à venir, ce qui veut dire que «l'avantage démographique est à la fois une force et une bombe à retardement», a noté le patron du FMI. Autre intervention de taille, celle réservée à Salaheddine Mezouar. Lors de la première plénière de la journée d'hier, le ministre de l'Economie et des finances a usé du vieux concept marxiste de «la paupérisation de la classe moyenne comme un véritable danger à affronter», soulignant que l'INDH a voulu procéder à la création de cette classe moyenne au Maroc pour une paix sociale durable. Sans verser dans la pure analytique de l'économie politique, le ministre des Finances a pu tout de même conclure que «le phénomène de la disparition progressive des classes moyennes à travers le monde interpelle tous les pays à la création de nouveaux modèles». Il a ajouté que «pour le Maroc, il fallait trouver les moyens pour mettre en place un modèle qui commence par le commencement, c'est-à-dire trouver l'élément intégrateur qui redonne confiance aux citoyens». L'initiative marocaine mettant en avant le développement humain ne se trouve ainsi être que plus adéquate.