Droits de l'homme, mondialisation, identité et développement durable : de grandes thématiques citoyennes universelles explorées ont été lors du 2ème Fida Doc Souss d'Agadir (10-14 novembre). Un festival engagé et orienté au Sud, confiant dans le pouvoir d'émancipation du cinéma documentaire dans un pays où il demeure méconnu et peu soutenu. « En quoi cela t'a-t-il changé ? », un professeur de photographie interroge ses étudiants sur leur travail artistique dans Transit Dubaï, de la Hollandaise Ineke Smits, projeté au Festival international du documentaire d'Agadir. Du 10 au 14 novembre, le Fida Doc Souss n'a cessé de se poser cette même question : qu'est-ce que le documentaire peut changer en nous et autour de nous ? Identité engagée
Sous le soleil encore chaud de l'automne marocain, l'ambiance conviviale, presque vacancière, de ce jeune évènement tranchait avec la gravité des thèmes qui en font l'identité particulièrement engagée : impact du commerce des fleurs au Kenya (A Blooming Business de Ton van Zantvoort), formation draconienne des enfants gymnastes de Chine (The Red race de Chao Gan), combat d'une comédienne de théâtre iranienne (Shadi de Myriam Khakipour), lutte de villageois marocains contre l'avancée du désert (La Pépinière du désert de Laurent Chevallier) ou destins parallèles de deux jeunes exilés kurdes à Istanbul (Les Couleurs lointaines du bonheur de Françoise Bouard et Régis Blanchard)…
Projetés à la Chambre de commerce - les deux salles de cinéma d'Agadir étant délabrées - les films sélectionnés ont dénoncé l'exploitation de l'homme par l'homme et ses dégâts sur la nature, mais montré aussi de belles expériences de solidarité, ainsi que le lien inextricable entre individus, culture et environnement. Droits humains, mondialisation, développement durable : trois grandes problématiques citoyennes universelles, vues principalement à travers les pays du Sud, l'Afrique tenant une place particulière.
Dans Raketa Mena, le défunt cinéaste Hery Resolo (mort en septembre 2008) raconte le peuple oublié de l'Androy, au sud de Madagascar, dont les terres sont envahies par la figue de Barbarie ; Adieu Lac Tchad, de Oumar Idriss, s'inquiète du devenir des bergers et pêcheurs qui vivent sur les rives de ce fleuve menacé ; Ingrid Patetta entre dans le monde des puisatiers traditionnels du Niger, et Toro Si Té, de Daisy Lamothe, dresse l'attachant portrait d'un médecin de campagne au Mali. Un regret, cependant : que le jeune cinéaste sénégalais Abdoul Aziz Cissé, membre du jury, ait finalement dû annuler sa venue en raison d'un tournage. Malgré la qualité inégale des films, dont la thématique semble parfois avoir primé sur l'écriture dans leur sélection, le Fida Doc laisse place à des débats pertinents, et se veut un réel « vecteur d'émancipation sociale » : « Le documentaire est un outil d'éducation civique, un vecteur d'émancipation sociale, d'affirmation de son identité et d'ouverture sur le monde », affirme sa directrice Nouzha Drissi, productrice marocaine revenue au Maroc, après avoir passé vingt ans en France, pour fonder ce festival, qui sait aussi aller vers le public avec des actions « hors les murs ».
« Education civique »
Chaque matin, une programmation scolaire était dédiée aux enfants, ainsi que des ateliers d'écriture pour une quinzaine d'étudiants gadiris, dont Warda Lazaoui : « Souvent, le documentaire n'a pas de commentaire, ainsi je suis plus libre de ce que je comprends et ressens dans les images, les intentions du réalisateur ». Pour Lahcen Aounil, « il a un pouvoir de persuasion, qui nous rappelle que les valeurs humaines sont les mêmes dans le monde ».
Et chaque soir au coucher du soleil, une équipe du Cinéma numérique ambulant (CNA), qui depuis 2001 sillonne les terres du Bénin, du Mali, du Niger et du Burkina Faso, installait projecteur, écran 4 par 3 et groupe électrogène au cœur des quartiers populaires d'Agadir pour y présenter des documentaires sur le droit des femmes ou la Palestine, non sans vives réactions. « Je suis convaincu qu'un tel festival peut être un rempart contre l'intégrisme », estime Jawad Rhalib, réalisateur des Damnés de la mer, sur la difficile survie des pêcheurs marocains à Dakhla.
Certes, à la différence des villageois africains privés d'électricité, les Marocains sont, eux, abreuvés d'images audiovisuelles. Mais ce sont trop rarement des images d'eux-mêmes, le genre documentaire étant méconnu et peu soutenu au Maroc, malgré la reconnaissance, à l'étranger, de cinéastes comme Izza Genini, Ali Essafi, Hakim Belabbès, Dalila Ennadre, Jawad Rhalib ou Leila Kilani. Parce qu'il met souvent le doigt là où ça fait mal, c'est un cinéma qui dérange. Les chaînes nationales n'en sont pas friandes, ou bien le confondent avec du reportage. Quant au centre cinématographique marocain, il ne subventionne que les films tournés en 35mm, ce qui est devenu rarissime, car trop cher, pour du documentaire. Palmarès du Fida Doc Souss 2009 Grand Prix : La Campagne de Sao José de Marie-Pierre Brêtas (France) Prix du Jury : La Pépinière du désert de Laurent Chevallier (France, Maroc) Prix du public : King of India de Arvind Sinha (Inde) Prix spécial du jury : Shadi de Myriam Khakipour (France)