C'est presque la course aux baromètres dans le secteur de l'assurance maladie. Une année après l'enquête réalisée par Kdris et Cap'éval pour le compte de l'ANAM (Agence nationale de l'assurance maladie), voilà que le cabinet Sunergia marche sur leurs traces et lance son propre sondage. Ses résultats risquent d'en fâcher quelques-uns. Et pour cause, il en ressort globalement que les interveiwés affichent une nette préférence pour les assurances privées qu'ils jugent plus performantes. «Il est assez paradoxal que personne n'est satisfait d'une assurance qui constitue pourtant une révolution sociale importante dans notre pays puisque basée entre autres sur la solidarité et couvrant les principales pathologies graves chroniques», fait remarquer d'emblée un spécialiste de la santé. La notion de méfiance est carrément évoquée par 27% des sondés qui n'ont tout simplement pas confiance en leur couverture quand elle est dispensée par la Cnops ou la CNSS. Ils préfèrent ouvertement l'assurance privée à celle gérée par l'Anam. Les résultats du baromètre étayent ce constat. «Les compagnies privées enregistrent de manière globale de meilleurs résultats que l'AMO, que ce soit en termes de clarté, d'efficacité ou d'informations», soulignent les enquêteurs de Sunergia. Les exemples ne manquent pas pour en attester. Ainsi, 79% des assurés du privé estiment que leur couverture médicale est claire contre 65% des assurés de l'AMO. Ils sont également 76% à juger leur couverture efficace contre 58% des assurés de l'AMO, qui dénoncent l'absence de remboursement et le manque d'informations. Et puis cerise sur le gâteau, lorsqu'il leur est demandé s'ils conserveraient leur assurance s'ils avaient le choix, seulement 47% des assurés à l'AMO garderaient leur assurance actuelle contre 84% des assurés des compagnies privées. L'assurance maladie obligatoire serait-elle à ce point médiocre ? «Non seulement les assurés AMO cherchent une alternative à une couverture médicale qu'ils ne connaissent pas, mais la grande majorité des entreprises également ne veulent pas basculer vers l'AMO pensant que le panier des soins couverts n'est pas suffisant et que la liste des médicaments remboursés est trop restrictive», explique notre spécialiste de la santé. Tout compte fait, les compagnies d'assurance privées seront privées d'un chiffre d'affaires de près de 2 milliards de DH. La banque comme solution de financement La raison de la désaffection des assurés AMO serait peut-être aussi à chercher dans le manque d'informations dont ils disposent. Chose qu'ils reconnaissent d'ailleurs dans leurs déclarations au cabinet Sunergia. Selon une bonne partie des sondés, le flou existe en matière de renseignements sur le coût et la prise en charge des soins par leur assurance. A ce niveau, le constat est valable aussi bien pour l'AMO où seulement 33% des assurés se déclarent bien informés que pour les compagnies privées où cette proportion dépasse les 50%. L'autre grande révélation du baromètre concerne le décalage entre la date où les frais sont engagés par les assurés et celle du remboursement. «Les assurés pensent à de nouvelles alternatives pour financer leurs dépenses de santé en attendant que leur assurance les rembourse», nous apprend le baromètre. En effet, face à leurs moyens limités, 81% des assurés vont jusqu'à concevoir le recours à la banque pour disposer des sommes à débourser en amont aux établissements de soins. Les assurés suggèrent un taux d'intérêt situé en moyenne entre 2,8 et 3,3% en fonction des tranches de revenus. Les autres alternatives proposées par les assurés pour financer ces frais sont la vente de leurs biens personnels (59%), un dépôt de garantie (24%) ou un prêt auprès de leur famille (15%). C'est dire à quel point le décalage est pénalisant pour les assurés qui appartiennent en bonne partie à des populations à faible revenu. L'assurance complémentaire : une aubaine Mais s'il est un sujet qui fédère le plus de sondés, c'est bien celui de l'assurance complémentaire à l'AMO. Ceux qui la plébiscitent font exploser les scores. Quelque 78% des assurés qui ne bénéficient que de l'AMO en font la demande. Ils sont 52% à la souhaiter dans l'objectif d'être entièrement couverts, contre 35% qui en expriment le besoin pour que leur prise en charge couvre aussi les maladies non couvertes par l'AMO. «De manière schématique, il faut que les responsables gouvernementaux et institutionnels travaillent sur plusieurs axes à moyen terme dont celui de la mise en oeuvre réelle d'une couverture généralisée et d'un panier de soins correspondant à la réalité épidémiologique du pays qui concernera tous les Marocains», souligne Dr Jâafar Heikel. Et d'ajouter, «ce serait l'AMOB (Assurance médicale obligatoire de base) et non pas l'AMO; gérée par une seule institution qui regroupe la Cnops, la CNSS et également le Ramed». Le gain serait de taille car reposerait sur une logique et une uniformité des modalités de prise en charge ainsi qu'une économie d'échelle évidente. «A condition qu'une mise à niveau du système de soins publics et aussi privés le cas échéant soit au rendez-vous, que l'Anam soit en charge de la régulation, du contrôle, de l'évaluation ainsi que de l'accréditation des prestataires et qu'un fonds parafiscal sur des produits nuisibles à la santé soit institué», précise ce professionnel. Un grand chantier qui tarde à être engagé et dont le report ne fait que nuire considérablement à l'image de l'AMO auprès de ses bénéficiaires. Point sur le panel Un baromètre sur l'assurance maladie. Si l'idée a déjà tracé son bonhomme de chemin dans certains pays développés, au Maroc c'est la première fois qu'un cabinet se livre à un tel exercice, sans pour autant qu'il ait été mandaté par un quelconque intervenant du secteur. «Nous avons pris l'initiative de lancer un baromètre sur l'assurance maladie au Maroc (et non de l'Assurance maladie obligatoire) en raison du développement que connaît de secteur et les interrogations pressantes qui l'entourent sur l'efficacité des dispositifs mis en place et la satisfaction du citoyen par rapport aux services dont il bénéficie», souligne Keltoum Berrada, responsable de l'étude à Sunergia. Et de poursuivre que «ni la CNSS, ni aucune assurance privée n'ont pas été associées à la démarche. Nous souhaitions faire un point zéro complètement objectif et neutre». Encore faut-il dire que c'est bel et bien l'AMO qui a été au centre du baromètre qui sera édité annuellement. Mais, qu'en est-il d'abord de cette première édition ? La première vague du baromètre a été réalisée par le cabinet Sunergia du 01 au 27 octobre 2009. Les interviews avec les 400 assurés, formant le panel, ont été effectuées par voix téléphonique avec un système de numérotation aléatoire. Par ventilation, on retiendra que 53% des salariés interrogés appartenaient à des entreprises de services, 29% à des entreprises de commerce et 17% à des entreprises industrielles, selon les caractéristiques du panel.