Qu'ils fassent partie de l'opposition ou de la majorité, les partis politique auront du pain sur la planche pour se préparer aux joutes parlementaires de la rentrée autour du projet de loi de Finances 2011 (PLF). La semaine dernière, le PLF a été d'ailleurs le principal point à l'ordre du jour d'une réunion entre les représentants des différentes composantes politiques et Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des finances. Une réunion-requête de plusieurs formations politiques, qui réclamaient des éclaircissements sur les contours du PLF 2011, histoire de les «mettre dans le bain» et pour que leurs bureaux politiques puissent disposer d'une base pour les futurs débats autour du PLF. «On n'a pas appris grand-chose», estime Saloua Karkri Belkeziz, présidente du groupe parlementaire du parti de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Pour elle, le contenu de l'exposé de Salaheddine Mezouar a été déjà étalé sur les colonnes des journaux ou lors d'autres sorties publiques du ministre de l'Economie et des finances. Même son de cloche du côté du Parti de la justice et du développement (PJD). À cette différence près que «c'est la première fois que le ministre des Finances affiche clairement que le Maroc est en situation difficile et qu'il faut rester en alerte concernant les agrégats économiques», indique pour sa part Najib Boulif, membre du conseil national du Parti de la justice et du développement (PJD). Pour le Parti authenticité et modernité (PAM), il est encore trop tôt pour parler du PLF. Leur porte-parole a indiqué qu'une réunion du bureau politique est prévue pour traiter de la question. Même réaction de la part des autres tendances politiques de la place. Dépoussiérer les priorités En somme, cette première prise de contact entre gouvernement et partis politiques était donc plutôt «froide». Une sorte de «démarrage poussif» qui ne dit encore rien sur les futurs rounds de négociation entre les deux camps, dans l'enceinte de l'organe législatif. Rappelez-vous l'année dernière, les composantes de la majorité gouvernementale se sont emmêlé les pinceaux. Le Premier ministre Abbas El Fassi s'est retrouvé en effet face à un USFP très critique sur certaines dispositions du PLF. Les socialistes ont été les premiers à monter au créneau pour fustiger le PLF 2010. Sans oublier la sortie des économistes istiqlaliens (parti du Premier ministre !) qui parlaient d' «incohérences» et de «contradictions». À en croire les déclarations de la présidente du groupe parlementaire du parti de la Rose, l'USFP compte cette année encore titiller le ministre des Finances sur plusieurs chantiers et contradictions du PLF. «Nos priorités n'ont pas changé depuis l'année dernière», lance Saloua Karkri Belkeziz. Elles portent principalement sur la coordination des stratégies gouvernementales et des contrats programmes, sans oublier les incitations fiscales promises par ces plans. Pour les membres du PJD, on annonce déjà la couleur : ce sera pour eux le social, les stratégies sectorielles et la Caisse de compensation. Les points chauds En attendant le déclenchement des «hostilités partisanes», les points chauds du projet de loi de finances 2011, sont, eux, bien connus. Le PLF pour l'année à venir sera, dans la lignée des années précédentes, volontariste sur le plan de l'investissement public. Les besoins en financement devraient donc être tout aussi importants. Problème, la manne des capitaux étrangers se tarit : les Investissements directs étrangers (IDE) devraient persister sur une tendance baissière sur l'année à venir et la reprise plus ferme des transferts des MRE reste des «plus improbables», est-il affirmé de sources gouvernementales. Sur le plan intérieur, le secteur bancaire, confronté lui-même à un assèchement des liquidités, ne peut prendre le relais. Reste le financement à court terme. Cela suppose entre autres de piocher dans les réserves de change, destinées à financer les importations et à payer les revenus des investissements au profit du reste du monde. Mais cela contribuerait immanquablement à dégrader les indicateurs macroéconomiques nationaux. Les Finances tendent plutôt à prévenir ce risque, du moins, à voir l'ambition affichée de contenir le déficit budgétaire à 3,5 %. Du reste, cela paraît bien compréhensible, puisque c'est la bonne qualité de des indicateurs macroéconomiques nationaux qui a valu au Maroc jusqu'à maintenant les faveurs du Fonds monétaire international, ou qui lui ont encore permis de décrocher l'Investment Grade, un sésame bienvenu si l'emprunt à l'international devait être réactivé. En tout cas, cela rend d'autant plus vital la recherche d'autres sources de financement. En lien direct, l'idée évoquée par le gouvernement est de mobiliser l'épargne nationale. À cet effet, le ministre de l'Economie et des finances, Salaheddine Mezouar, a mobilisé un comité qui devrait proposer des mesures favorables à l'épargne à intégrer dans la loi de finances 2011. En fait, le sujet avait déjà été évoqué de manière insistante durant la phase d'élaboration de la foi de finances 2010, mais la baisse des recettes fiscales avait contraint le gouvernement à faire machine arrière. Un autre levier étudié suppose de réduire le train de vie de l'Etat. Une ambition affichée vise de fait à réduire les dépenses de fonctionnement des départements publics. Avec tout ça, le gouvernement devra jouer aux équilibristes sur d'autres plans. Sur le volet de la Caisse de compensation d'abord. Son enveloppe budgétée selon des éléments préliminaires pour 2011 s'élève à 2 % du PIB. Ambitieux, car avec un budget de 3 % du PIB alloué en 2010, la Caisse a quasiment épuisé sa ligne de financement en tout juste 7 mois. Mais on n'est pas à ce risque près, puisque les Finances évoquent également d'autres facteurs de risque, dont notamment l'alourdissement des charges salariales de l'administration publique ou encore le creusement du déficit commercial. En somme, et selon les dispositions de la loi en vigueur, le ministre des Finances doit déposer son PLF avant le 20 octobre. D'ici là, il devra rallier sa majorité et éviter le scénario dissonant de 2010. Dixit... «Pour nous, les fondamentaux macro-économiques seront toujours sujets à discussion. Nous avons actuellement un déficit de 14 milliards de DH au niveau du budget, qu'il faut combler par la dette extérieure. Au niveau du Parti, nous ne voulons pas que notre pays choisisse la voie de l'endettement, il faudra creuser davantage pour trouver d'autres solutions. Nous comptons aussi remettre sur la table le dossier de la Caisse de compensation. Le gouvernement a lancé maintes études sans résultat. La population démunie n'est pas touchée et la Caisse est crevée par la facture énergétique. Le fiasco des stratégies sectorielles est le troisième point sur lequel le Parti compte rebondir durant les discussions autour du projet de loi de Finances 2011. À titre d'exemple, je peux vous citer le plan Maroc vert dont la mise en œuvre bloque au niveau des régions. Citons aussi le segment du logement social qui, malgré les dernières innovations, n'arrivent pas à émerger...» Najib Boulif, Membre du Conseil national du Parti de la justice et du développement (PJD). «Pour le moment, nous n'avons pas de positions à communiquer. Nous avons pris acte des hypothèses exposées par le ministre des Finances. Notre bureau politique va se réunir par la suite pour les étudier. L'étape suivante sera d'établir les priorités du Parti, sur lesquelles nous comptons interpeller le gouvernement». Salah El Ouadii, Porte parole du Parti authenticité et modernité (PAM). «Le gouvernement a fait le pari de miser sur des métiers tournés vers l'international, or ce choix nous expose à plusieurs risques, à l'image de l'effort protectionniste déployé récemment par la France contre la délocalisation de Centre d'appels et qui ne peut que nuire au secteur national de l'offshoring. L'action du gouvernement mise également davantage sur la promotion de l'immobilier et du tourisme. Pour notre part, nous recommandons de mettre l'accent plutôt sur le système productif et par extension, nous prônons la dynamisation des TPE et PME nationales. Sur ce plan, un mal structurel persiste. Pour y remédier, il s'agirait concrètement de combattre l'informel de manière plus efficiente, de mieux encadrer les facilités de paiement, d'adopter une fiscalité spécifique aux entreprises moyennes, de redimensionner les marchés publics pour qu'ils puissent plus profiter aux entreprises moyennes nationales qu'aux grandes entreprises internationales. L'accent doit être mis également sur la coordination des stratégies gouvernementales et des contrats programmes. D'une part, ceux-ci ne profitent pas systématiquement à l'industrie nationale. D'autre part, les incitations fiscales promises par ces plans, ne sont pas toujours déclinées dans les lois de Finances. Enfin, sur le chantier de la Caisse de compensation, nous estimons que le gouvernement a raté le coche de la réforme qui aurait du être menée en 2009, en période de détente des cours internationaux des matières premières». Saloua Karkri Belkeziz, Présidente du groupe parlementaire du parti de l'Union socialiste des forces populaires (USFP)