Chose promise, chose due ! En début d'année, Mohamed Horani et la CGEM se sont engagés à présenter des propositions pour le projet de loi de finances 2011, c'est désormais chose faite. En fin de semaine dernière, le patron des patrons a rendu public les propositions présentées, quelques jours plus tôt, au ministère des Finances. Le patronat adopte ainsi une position de partenaire actif aux côtés du gouvernement. Ce qui rompt avec le discours des présidents sortants, qui avaient œuvré pour faire de la CGEM un contrepoids au gouvernement pour défendre les intérêts du patronat. On dirait qu'entre partenaire ou contrepoids le cœur du patronat balance. Pour cette année, les doléances de la CGEM se sont basées sur une nouvelle approche. «La démarche adoptée consiste à poser la problématique des finances publiques de manière globale, de raisonner sur le moyen et long termes et de réaffirmer l'engagement du secteur privé dans le développement», lance d'emblée Mohamed Horani, président de la CGEM. Ceci intervient à un moment où le Maroc s'attend à une année 2011 charnière, durant laquelle la réforme de la loi organique des finances devrait modifier la structure des dépenses et des recettes de l'Etat. Aussi est-il question de la présentation des propositions de la commission de consultations sur la régionalisation avancée, dès la fin de 2010. Cette dernière devrait en effet donner aux régions des prérogatives financières différentes de celles dont elles disposent actuellement et qui ne manqueront pas d'impacter la politique économique et budgétaire du pays. Mais le fait le plus marquant avec lequel la loi de finances 2011 doit tenir compte reste sans nul doute les difficultés par lesquelles passent les finances publiques. Il s'agit d'abord de la compensation dont la réforme est plus que jamais nécessaire. Aussi est-il question de décider des moyens à même de réformer le secteur des retraites afin que sa viabilité ne soit plus remise en cause. L'équipe Horani soulève également la problématique entourant les dépenses de fonctionnement de l'Etat, «qui posent la question de la réforme administrative», note-t-on au sein du patronat. C'est dire que Mezouar et son département devront faire face à bien des difficultés dans l'élaboration de leur projet de loi de finances. Cependant, le ministère peut compter sur la CGEM. Cette dernière recommande, en attendant l'aboutissement de la loi organique des finances, d'approfondir les réformes entamées depuis 2003, en se basant sur les concepts de performance, des modalités d'exercice du contrôle et l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques. Au niveau fiscal, les recommandations du patronat se veulent d'abord comme un moyen d'accroître l'attractivité de l'investissement. Il s'agit, entre autres, de poursuivre le processus de baisse de l'IS, ce dernier devant passer de 30% à 25%. Aussi, l'instauration d'une imposition réduite pourrait être une solution pour éradiquer l'économie informelle. La CGEM a ainsi concocté une panoplie de propositions qu'elle met à la disposition du ministère des Finances dans le cadre de l'établissement de la loi 2011. La question est maintenant de savoir si le patronat est parvenu à convaincre le département de Mezouar pour qu'il en tienne compte. La compétitivité Ce cheval de bataille La compétitivité de l'économie marocaine est l'un des points centraux des propositions fiscales faites par la CGEM au département de Salaheddine Mezouar. «Le premier chantier à investir est celui de l'amélioration de la compétitivité», insiste-t-on au sein de la CGEM. Et pour cause, la compétitivité de l'entreprise est génératrice de croissance économique et, partant, pourrait solutionner durablement le déficit budgétaire. «Il est crucial de pallier les faiblesses majeures qui caractérisent les PME-PMI», ajoute le patronat. C'est dans ce sens que le ministère des Finances devrait prendre en considération dans l'élaboration de son projet de loi de finances, l'accompagnement des PME et la lutte contre l'économie informelle. Ceci pourrait se concrétiser avec un taux d'IS attrayant, que la CGEM propose à 15% pour tout résultat fiscal inférieur à 1 million de DH. L'autre mesure proposée par le patronat dans le cadre du renforcement de la compétitivité des entreprises nationales concerne l'export. «Il est nécessaire d'accompagner les efforts de l'export et de s'aligner sur la tendance internationale à travers la baisse de l'IS sur chiffre d'affaires à l'export», ajoute Mohamed Hdid, expert comptable membre de la CGEM. En effet, aujourd'hui, les entreprises marocaines jouissent d'un allégement de 17,5% sur le taux normal de l'IS, tandis que le patronat exige que cette exonération soit portée à 50%, comme cela a été le cas auparavant. la TVA Cette fois doit êtrela bonne Mohamed Horani n'a pas manqué de souligner dans sa présentation la nécessité de réformer la TVA. Le patron des patrons s'est concentré dans son intervention sur l'impact de la TVA sur la trésorerie des entreprises, notamment les PME et les TPE. Dans ce sens, «toutes les mesures adoptées durant les dernières années allaient dans le sens du renchérissement de l'impact de la TVA sur les entreprises et ce, via la suppression de diverses exonérations et le relèvement des taux», déplore-t-on au sein de la CGEM. Ainsi, le patronat estime que la loi de finances 2011 devrait entériner la baisse du taux supérieur de la taxe, celui-ci devant passer de 20% à 16%. Cette mesure contribuerait essentiellement à renforcer la relance de l'économie. «La baisse du taux normal de TVA se justifie, aujourd'hui plus que jamais, par l'encouragement de la demande intérieure et de l'investissement dans le but de relancer l'activité économique», explique-t-on à la CGEM. Les membres de cette dernière estiment en effet qu'une TVA à 20% appliquée sur les investissements est pénalisante, surtout en l'absence du droit au remboursement ou à l'exonération de cette taxe au-delà de 24 mois. «Pour les autres taux, nous proposons qu'ils soient regroupés en un seul, dit social et environnemental, se situant autour de 10%», prône Mohamed Horani. Aussi, le patronat revendique la suppression du décalage d'un mois pour la récupération de la TVA, afin de soulager la trésorerie des entreprises. Ceci revient également, selon la CGEM, à améliorer les délais de traitement des remboursements de TVA. la Compensation Plafonner les dépenses de subvention à 3% On ne peut aujourd'hui parler de projet de loi de finances sans que la problématique de la Caisse de compensation ne ressurgisse. En effet, ce poste qui ne représentait en 2003 que 4,4% du budget global de l'Etat en est aujourd'hui à près de 22%. «L'année 2010 connaît même un dérapage à cause d'une conjoncture énergétique défavorable», ajoute-t-on au sein de la CGEM. C'est dire l'urgence d'une réforme de ce système de compensation. À ce niveau, il faut dire que le patronat ne va pas sans présenter ses recommandations. Ainsi, «la réforme de la compensation devrait se faire en tenant compte d'un ré-engineering du système, avec en trame de fond un ciblage optimal des catégories éligibles», insiste Mohamed Horani. Selon ce dernier, il faudrait également penser à une redéfinition de la politique sociale sur une base conjuguant à la fois la protection contre les insécurités et aussi le renforcement par l'investissement social des capacités des populations défavorisées. Concrètement, les propositions de la CGEM pour réformer la Caisse de compensation tendent en premier lieu à un plafonnement de la dépense de subvention à 3% du PIB et à l'autonomisation du financement de la compensation. Il est également recommandé d'éponger les créances en retard et de mettre en place un système d'information permettant un meilleur ciblage des populations défavorisés et ce en prenant pour principaux piliers les cartes de pauvreté ou encore les CIN biométriques. L'épargne Encore et toujours Les doléances de la CGEM ont également porté sur l'encouragement de l'épargne à travers des mesures fiscales incitatives. Dans ce sens, Horani et son équipe suggèrent d'instaurer des encouragements pour l'épargne salariale, notamment à travers la mise en place de mécanismes d'encouragement pour les plans d'épargne logement et les plans d'épargne action. Ces recommandations tendent vers l'accompagnement du financement des projets structurants lancés par le Maroc. Ainsi, entre autre avantages fiscaux, la CGEM sollicite le ministère des Finances pour qu'il accorde des mesures incitatives qui consisteraient à déduire du salaire imposable à l'IR les revenus que verseraient les salariés dans des plans d'épargne actions. Par ailleurs, le patronat s'attaque également aux taxations, introduites dans la loi de finances 2010, des transactions sur les actions et les opérations de capitalisation. Ainsi, la taxation des transactions sur les actions doit, selon la CGEM, être revue en la soumettant à un droit fixe. Idem pour la taxation des opérations de capitalisation, qui est actuellement soumise à un droit proportionnel de 1%. Enfin, pour drainer un maximum de devises en cette période critique, la CGEM a proposé au ministère des Finances d'introduire des mesures d'allégement de la pression fiscale sur les revenus de source étrangère. «Notre requête à ce titre cible un taux d'imposition attractif de 5%», précise M. Horani. Cette dernière mesure est inspirée de la politique fiscale sur les pensions de retraite, qui a permis au Maroc de connaître un accroissement du nombre de retraités étrangers installés dans le pays.