Nos saisonnières ne seront plus accueillies à bras ouverts dans les exploitations de fraises du sud de l'Espagne. Durant cette campagne, elles seront à peine 1.500 ouvrières à s'affairer dans les champs de fraisiers. À cause de la crise économique, les candidats locaux se bousculent pour cueillir la fraise et donc barrent la route aux ouvrières marocaines. Malgré cela, Juan Antonio Millan, président de la Fondation des travailleurs étrangers de Huelva (FUTEH) garde son optimisme. «L'effectif que nous recrutons cette année est en régression par rapport aux campagnes précédentes, mais il s'agit de la première phase seulement», assure t-il. Ex-maire socialiste de la municipalité de Cartaya, la Mecque de la culture de la fraise en Espagne, Millan est l'un des artisans du programme de migration circulaire. Selon ses dires, les journalières marocaines devraient arriver dans les prochaines semaines «au plus tard dans 25 jours, si tout se passe bien». La décision de réduire les contingents des ouvrières agricoles étrangères était prévisible. En juin dernier, le tout nouveau gouvernement local de Huelva, dirigé par le parti conservateur, avait menacé de mettre fin à l'embauche dans lepays d'origine ou du moins, de diminuer les contingents. Cette décision concerne exclusivement la main d'œuvre marocaine, puisqu'il s'agit de la seule force de travail recrutée en dehors de l'Union européenne. Etranger ou local ? Pour ne pas s'attirer les foudres des producteurs, lesquels ont toujours loué les mérites de la main d'œuvre marocaine, il était question de se passer des journalières du royaume durant la campagne d'ensemencement. Les autorités de Huelva avaient tout de même laissé la porte grande ouverte à un éventuel recrutement durant la saison de la récolte. Aujourd'hui, même les producteurs semblent être convaincus de la nécessité de reléguer le recours aux quotas étrangers au second plan. Freshuelva, l'association des producteurs et exportateurs de fraises de Huelva, a déclaré que l'association donnera la priorité aux demandeurs d'emplois locaux, comme convenu avec les autorités de la région. Ainsi donc, la crise économique sonne le glas de cette pratique, qui remonte à dix ans déjà. Juan Antonio Millan estime que le terme «locaux» ne se limite pas qu'aux Eespagnols. «Plusieurs immigrés en situation régulière, dont des Marocains, viennent se joindre aux demandeurs qui débarquent de tous bords», témoigne-t-il. Durant cette campagne, les besoins en main d'œuvre s'élèvent à 60.000 postes, dont 1.500 réservés à la main d'œuvre temporaire. De ce fait, les saisonnières marocaines seront les premières victimes de cette coupe dans les quotas. En effet, le Maroc passe au statut de «pays de réserve», au moment où il était le principal fournisseur de main d'œuvre dans les plantations du sud de l'Espagne. En 2008, elles étaient 12.000 saisonnières agricoles à s'affairer dans les plantations, contre 14.000 en 2009. Le chiffre a drastiquement baissé depuis la chute vertigineuse de l'économie espagnole. Les deux dernières années marquent le début de la dégringolade. En effet, 5.500 saisonnières ont été recrutés en 2010 et à peine 5.335 en 2011. Face à ce recul du programme d'immigration circulaire, l'embauche de la main d'œuvre locale a grimpé de 10% en 2010 et les prévisions cette année tournent autour de 8%. Les autorités locales ne savent plus où donner de la tête à cause du trop-plein de main d'œuvre dans le secteur agricole, unique activité en mesure d'offrir un emploi, quoique temporaire, aux bataillons de chômeurs dont regorge l'Espagne. Les producteurs de fraises rejoignent les contestataires de l'accord agricole Selon des déclarations de Freshuelva, des producteurs marocains auraient utilisé le label de la région pour commercialiser leurs fraises en la faisant passer pour un produit du terroir espagnol. Les producteurs espagnols qui prétendent avoir découvert le pot aux roses, ont sollicité l'intervention de l'UE pour «assurer la sécurité alimentaire et un contrôle efficace au niveau des frontières, vu que les fraises marocaines n'accomplissent pas les mêmes normes de traçabilité que celles produites à Huelva». Cette stratégie vise à traîner dans la boue les produits nationaux, vu que ces professionnels redoutent eux-aussi l'entrée en vigueur de l'élargissement de l'accord agricole, leur campagne coïncidant avec la marocaine qui donc représente un réel danger lors de la commercialisation.