Coïncidence des événements ou hasard du calendrier, le Maroc est en train de se positionner comme le pays, par excellence, de l'intégration régionale et continentale. Rabat, accueille, en effet, depuis hier et pour trois jours, la 27e édition du Comité intergouvernemental d'experts (CIE), un organe délibérant du bureau pour l'Afrique du Nord, de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA). La rencontre qui réunit plusieurs experts représentant les gouvernants des 7 pays que couvre le bureau (Maroc, Egypte, Algérie, Lybie, Mauritanie,Tunisie et Soudan), tombe inopportunément pour les officiels marocains, au premier rang desquels le gouvernement, puisqu'elle s'inscrit dans la droite ligne des ambitions du royaume pour le continent. Il s'agit, en tous cas de la troisième rencontre de l'année, qu'abrite le royaume après le Forum de Rabat sur l'intégration africaine, en février dernier et le Sommet de relance de l'UMA, durant le même mois. Un regain d'intérêt qui illustre la nouvelle dynamique en faveur de l'intégration économique, régionale d'abord et continentale ensuite, née dans le sillage de la reconfiguration géopolitique, qui s'opère au niveau mondial, notamment dans ses aspects économiques avec la crise des pays européens, et politiques avec les effets du printemps arabe. Une conjugaison de facteurs qui imposent des stratégies communes, seule alternative propre à servir de véritable relais de croissance dans le contexte international actuel, selon Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances, qui a tenu à assister à l'ouverture des travaux pour témoigner de l'intérêt grandissant du Maroc à cette question. Aujourd'hui, c'est un truisme que de ressasser les qualificatifs, confirmés par des études pertinentes et des résultats concrets, de l'immensité du potentiel africain en matière de croissance économique. Une croissance portée par des ressources naturelles importantes que recèle le continent, et une démographie assez importante dans un monde marqué par «une dynamique de consommation». «Notre continent a connu sur la dernière décennie une croissance soutenue qui a permis à nos pays de la région d'afficher une certaine résilience, face à la récession économique mondiale, mais cela ne doit pas occulter certaines disparités en fonction des sous-régions», a indiqué Baraka, prenant en compte la part du PIB africain dans la moyenne mondiale, ou celle moins significative de sa contribution dans le commerce mondial, en dépit d'une part importante de la population. «Ce constat atteste clairement que le potentiel est là et qu'il faudrait juste savoir en tirer profit, en mettant les moyens qu'il faut pour développer tous les relais de croissance», conclut le ministre, tout en ajoutant qu'en «conjuguant nos efforts dans cette étape transitoire, nous nous ouvrons les voies vers un avenir radieux et prospère», en référence à la situation politique que connaissent les pays de la région. Chantier ambitieux La rencontre de Rabat servira, justement, d'occasion à cet ambitieux chantier qui consiste à libéraliser le potentiel africain et à l'adapter au service des perspectives de développement qui se profilent. Un processus dans lequel, l'intégration apparait plus qu'une alternative mais une nécessité. «Aucun pays ne peut de manière isolée, répondre aux conditions optimales de l'entrée dans une économie compétitive», a rappelé Allalat Abdelhak, directeur de la prospective et de la prévision au HCP et président sortant du CIE, juste avant de passer le témoin à son homologue tunisien. Au sortir de leur réunion, donc, les participants auxquels se sont joints pour l'occasion, les représentants d'organismes internationaux (PNUD, UMA, CENSAD...), de la société civile, d'universitaires et du monde des affaires, feront converger leurs positions sur les axes prioritaires du chantier de l'intégration économique, ce qui balisera le terrain aux décisions politiques, qui constituent un puissant accélérateur du processus. Un chantier dans lequel le Maroc semble bien avancé au vu des efforts déjà consentis dans son rapprochement avec plusieurs pays de la sous-région ainsi que de l'Afrique subsaharienne. C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle le royaume rêve de jouer un rôle important dans ce processus, en profitant de son avantage géographique, et de son expertise qui peut servir de modèle au continent, comme l'a rappelé la directrice du bureau régional de la Commission des Nations unies pour l'Afrique, Karima Bounemra Ben Soltane. L'enjeu est de taille pour le royaume qui est à la recherche de nouvelles opportunités. Baraka n'a, en tout cas pas fait mystère sur ce plan en révélant à l'assistance que le Maroc entend se positionner comme une «terre d'opportunités pour le développement de l'Afrique». Nizar Baraka, Ministre de l'Economie et des finances. Les Echos quotidien : Quels sont les enjeux pour le Maroc pour l'accueil de cette rencontre, qui s'inscrit dans le cadre de la dynamique d'intégration régionale et africaine ? Nizar Baraka : Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence que l'Afrique connaît un rythme croissance économique soutenue de 5% en moyenne annuelle, ce qui montre qu'il y a un véritable potentiel de croissance à développer. �À ce titre, le Maroc a toujours considéré qu'il était essentiel de renforcer cette profondeur africaine, d'abord en développant l'intégration régionale, dans un premier temps et ensuite celle économique au niveau du continent. Le Maroc a une dynamique en la matière, tant sur le plan des investissements directs marocains en Afrique avec plusieurs initiatives dans des secteurs diversifiés comme les télécoms, les assurances ou les marchés bancaires et financiers. Dans le cadre de cette vision, notre objectif est d'accélérer aujourd'hui ce processus, afin d'être au rendez-vous avec l'histoire. Au-delà des aspects politiques, l'enjeu pour le Maroc, c'est aussi de se trouver des relais de croissance. Dans quelle mesure ce processus s'inscrit-il dans la recherche d'une croissance durable sur laquelle s'attelle le gouvernement ? Le Maroc a toujours considéré l'importance de développer la coopération Sud-Sud pour développer ce qu'on appelle la croissance endogène intégrée régionale. Il faut être honnête et reconnaître que rien qu'au Maghreb, la valeur des échanges ne dépasse pas 3%, ce qui montre qu'il y a un potentiel important à développer, à travers le commerce intra-régional. Dans un contexte marqué par les politiques de rigueur mises en œuvre dans les pays européens et la récession économique qui les frappe, nous serons amenés à subir une baisse de la demande extérieure, ce qui impose la nécessité de s'ouvrir à de nouveaux marchés, notamment au Maghreb et en Afrique. Avec toutes ces initiatives lancées tant au niveau régional que continental, comment se positionne le Maroc, pour tirer pleinement profit du processus d'intégration ? Au niveau de l'intégration, nous sommes en train de développer un certain nombre d'accords de non double imposition avec certains pays et des accords commerciaux avec d'autres. Nous sommes également en train de multiplier les initiatives comme le renforcement des lignes maritimes, notamment avec la ligne de Tanger Med, qui permettra d'améliorer la logistique et par ce biais d'ouvrir de véritables opportunités de développement.