Intégration, cohérence, compétitivité et convergence. Tels sont les axes clés de la stratégie 2010-2020 du Maroc, présentée par le Roi Mohammed VI dans le discours du Trône, vendredi dernier. Cette onzième année de règne marque le début de la deuxième décennie, celle de l'activation des politiques économiques amorcées jusque-là. Les thèmes développés dans le discours du Trône ressemblent à un plan d'action dont l'objectif est de baliser le terrain et de donner de la visibilité aussi bien aux citoyens qu'aux investisseurs nationaux et étrangers. Si la première décennie a été celle du lancement des grands chantiers structurants, la seconde sera celle de leur activation et leur efficience. C'est la première fois que le Souverain appelle à la cohérence entre les différents plans stratégiques lancés en vue d'en faire une réelle stratégie économique nationale globale, efficace et intégrée. Il est nécessaire de «mettre en place les mécanismes qui assureront une meilleure synergie entre ces plans, dans le cadre d'une vision stratégique intégrée, excluant toute approche sectorielle étriquée», relève-t-on dans le discours royal. Ce message, ou plutôt cette conclusion, fait référence à la série de messages, envoyés ici et là, au fil des assises sectorielles, notamment pour l'Agriculture (en marge du SIAM) et du plan Emergence, où pour la première fois dans l'histoire du Maroc, des ministres ont mis les projecteurs sur les défaillances du système. Et en toute logique, tous les «déséquilibres» qui ont empêché un fonctionnement idéal de ces grandes stratégies nationales, versaient dans le sens d'un manque de synergies et de cohérence entre l'action des différents départements ministériels. Autrement dit, le rôle de chef d'orchestre n'a pas été jusque-là rempli de manière à mettre en musique toutes les partitions sectorielles. Et le ciment de cette stratégie n'est autre que la logistique. La stratégie lancée par le département de Ghellab depuis quelques mois a en quelque sorte mise à nu ce que le Souverain a appelé «entraves» relavée dans la gouvernance des politiques sectorielles. Vision globale et cohérente Tel un pavé dans la marre, ce constat et cet appel royal à une plus grande dynamique et une vision unique, a été noté comme l'un des moments forts du discours royal. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec les différentes thèses proposées par certains groupements économiques et intellectuels qui sont arrivé à des conclusions similaires il y a quelques semaines, invitant à plus de synergies pour une plus grande compétitivité de l'économie marocaine. L'orientation principale pour la décennie entamée est limpide : Le Maroc doit arracher la place qu'il mérite sur l'échiquier mondial et pour cela, il n'y plus de place à l'amateurisme. L'heure est à la réactivité et aux (re)positionnements stratégiques sur tous les marchés porteurs, sans exception. L'intégration de l'économie maghrébine ne sera en aucun cas bloquée par les considérations politiques du voisin algérien. Pour cela, la balle est dans le camp de nos diplomates et hommes d'affaires qui doivent tout mettre en œuvre pour une diplomatie économique efficace et ciblée. Nous en avons ressenti les prémices depuis quelques mois, notamment pour le secteur de l'énergie et pour l'export. Le même modèle devra être dupliqué pour l'agriculture, la pêche, l'industrie... et l'environnement. La tare de l'éducation nationale Qui dit compétitivité, dit compétences. Cela ne peut se réaliser que si le Maroc prépare sa force vive aux nouveaux enjeux de la décennie 2010-2020. Ce qui nous ramène à l'autre pavé lancé dans ce discours sur un ton totalement «inédit». La critique ouverte de l'enseignement national. Les propos tenus dans le discours sont très éloquents. Le Souverain a fait une critique qui se veut sans concession à l'éducation nationale : «Le troisième obstacle -qui représente en fait, le plus grand défi- c'est celui qui pénalise la mise à niveau des ressources humaines. Ici le devoir de vérité s'impose avec franchise et sans nulle complaisance : la responsabilité est collective. Il incombe donc à tous de prendre des décisions courageuses pour assurer l'adéquation de la formation scientifique, professionnelle et technique, avec les exigences de l'économie moderne et de la promotion de la recherche scientifique et de l'innovation, ainsi qu'avec les impératifs de l'insertion dans l'économie de la société du savoir et de la communication». C'est tout l'enjeu du Maroc à très court terme. Le souverain n'a pas mâché ses mots pour dire que notre système éducation a été longtemps «plombé par des entraves démagogiques qui ont empêché la mise en œuvre des réformes constructives». A ce rythme, et si aucune mesure radicale n'est prise pour mettre un terme au fiasco, le système éducatif national continuera à «obérer les énergie de l'Etat et les potentialités des couches populaires». Plus fort encore, le passage où le Roi Mohammed VI annonce : «En confinant ces réformes dans les schémas stériles et éculés de l'enseignement dispensé, ce système risque de transformer notre capital humain en handicap entravant notre développement, au lieu d'en être la locomotive». C'est la première fois que des mots aussi forts que démagogie, stérilité du processus de formation et autres qualificatifs tels que handicap ou entrave au développement économique, boulet qui pompe les budgets de l'état et qui a du mal à canaliser l'énergie et l'ambition des générations futures. Des propos qui ont résonné fort dans la tête de tous ceux qui ont suivi le discours. Ce coup de gueule fait de la mise à niveau de l'enseignement, «LA» priorité des priorités dans l'agenda du gouvernement. La régionalisation avancée, une vision ambitieuse Ceux qui s'attendaient aux grandes orientations relatives au projet de régionalisation avancée, devront par contre prendre leur mal en patience. Les détails de ce projet de règne n'ont pas été dévoilés vendredi, mais le Souverain n'a pas manqué d'en annoncer la couleur. «Nous continuerons donc à aller de l'avant dans la mise en oeuvre de la vision ambitieuse que Nous avons définie dans Notre dernier discours de la Marche Verte. Ainsi, le Sahara marocain sera en tête des bénéficiaires du processus de régionalisation avancée. De même que seront poursuivis sans relâche les efforts soutenus que nous déployons en faveur du développement solidaire de nos provinces du Sud. Nous comptons au même titre, procéder à une restructuration profonde du Conseil Royal Consultatif pour les Affaires sahariennes». Les prochains mois seront décisifs et devront connaître la présentation par la Commission consultative de la régionalisation, présidée par Omar Azziman, de son rapport et ses recommandations concernant ce vaste chantier national. Rayonnement régional Le rayonnement du Maroc dans la région que ce soit au niveau maghrébin, africain ou même dans ses relations avec l'Europe et le reste du monde est perçu aujourd'hui comme l'essence même de toute la démarche et la Vision Royale à moyen et long terme. Pour cela, un travail de fond a été lancé au niveau des politiques intérieure et extérieure du pays. L'orientation royale à ce niveau verse donc vers un renforcement de l'action menée jusque là avec une montée en puissance en matière de diplomatie économique. «Le renforcement de la position du Maroc et de son rayonnement régional et international passe par une synergie accrue entre les politiques intérieure et extérieure. Il exige également de continuer à mener une action diplomatique à même de conforter l'ouverture de notre pays sur son environnement et de préserver ses intérêts supérieurs», note le Souverain. Et d'ajouter : «Nous considérons l'intégration maghrébine comme une aspiration populaire profonde et une nécessité stratégique et sécuritaire pressante. Elle s'impose comme un impératif économique rendu inéluctable à l'ère des regroupements et des rassemblements». Des décorations hautement symboliques En marge des festivités de la fête du Trône, plusieurs personnalités ont été décorées dont les leaders politiques Mehjoubi Aherdane et Ismaïl Alaoui. Le ouissam du mérite national de l'ordre de commandeur attribué au très dynamique Hamid Benbrahim Andaloussi, président du GIMAS (Groupement des industries aéronautiques et spatiales) a perçu come un message fort adressé à la filière aéronautique sur laquelle le Maroc mise gros pour le décollage du plan Emergence. La surprise est peut-être venu de Ali Horma, qui a fait partie des personnalités décorées par le Roi pour l'organisation du Race of Marrakech, un créneau sportif qui donne au Maroc un rayonnement international, mais sur lequel de grands efforts devront être déployés pour capitaliser sur les acquis et mettre le turbo sur les enjeux futurs. Parmi les personnalités étrangères et religieuses remarquée, nous noterons la présence d'Alan Solow président de la Conférence des président des organisations juives et celle de Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman. Environnement, énergie et gestion de l'eau... tout un chantier Dans la feuille de route de la décennie 2010-2020, la préservation de l'environnement, l'efficacité énergétique et l'optimisation de la politique hydrique du pays ont été présentés comme des défis majeurs que le Maroc se doit de réussir avec brio. Il y a une place à prendre et le Royaume doit se donner les moyens de la décrocher. Le train du développement économique ne doit pas tracer sa voie sur le compte de dame nature, au contraire, il en tirera l'énergie nécessaire pour aller vite et le plus loin possible. Le Souverain a demandé au gouvernement de donner corps très rapidement aux orientations issues du dialogue élargi, visant l'élaboration d'une charte nationale pour la protection de l'environnement et le développement durable. Il a parlé d'un «plan d'action intégré ayant des objectifs précis et réalisables dans tous les secteurs d'activité». Concernant la feuille de route pour l'énergie, à travers la poursuite de l'exploitation optimale de l'énergie éolienne et la généralisation de l'implantation des stations y afférentes dans toutes les régions appropriées. «Il est nécessaire de donner une forte impulsion au décollage de notre grand projet de production d'énergie solaire, pour lequel nous avons institué une agence spécialisée et affecté des investissements colossaux. Nous appelons donc à l'intensification des efforts pour promouvoir des partenariats fructueux, en vue de la réalisation de ce projet pionnier, d'une envergure internationale». Pour accompagner tout cela, la gestion de l'eau doit suivre à travers la mise en valeur des acquis dans le domaine des barrages en les renforçant via une politique de l'eau «fondée sur la mobilisation et l'exploitation rationnelle des ressources hydriques».