Dans son livre intitulé «Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête» paru en 2009, Jean-Marie Messier, l'ex-patron de Vivendi, prédisait qu'après la crise, plus rien ne serait comme avant. Il semblerait qu'il ait vu juste. Une «prémonition» affirmée et confirmée par une série de récentes analyses, dont notamment celles concernant la fonction RH. L'une de ces études est le baromètre RH réalisé en 2009 à l'échelle européenne par CSC (spécialisé dans le conseil, l'intégration de solutions d'entreprise et l'externalisation) en partenariat avec Sofres. Il en ressort des révélations inédites expliquant comment les DRH ont résisté à la crise, comment la conjoncture a occasionné des changements dans leurs priorités, mais aussi comment elle a fait naître de nouveaux paradigmes au sein de la fonction. Interrogés sur la même thématique, les professionnels locaux de la RH expliquent qu'en effet c'est la même situation, ou presque, qui a été vécue au Maroc. Changements des priorités Le constat global de l'analyse CSC-Sofres est que la crise de 2007-2008 a bousculé les priorités des directions RH. Durant cette période les priorités RH se composent essentiellement de thèmes économiques et sociaux. Les mesures de réduction des coûts et des capacités de production sont passées du 7e (place occupée dans le baromètre d'avant la crise) au 1e rang des préoccupations des DRH. Dans le même temps, la motivation des collaborateurs est devenue deuxième sur la liste des priorités. Ainsi, en France comme dans les autres pays européens dans près de la moitié des entreprises, les DRH ont dû ralentir, voire geler, les recrutements. Mais l'enquête CSC-Sofres explique que globalement cette mesure d'austérité n'a pas poussé les DRH jusqu'à intégrer dans leurs priorités le gel des salaires. La solution la plus communément utilisée a été le «chômage partiel» faisant de l'aménagement du temps de travail une pratique priorisée dans 31% des cas. En matière de développement international, les DRH des grands groupes ont également été contraints de lever le pied en ce qui concerne les actions et les budgets destinés aux filiales. «En raison de la brutalité de la chute de l'activité, l'amélioration du développement international de l'entreprise a cessé de progresser en 2009. Le développement des politiques RH à l'international ne constitue plus une attente prioritaire pour les directions générales», expliquent les enquêteurs de CSC-Sofres. Il en est de même pour la politique d'attrait-rétention des talents, alors qu'avant la crise, elles étaient parmi les principales préoccupations des DRH. Mais la négligence de cette pratique, explique-t-on, n'a pas été risquée pour les DRH, dans la mesure où les tensions économiques n'incitent pas les salariés à prendre le risque de changer d'emploi, ce qui stabilise les équipes en place. Les points sur lesquels la fonction RH a misé Par ailleurs, même si les plans d'austérité ont beaucoup réduit les rétributions et avantages attendus par les collaborateurs, il n'en reste pas moins que jamais le besoin de motiver et de mobiliser n'a été aussi grand chez les DRH. Le rapport CSC-Sofres souligne que l'amélioration de l'engagement des salariés, qui était un axe de travail important mais non prioritaire, est devenue, au temps de la crise, une préoccupation RH majeure, du fait que les attentes de la direction générale vis-à-vis des RH sont principalement orientées vers l'efficacité managériale. Pour ce faire, le soutien des managers s'était inscrit comme une action prioritaire dans le cadre de la GEC (Gestion des emplois et compétences). Pour réussir ce pari, les DRH ont dû jouer à fond la carte de la persuasion, en misant sur les actions qui revitalisent le sentiment d'appartenance. Le besoin de développement de la culture d'entreprise est ainsi accentué et apparaît comme l'une des nouvelles priorités. Pour les analystes, cette évolution est liée aux difficultés économiques demandant une plus forte solidarité des équipes et du management. Leçons tirées et évolutions futures Toutefois, malgré la rudesse des épreuves endurées tout au long de la crise, il ressort que l'expérience de la crise a imposé des changements qui vont faire évoluer la fonction RH vers de nouveaux paradigmes. Déjà quelques tendances lourdes se dégagent du lot. La première est que le positionnement de la fonction RH en tant que gestionnaire de crise et de changement se renforce, selon le baromètre CSC Sofres. La prévention des risques psychosociaux s'inscrit également dans la liste des tendances non négligeables, notamment du fait de la surmédiatisation des crises et des drames que vivent les entreprises. À cela s'ajoute l'évolution de l'organisation du travail et des rôles des managers de proximité avec pour objectif l'accentuation du travail collaboratif. Toujours dans la liste des grandes tendances, selon l'enquête CSC-Sofres, la problématique de la RSE (Responsabilité sociale et environnementale) prend de l'ampleur et de plus en plus de directions RH développent des actions de promotion de la diversité et de lutte contre la discrimination.