Construire un espace aérien commun, c'est ce vers quoi tendent les pays méditerranéens et l'Union européenne, qui ont adopté, le 24 novembre à Bruxelles, la «déclaration du groupe de travail Aviation du forum EuroMed Transports». L'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie et la Tunisie (la Turquie, pays candidat à l'adhésion, négocie à part) se sont engagés, avec l'Union européenne, sur une feuille de route décrivant pas à pas la mise en place d'un Espace aérien commun euro-méditerranéen pour l'aviation civile en agissant sur cinq axes majeurs : le marché aérien, la sécurité, la sûreté, l'environnement et la gestion du trafic aérien. Le projet, contenu dans le programme EuroMed Transports (voir encadré), a été initié lors de la signature des accords de Barcelone en 1995. La feuille de route comporte deux étapes : la conclusion d'accords bilatéraux entre chaque pays et l'UE d'ici 2015, puis la conclusion d'un accord multilatéral, censé entrer en vigueur en 2018. Pour les pays méditerranéens, le chantier est de taille, mais les retombées économiques attendues sont alléchantes. Priorité à la sécurité et à la gestion du trafic Selon l'étude d'impact réalisée par les experts du groupe de travail, plus de 120 millions d'euros d'investissements seront nécessaires entre 2010 et 2015, puis, à partir de 2016, le projet coûtera environ 15,5 millions d'euros par an à chaque pays partenaire. En tout, près de 400 millions d'euros sur 25 ans. Tous les domaines de l'aviation sont concernés, mais les dépenses sont notamment concentrées sur deux d'entre eux : la sécurité et le management du transport aérien. Selon les estimations du groupe de travail, la gestion du trafic aérien représente près de 30% des coûts sur la période 2010-2015. La sécurité, qui comprend notamment l'harmonisation des législations ainsi que la mise en place d'un contrôle unique pour les passagers voyageant dans la zone, représente pour sa part près de 35% des dépenses sur la période 2010-2015 et plus de 50% après 2015. Les autres postes de dépenses sont la sûreté, l'amélioration et la libéralisation du marché et l'environnement. Avec des investissements nécessaires à hauteur de 14,520 millions d'euros, le Liban est le pays à qui le programme devrait coûter le plus cher. Ce sont ensuite l'Algérie, la Turquie et Israël qui dépenseront le plus pour mettre en place les différentes exigences d'EuroMed Aviation. La Syrie, la Jordanie et l'Autorité palestinienne sont les partenaires qui devront investir le moins, avec des coûts totaux en dessous des 10 millions d'euros. Ces coûts comprennent les études préliminaires nécessaires à la mise en place du projet, la formation des personnels de tous les domaines de l'aviation civile, l'embauche de nouveaux employés ou les augmentations de salaires. Ils incluent également les infrastructures et leur nécessaire adaptation, ainsi que les équipements informatiques et leur renouvellement. Dans tous ces domaines, l'objectif est de rapprocher le plus possible les législations et les modes de fonctionnement des pays et de les harmoniser avec les normes en vigueur dans l'Union européenne. Un programme d'assistance technique visant à former les fonctionnaires des différents pays de la zone Méditerranée a déjà été mis en place entre 2007 et 2009. Une vingtaine de séminaires ont eu lieu sur les cinq domaines visés par le projet EuroMed Aviation et une évaluation des besoins mais aussi des retombées économiques attendues a été effectuée. Cette première partie du projet a été entièrement financée par l'Union européenne à hauteur de 5 millions d'euros. Un accord multilatéral profitable L'étude d'impact a mis en avant des retombées globales comprises entre 3,62 et 4,07 milliards d'euros sur 25 ans pour les pays méditerranéens. Les bénéfices provenant de la libéralisation du marché et, donc, de l'augmentation du nombre de passagers ainsi que de l'emploi qui en découle se situent entre 1,902 et 15,275 milliards d'euros pour la période 2010-2034. Les gains résultant de l'amélioration de la sécurité se situent autour de 1,3 milliard d'euros sur cette même période. Pour les calculer, les experts se sont basés sur l'idée qu'en adoptant les normes européennes, les pays méditerranéens rejoindraient ainsi un taux d'accident comparable au taux européen de 3,9 accidents pour 40 millions de vols et ont estimé qu'un crash mortel coûterait 56 millions d'euros. L'harmonisation de la gestion du trafic aérien pourrait rapporter jusqu'à 1,746 milliard d'euros, tandis que le coût écologique est évalué entre 606 millions et 3 milliards, du fait de la compensation nécessaire de l'impact négatif sur l'environnement de l'augmentation du trafic. Lors de l'adoption de la feuille de route, les experts du groupe de travail ont mis en valeur la solution d'un accord final multilatéral, qui, selon leurs calculs, serait plus intéressante. La comparaison coûts/avantages montre que, sur la période 2010-2034, les bénéfices totaux atteignent 3,88 milliards d'euros contre 3,42 milliards provenant de la seule somme d'accords bilatéraux. Soit 460 millions d'euros supplémentaires sur les 25 ans pour lesquels ont été calculées les retombées. Selon la feuille de route, les accords bilatéraux doivent entrer en vigueur d'ici 2015 et l'accord multilatéral devrait être finalisé pour 2018. Côté financements, EuroMed Aviation 2 compte sur une coopération plus profonde avec les organisations internationales comme la Banque mondiale ou régionales comme le Fonds de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) pour le développement international. Les experts ont aussi évoqué des prêts des banques institutionnelles et privées, mais aussi les budgets des différents pays méditerranéens, arbitrés par leur gouvernement respectif. Enfin, les fonds de la politique européenne de voisinage (ENPI) ont été mis en avant. Pour les neuf pays (la Turquie bénéficiant d'un autre régime du fait de sa candidature à l'entrée dans l'Union européenne), cette politique représente près de 2,5 milliards d'euros sur la période 2011-2013.