La vague de protestations contre l'accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne a repris de plus belle. Les agriculteurs espagnols reviennent à la charge pour dénoncer l'accord en question. Cette fois, c'est au tour des producteurs des Îles Canaries de sortir leurs griffes et manifester leur «absolu et énergique refus» de la reconduite de l'accord. Ils craignent pour leur tomate, produit phare de cette région. Ce nouveau rebondissement intervient après l'annonce par la commission de l'Union européenne de la présentation du texte légal du nouvel accord agricole avec le Maroc en septembre, et son entrée en vigueur en 2011. L'augmentation du contingent des tomates marocaines entre la période d'octobre et mai coïncide avec la saison où les Canaries produisent et exportent le gros lot de leurs produits. À cet effet, l'accord aura des conséquences néfastes sur leur production qui bat son plein en cette même période, ont souligné les professionnels de l'archipel atlantique. Le contingent accordé au Maroc atteindra 285.000 tonnes durant les prochaines quatre campagnes. «Cette hausse influera négativement sur nos produits», a souligné la Fédération des associations des exportateurs de produits fruitiers et maraîchers (FEPEX) dans un communiqué. Et d'ajouter : «Concrètement, cela signifie l'expulsion de nos produits des marchés européens». L'association ajoute que cette augmentation est nuisible pour le secteur dans les Îles comme dans le reste de l'UE. Les professionnels de cette fédération ont réitéré leur mécontentement concernant la violation dite continue des termes de l'accord par le Maroc. Ces agriculteurs considèrent que l'Union européenne accorde de larges concessions au Royaume, inadmissible pour eux. De plus, ils n'arrêtent pas de pointer du doigt le non-respect par le Maroc de certaines clauses de l'accord. «Le suivi de cet accord, son contrôle et son strict accomplissement ne sont pas garantis», ont-ils indiqué pour justifier leur colère et attirer l'attention de la commission de l'UE. L'organisation avance que le non-respect des quotas par le Maroc a généré de «profondes distorsions». La Fepex a indiqué que les quantités de tomates introduites par le Maroc lors des dernières campagnes s'avèrent très supérieures à celles décidées par le contingent. Pour cela, le président de l'association a affirmé qu'il est indispensable que toute libéralisation commerciale avec le Maroc soit assortie de garanties permettant l'entrée de produits marocains selon le quota prédéfini. Volet sanitaire Cette nouvelle sortie médiatique qui brosse un tableau apocalyptique de la situation à cause du «danger marocain» s'est attaquée au volet sanitaire, jugé très reprochable au Maroc. Selon ces responsables, le Maroc est loin de respecter les normes d'hygiène et environnementales en vigueur en Europe. Dans ce sens, les agriculteurs de la Fepex ont lancé un appel pour le renforcement des contrôles douaniers entre les Etats membres afin de traquer ces produits qui ne répondent pas aux standards européens. Car à leurs yeux, tous les produits acheminés en Europe en provenance des pays tiers de la Méditerranée sont reprochables. À ce propos, ils veulent que l'UE n'ouvre ses portes devant ces contingents que lorsque les conditions d'hygiène et d'environnement sont respectées, car selon l'association les produits doivent répondre à certaines normes avant d'atterrir dans le panier de la ménagère européenne. Dans un mouvement de mobilisation et ce, avant la date fatidique de la signature, les professionnels de ce secteur ont multiplié les rencontres avec les eurodéputés de la Commission de l'agriculture pour les sensibiliser aux éventuels dangers de cet accord. Outre les agriculteurs canariens, ceux d'Almeria et de Murcia, deux régions à vocation agricole, ont aussi exprimé leur mécontentement face au renouvellement de cet accord. À souligner que l'Espagne est le premier pays producteur de la culture fruitière et maraîchère et premier fournisseur de fruits des 27 pays de l'UE. Une récente étude publiée par la fondation Cajamar, appartenant à la banque coopérative Cajamar, s'est aussi intéressée au sujet. L'étude a consacré une bonne partie de sa réflexion à la menace marocaine mais aussi à celle de la Turquie, quoique les descendants des Ottomans soient considérés relativement moins nuisibles que le voisin du Sud, du moins, à moyen terme. «Cet accord prévoit un grave préjudice pour le secteur espagnol, spécialement les produits fruitiers et maraîchers», peut-on lire. L'étude met l'accent sur une accentuation de la concurrence en provenance du Maroc. Elle prévoit, dès l'entrée en vigueur de cet accord, une perte de revenus pour les agriculteurs et un affaiblissement des exportations. Les rédacteurs du projet ont relevé que les concessions accordées dans le prochain accord sont plus larges que celles de celui qui est en vigueur. Et pour cause, les produits considérés comme sensibles par l'UE (ail, courgette, clémentine, fraise, concombre et tomate), lesquels étaient farouchement protégés, ont connu une augmentation de leurs quotas. L'étude préconise une préparation à cette nouvelle situation à travers une série de mesures, dont l'amélioration de la compétitivité et l'instauration d'une nouvelle culture d'entreprise. Une réorientation des aides communautaires avec l'objectif d'améliorer la qualité des produits et la durée des campagnes figure parmi les recommandations. Pour appuyer leurs propos, les auteurs de la recherche ont indiqué que le secteur des fruits a connu une légère perte durant la période 2006-2008. «Le danger vient spécialement du Maroc dont les coûts sont inférieurs», argumente-t-on. Mobilisation tous azimuts Ils se considèrent le parent pauvre de la communauté européenne, mais ils sont loin de l'être. Les agriculteurs espagnols jouissent d'un pouvoir à ne pas sous-estimer. Si dans leurs doléances ils n'arrêtent pas de répéter que la Commission européenne favorise le Maroc au détriment de leurs intérêts et de l'appartenance communautaire, ce ne sont, à vrai dire, que des paroles creuses, dénudées de tout fondement. La preuve : vendredi 11 juillet, ils ont réussi à mobiliser leurs homologues de France et d'Italie. Regroupés sous la bannière du comité agricole mixte hispano-franco-italien, ces agriculteurs ont réalisé un envoi massif et groupé de lettres à des eurodéputés. Au total, 250 parlementaires ont reçu la missive ayant comme objet de tirer la sonnette d'alarme sur les répercussions négatives de l'accord agricole euro-marocain. Du côté espagnol, le chef de file de ce mouvement sont les organisations les plus influentes sur la scène ibérique. Elles ont exhorté leurs représentants au sein du Parlement européen à n'épargner aucun effort pour entraver l'entrée en vigueur de cet accord. Selon leurs estimations, 1.000 postes de travail directs seront en jeu rien qu'en Espagne, au cas où l'accord est ratifié. En Espagne, il existe environ 4.000 coopératives qui font un chiffre d'affaires de 19.000 millions d'euros et génèrent 96.000 postes de travail directs. Ces organisations comptent un million d'adhérents dont une partie n'exerce pas forcément une activité agricole. Pour défendre ses intérêts, ce lobby n'hésite pas à frapper à toutes les portes, en titillant la fibre européenne. Par le biais des eurodéputés espagnols, plus spécialement ceux du Parti Populaire déjà acquis à leur cause, leurs revendications trouvent toujours une oreille attentive.