Mesurer les impacts avant d'élargir les échanges est une idée qui est en passe de se concrétiser au sein du département de l'Agriculture. En vertu de son Accord de libre échange (ALE) avec le Maroc mis en œuvre depuis 2006, la Turquie a formulé une demande pour l'amélioration des concessions tarifaires accordées par le royaume, sur les produits agricoles. Face à cette requête, l'Etat a décidé de s'offrir le recul qu'il faut. Pas question de s'engager les yeux fermés sur un niveau plus élevé d'échanges, sans en avoir au préalable évalué les potentielles retombées. Une position d'autant plus prudente, que les enjeux sont énormes. L'importance du secteur agricole, et en amont, sa phase de transformation industrielle, ne sont plus à démontrer dans la structure du PIB national. «Il est certain que l'impact serait important. Mais nous ne disposons malheureusement pas d'assez de statistiques précises pour en mesurer les réelles portées», nous explique cet opérateur du secteur agroalimentaire, à défaut d'avoir pu joindre le président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri), jusqu'au moment où nous mettions sous presse. La phobie d'une invasion turque est donc bien là... si ce n'est déjà chose faite aujourd'hui sur plusieurs produits agroalimentaires. Trois axes de réflexion Le Maroc est effectivement en déficit commercial agricole avec ce pays d'Europe et de l'espace méditerranéen. La signature de l'ALE, n'est venue que peu atténuer ce déséquilibre. Le déficit de la balance commerciale agricole entre les deux pays s'est en effet légèrement amélioré. En 2009, en chiffres, il passait de 90 MDH pendant la période 2003-2005, à quelque 83 MDH sur 2006-2009. Sur cette tranche d'importations de produits agricoles ou agroalimentaires turcs, les listes sont dominées par celle des produits de chocolaterie (13% du total), de la biscuiterie et de la boulangerie (11%) et du tabac (8%). La seconde partie de ces listes est constituée par des produits agricoles tels le raisin sec et l'abricot sec. La menace truque se situe, visiblement, plus au niveau des produits finis agroalimentaires. Du côté de la tutelle sectorielle, l'étude en préparation se penchera sur trois principaux axes de réflexion. Le premier porte sur «l'identification et l'analyse de variables stratégiques à l'évaluation de l'impact de cette libéralisation», indique-t-on auprès du département de l'Agriculture. Les étapes suivantes seront la sélection d'un «scénario final» applicable à l'amélioration des concessions, démarchée par la partie turque. Une «approche de négociation» de cette décision sera, à partir de là, établie. Cette approche sera cependant menée tout en gardant à l'esprit que la Turquie ne devrait pas céder beaucoup, a priori, sur certaines filières clés de sa propre économie. Les viandes et les abats comestibles, les produits laitiers, le sucre et les fruits, figurent sur les listes des «protégés». Le pays subventionne, par ailleurs, son secteur primaire à hauteur de 42% de son PIB, ainsi que ses exportations sous forme de restitution à l'exportation. Une quinzaine de produits ou de groupes de produits bénéficient de cet appui. Il s'agit notamment de l'huile d'olive (125 dollars US/tonne pour 100% de la quantité exportée), les conserves de poissons (200 dollars US/tonne), les conserves et les pâtes (75 dollars US/tonne), ainsi que les chocolats.