On a encore une petite semaine de répit, mais, je brûle d'impatience de démarrer le ramadan. Un sacré mois, que ce mois ! Si ça ne tenait qu'à moi, je le prolongerais sur 12 mois. Et vous savez pourquoi ? Parce qu'on s'amuse. Et moi, j'aime bien m'amuser. Et puis, pourquoi ne pas lier le vénérable à l'agréable ? Non, je ne pense pas que ce que je dis soit un sacrilège. Il n'est dit nulle part que jeûne signifie tristesse. D'ailleurs, vous le voyez, ça ne rime même pas. Par contre, jeûner rime très bien avec, par exemple, badiner, et je ne crois pas que ce soit par hasard. Ne nous voilons pas la face : quand on regarde les jeûneurs et les jeûneuses durant la journée, on ne peut pas dire que c'est la joie. Les gens tirent la gueule, d'autres s'engueulent, et tous ne savent même plus ce qu'ils veulent. Même si personne n'oserait le dire, on a l'impression que tout le monde a une dent contre le ramadan. Et comme je les comprends ! Je ne dirai pas qu'il n'y a pas pire que la faim, mais je n'en «panse» pas moins. Mais, bon, une journée ne dure que le temps d'une journée. Et comme on dit, après la pluie, le beau temps, on peut parfaitement dire : après la faim, le bon temps. En effet, et je ne vous apprendrais rien, ce n'est qu'après qu'elle s'est bien rempli la bedaine (et quand je dis bien, c'est vraiment bien, même si, entre nous, ce n'est vraiment pas bien de bien se remplir la bedaine, mais ça, c'est une autre paire de ventres), que la croisière s'amuse. Ça peut paraître comme une lapalissade, mais je pense qu'il y a un «avant» et un «après» rupture du jeûne. Car on passe carrément d'un monde à un autre. On ne reconnaît plus les gens. On dirait qu'ils ne sont plus les mêmes. Ceux de tout à l'heure, par exemple, qui tiraient la gueule sont devenus soudainement super mignons, et ceux qui se crêpaient le chignon, deviennent étrangement copains comme cochons (je devrais éviter momentanément de parler de cochons, mais, après tout, le cochon n'est pas si méchant, et puis, ne nous dit-on pas que nous sommes un peuple tolérant ?). Je disais donc qu'après une période plus ou moins longue de privation forcée ou librement consentie, manger, ça vous transforme un homme et quand je parle d'un homme, la femme, n'en parlons pas ! Et c'est ça, entre autres, bien sûr, l'intérêt du ramadan. En vérité, ce qui me redonne espoir dans ce pays parfois désespérant, c'est que le ramadan redonne la parole aux gens. Tous ceux qui ne disaient pas un mot en temps normal, se remettent miraculeusement à causer. Et va-s-y que je te raconte des vannes, et va-s-y que je te critique, et va-s-y que je te pique, et va-s-y même que je te parle politique ! Je ne sais pas s'il y a un rapport avec la harira et avec le mélange explosif qu'elle contient, mais c'est dingue ce que les langues se délient. Maintenant, est-ce que ce qu'ils disent est intéressant, ça je ne saurais pas vous dire... Cela dit, déjà, en temps normal... Bon week-end et... bon ramadan.