Un business propre et porteur, mais qui tarde à prendre son envol. Cette dualité résume bien la situation dans laquelle se trouve actuellement le développement du sable vert. Mais avant d'aller au fond de la problématique, un mot sur le contexte. Aujourd'hui, le Maroc a un besoin annuel de 20 millions de m3 de sable. Un chiffre qui est prévu en croissance exponentielle, et qui devrait dépasser la barre des 50 millions en 2025, d'après le scénario le plus probable établi par les autorités et autres opérateurs intervenant dans le secteur. Cette progression devrait être entrainée par le développement de l'urbanisation et la multiplication des projets d'infrastructure. Pour combler ce besoin, le sable littoral, déjà surexploité, épuisera bientôt ses capacités, sans parler de la destruction des plages et de l'avancement du niveau de la mer que cette exploitation abusive peut provoquer. À la clé, une pénurie de sable dans les régions intérieures du Maroc (Fès, Marrakech, Taza, etc.), une flambée et un déséquilibre des prix du m3 (Fès : 300 DH, Casablanca : 180 DH), les lits et méandres des oueds défigurés, les nappes phréatiques atteintes et perturbées, et bien d'autres conséquences des plus fâcheuses. Face à tous ces griefs, le sable de dragage (ou sable marin) ou de concassage, s'érigent en méthodes alternatives pour continuer à assurer un approvisionnement régulier du marché local, sans porter atteinte à la nature. Le premier est issu des fonds marins, des opérations de dragage de ports, ou de gisements clairement établis et autorisés par les autorités publiques. Le second type de sable, dit de concassage, provient surtout des carrières de roches massives ou des zones alluvionnaires. Un business flairé... L'Etat, à travers le ministère de l'Equipement et des transports (MET), les industriels et quelques opérateurs, ont vite senti le filon. Cela a mené à la création de la société Rimal, filiale de Drapor, spécialisée dans la production et la commercialisation de sable marin de dragage, dans le cadre d'une convention Etat/Drapor, en 2008. Cet accord porte sur un investissement de près de 480 millions de DH, pour une production qui devrait atteindre les 3,5 millions de m3 en 2011. Depuis, Rimal se trouve seule, sur ce marché géant, opérant sur trois plateformes que sont Mehdia, Azemmour et Larache. Un grain de sable dans le désert. «Actuellement, le Maroc dispose de 2,5 milliards de m3, sur 2m de profondeur, de gisements de sable marin sur la façade atlantique, et 2,8 milliards, sur 8 mètres de profondeur, sur la façade méditerranéenne», révèle Hassan Jaï, président du directoire de Rimal, et de l'Association des professionnels du sable (APS). «Un énorme potentiel à exploiter, pourvu que l'Etat nous en donne le feu vert», poursuit ce dernier. Cela d'autant plus que ce sable vert apparaît, largement compétitif sur tous les plans, face au sable conventionnel des dunes. Rimal écoule le m3 de sable de dragage dans une fourchette de prix située entre 90 à 130 DH (Hors Taxes), presque aux mêmes tarifs que le sable classique (entre 120 DH et 140 DH, en 2009). À cela s'ajoute le fait que le sable soit lavé, contrôlé en laboratoires, par des experts, et livré au m3 près. En ce qui concerne le sable de concassage, les potentiels sont tout aussi énormes. Selon une étude menée par le MET au niveau de la zone littorale comprise entre Al Hoceima et El Jadida, le potentiel de sable de concassage est estimé à près de 2.500 millions de m3. C'est sur ce créneau qu'opère Holcim Granulats, une filiale du groupe Holcim Maroc. Cedric Barthelemy, le directeur de cette structure, estime que «le Maroc dispose tellement de potentiels en sable de concassage, l'équivalent de plusieurs siècles de consommation de sable dans les grands bassins de consommation actuels». À ce jour, Holcim Granulats ne dispose lui aussi, que de deux sites en exploitation sur l'axe Casablanca-Rabat, un Benslimane et un autre à Skhirat. ... Mais sous-exploité ! Nonobstant la volonté affichée par les pouvoirs publics de se départir au plus vite du sable littoral, et tous les avantages offerts par le sable vert, le business tarde encore à prendre son envol. Pourquoi ? Les freins évoqués par les professionnels du métier, que ce soit pour le sable de dragage ou de concassage, sont multiples et partagés. Rimal, elle-même, n'arrive pas encore à atteindre ses objectifs en volumes de production, du fait des retards d'autorisation d'exploitation de gisements. En effet, sur le volume initial de 3,5 milliards de m3 en 2011, l'entreprise n'est autorisée jusque là, à en n'exploiter que 2,5 millions m3. «Ce sera le volume produit en 2011, grâce à l'installation complète cette année de notre troisième plateforme, celle de Larache», explique Hassan Jaï. Ce qui occasionnera un déficit d'1 million de m3, qui devrait être comblé, une fois l'autorisation acquise pour l'exploitation d'une nouvelle plateforme à Casa Nord. «Une autorisation qui nous a été promise, mais qu'on ne voit toujours pas venir», déplore le responsable. Au-delà de ces blocages d'ordre administrative, figure un autre facteur, celui de la lourdeur des coûts d'investissement pour l'exploitation du sable de dragage ou de concassage. En effet, la première activité, par exemple, requiert des matériels dont un navire, le dragueur, dont le coût peut aller jusqu'à 100 millions de dirhams. Cela, sans compter les infrastructures nécessaires au transport, au lavage-traitement et au contrôle de la qualité du sable. Des investissements, qui peuvent rapidement décourager le plus intrépide des hommes d'affaires. D'autres obstacles au développement de ce business figurent au niveau «de la difficulté de trouver le foncier, notamment pour le sable de concassage», confie Cedric Barthelemy, directeur de Holcim Granulats. Ce responsable parle également de «barrières psychologiques qui entravent au changement d'attitude, et pousse les constructeurs à faire le plus souvent usage du sable des dunes littorales». Un autre souci, d'ordre législatif cette fois, porte sur le retard accusé par la mise en application de la loi 08/01, portant sur l'exploitation des carrières, promulguée en 2007, et qui prévoit notamment un schéma de gestion des carrières. Mais, en 2010 les choses. En effet, la récente adoption par le Conseil des ministres du projet de loi sur le littoral, laisse entrevoir une lueur d'espoir vers une législation de ces activités. Une commission interministérielle, chargée de la problématique du sable, a également été créée un peu plus tôt dans l'année, d'où la détermination d'un scénario d'approvisionnement mixte pour les deux solutions alternatives: sable de dragage ou de concassage. Pour le moment, dans le cadre de son plan d'action 2010, l'APS mène actuellement une étude exhaustive sur la situation des besoins et potentiels du marché du sable au Maroc. L'objectif, est d'atteindre «les 13 millions de m3 de dragage et 9,3 millions de m3 de concassage», en 2015. L'exploitation du sable de dune sera, alors, définitivement enterrée.