Tout a commencé en 1991. Alors que Jawad Rhalib avait à peine 26 ans, il mettait déjà la main à la pâte en tant que producteur. C'est avec «Entreprendre», un magazine économique, qu'il fait ses débuts. Diplômé de l'école de communication et de journalisme UCL en Belgique, le réalisateur, encore débutant à l'époque, commence sa carrière par des films institutionnels. Mais pas des moindres. En 1994, Jawad Rhalib réalise « L'homme et l'environnement » dans le cadre d'une série de films portant sur le thème de l'environnement. Son coup d'essai est un coup de maître. La série est diffusée sur 20 chaînes de télévision arabes. Côté consécration, les capsules obtiennent le prix spécial du jury du PNUD et le prix de la meilleure série de sensibilisation arabo-africaine. Jamais deux sans trois : c'est aussi le prix pour le meilleur comédien que la réalisation arrache. Une véritable expérience, qui mène Jawad Rhalib à la récidive. Documentaire, pour le meilleur et pour le pire En 1996, il conçoit, anime et réalise «Ecologia». Un magazine télévisé mensuel sur la sensibilisation à la protection de l'environnement, avant de se pencher sur ce qui sera plus tard son genre préféré : le documentaire. «Barrages et Développement», ce sont 52 mn qui présentent la candidature du Maroc à la présidence de l'Organisation mondiale de la gestion des ressources naturelles dans les Pays en voie de développement. Dans le même registre, mais cette fois-ci en front-office, il anime de 1996 jusqu'à 1999 l'émission bimensuelle sur la TVM «L'homme et l'environnement» et réalise deux séries de documentaires pour l'agence japonaise de coopération internationale. D'abord initié sur le tas au sein de la première chaîne, formé en salle et en master professionnel ensuite, Jawad Rhalib s'est fixé pour but de produire la représentation d'une réalité, de plusieurs réalités, sans jamais intervenir sur le déroulement des choses. En août 2008, avec «Les damnés de la mer», Jawad Rhalib alerte l'opinion et les autorités concernées par le système régissant les ressources halieutiques au Maroc. Essaouira, après Safi, a été le premier port sardinier au monde ! Aujourd'hui, le poisson a déserté les eaux. Par milliers, les pêcheurs d'Essaouira, de Safi, d'Agadir ont émigré vers le sud. C'est là qu'ils ont trouvé refuge pour tenter une bonne pêche. Avec une telle magie d'images et une belle poésie, Rhalib relate la truculence et le désespoir des petits pêcheurs victimes d'un vol manifeste. Le film a été couronné au festival international du film panafricain de Cannes, où il a obtenu le prix du meilleur film documentaire. Il est même attendu dans d'autres festivals et manifestations pour le cru 2010. Du côté du petit écran, après TV5, le film a fait une excellente audience le 19 septembre sur Arte (coproducteur) où il a été salué par les critiques. Une soirée débat a été organisée en son honneur à l'Institut du monde arabe le 26 novembre dernier. Le documentaire a voyagé un peu partout... avant de se heurter au manque d'intérêt global des chaînes nationales. Seul le Fidadoc d'Agadir pour sa 2e édition l'a projeté en présence du réalisateur, qui y assurait le rôle de membre du jury. Suite à quoi, la Chambre des pêches maritimes de l'Atlantique-centre et d'Agadir a publié un communiqué de presse pour briser le silence et tirer la sonnette d'alarme quant aux accords de pêche signés en violation des droits et conventions internationales en la matière. Le cinéma Rif est en discussion pour programmer le film prochainement. Le réalisateur est attendu à Tanger les 19 et 20 décembre pour une rétrospective de ses films. Des vérités qui dérangent... Les réactions suscitées par les « Damnés de la mer» ne sont pas les premières du genre. Pour le réalisateur belgo-marocain, les films documentaires sont synonymes de catalyseur pour mettre de l'ordre dans certaines pratiques anarchiques. C'est le cas du film « El Ejido, la loi du profit (2005)». Le film montrant l'exploitation des travailleurs étrangers dans les serres espagnoles à Almeria avait provoqué un débat au sein des Parlements espagnol et andalou. Les Suisses avaient même entrepris de boycotter les produits issus de ces cultures. Sorti en salle en Belgique et en France, le film a suscité des discussions dans les universités, écoles et centres culturels en Europe. Il a même raflé le Prix du meilleur documentaire au FESPACO de Ouagadougou. Le film était en compétition au FIPA à Biarritz, à Thessaloniki en Grèce, au festival des droits de l'homme de Genève, à la rencontre Doc à Tunis et sera bientôt à DokFest Munich. Au bout de plus de dix documentaires, réalisés en moins de huit ans, nous remarquons que certains sujets évoqués par le documentariste reviennent. Les préoccupations sont récurrentes. Ce sont des sujets sociaux qui viennent en tête. Avec «Regards sur l'Inde» (1997) sur la cohabitation des religions en Inde, «Le blé ou l'oseille» (1998), «Au nom de la coca» (1999) sur le président de la Bolivie Evo Morales et la lutte des cocaleros de Bolivie. Jawad Rhalib excelle dans le processus de restitution du réel. En 2000, «La maladie de Chagas, el insecto asesino» a été sélectionné à la compétition officielle au Festival international du grand reportage et du documentaire d'actualité de Lille, au Festival international de la médecine à Liège et au Festival international d'Aurillac. S'en sont suivis «Vietnam now» en 2000, « La nouvelle Afrique-du-Sud, oui, mais...» en 2001, «Madagascar, les années volées» en 2002, «Brûler, disaient-ils ou les raisons de la colère» en 2004 et «Tuberculose – Sida, l'équation sud-africaine» en 2006. Montage, choix des plans et des questions posées : autant de dérives par rapport à une réalité unilatérale. Actuellement, Jawad Rhalib est en pleine préparation de «Tout ce que la terre permet», un documentaire de 52 minutes, ainsi que de «Boomerang». mahacine mokdad