Ceux qui attendaient une avancée pour cette rentrée dans le dossier - ô combien compliqué et inextricable - de la retraite, doivent prendre leur mal en patience. «On est encore très loin de la réforme», concluait Amal El-Amri, représentante de l'Union marocaine du travail (UMT) et membre de la commission technique chargée de cette réforme. Cette dernière intervenait lors d'une rencontre organisée en milieu de semaine dernière par l'Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (Agef), en collaboration avec lea CGEM. Sur l'estrade, les responsables des quatre régimes de retraites : la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR), la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), la Caisse marocaine de retraite (CMR) ainsi que le Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR). Le débat a duré près de trois tours d'horloge, pour arriver à la triste évidence que la réforme de la retraite fait «un pas en avant, deux pas en arrière». Chaque régime est venu remettre sur la table sa position. La CMR, destinée aux fonctionnaires publics de l'Etat, craint toujours sa faillite annoncée, s'attendant à un déficit dès 2012 qui devrait découler de l'entame de ses réserves. «Les cotisations ne pourront plus couvrir le montant des pensions», constate Mohamed El Alaoui El Abdallaoui, parachuté, dans un moment très critique, à la tête de la direction générale de la caisse. Pour le RCAR, le même déficit devrait apparaitre à partir de 2021, avec un rapport démographique en effritement. La CNSS, régime du secteur privé, est l'institution la moins menacée, avec les premiers signes de déficit attendus pour 2026. Mais si tous les professionnels du secteur s'accordent sur la nécessité et l'urgence d'une réforme, il n'en demeure pas moins que la décision d'exécuter cette réforme est loin d'être prise. Les divergences fusent de partout : responsables des caisses, syndicalistes et autres acteurs sociaux. Les premiers s'enlisent dans des discours très techniques, portant entre autres éléments sur l'option d'un «rééquilibrage paramétrique» de l'ensemble des régimes, comme le soutient Khalid Cheddadi, PDG de la CIMR, ou sur «l'impossibilité d'instaurer le principe de Régime de base unifié (RBU)», d'après l'argumentaire de Saïd Ahmidouch, DG de la CNSS. Du côté des travailleurs, peu importe les changements envisagés, les acquis doivent demeurer intacts (cotisations, âge de la retraite...). Une priorité oubliée Cependant, au milieu de tout ce tohu-bohu, la voix du pouvoir politique peine à se faire entendre. «Je crois que le débat devrait plutôt porter sur l'existence ou non d'une volonté politique réelle d'établir cette réforme. Aucune position n'est encore officiellement affichée», déclare une responsable de l'Union marocaine des travailleurs (UMT). Cette dernière ne fait que conforter un constat déjà établi. Pour preuve, aucun membre du gouvernement ou d'une administration étatique n'était présent au débat organisé par l'AGEF. Le courage politique semble encore manquer, pour franchir le pas décisif, qui devrait conduire à la concrétisation de cette réforme sur laquelle les protagonistes n'ont que trop tergiversé, depuis trois ans. «Ce courage politique, qui a amené la France «sarkozyste» aujourd'hui à prendre le taureau par les cornes», lance la représentante de l'UMT au niveau de la Commission technique. Pourtant, à l'entame de sa prise de pouvoir, Abbas El Fassi et ses hommes avaient fait du social leur cheval de bataille. Pourtant, aujourd'hui, le volet retraite, semble relégué en bas de liste. Aujourd'hui, les réformes économiques semblent plutôt avoir pris le dessus. Seulement, peut-on parler de développement économique, sans un système de retraite performant, juste et pérenne ? Les plus grands économistes répondraient par la négative, du fait de la transversalité de cette problématique, qui touche toutes les couches du tissu économique national.