C'est une première depuis dix ans. Le gouvernement local de la province de Huelva a décidé de ne pas faire appel à la main-d'œuvre embauchée selon le programme contrat au pays d'origine, pour la prochaine campagne de plantation de fraises. Concrètement, cela signifie point de saisonnières marocaines pour le début de la campagne dans cette région agricole espagnole où, chaque année, des centaines de femmes mettent le cap, dans le cadre d'un partenariat entre les autorités de cette province andalouse et l'Anapec. La décision fut prise lors d'une réunion de la Commission des flux migratoires, tenue vendredi dernier sous les auspices du gouvernement local, et dont l'ordre du jour tournait autour des préparatifs de la prochaine campagne agricole 2011-2012. Dans une déclaration à la presse, au terme de cette réunion, Manuel Bago, le sous-délégué du gouvernement local de Huelva, a justifié la décision de se passer des saisonnières (des marocaines, des roumaines et des polonaises) par le taux très élevé de chômeurs dans cette province. La Commission a indiqué que durant la campagne qui vient d'être menée à terme, 972 autorisations ont été octroyées à des saisonnières étrangères, et seules 860 ont fait le déplacement à Huelva. Ce léger recul, et le recours à un recrutement massif de travailleurs locaux pour répondre à la demande des exploitations, a poussé la Commission à en conclure que le marché du travail espagnol dispose d'un nombre suffisant d'ouvriers temporaires capables de satisfaire la demande des agriculteurs et de faire face aux besoins de la campagne. Toutefois, le responsable espagnol a souligné que la pratique de l'embauche dans le pays d'origine est toujours de mise, et que la régression de l'arrivée des saisonnières ne veut en aucun cas signifier la fin de cette pratique. Juan Antonio Millan, ex-maire de la municipalité de Cartaya et initiateur du programme «contrat à l'origine» devenu un exemple de réussite au point que l'UE souhaite le généraliser, se veut confiant. Contacté par nos soins, Millan, qui préside la Fédération des travailleurs temporaires (laquelle réunit la fédération agroalimentaire et la fédération des municipalités, entre autres), nous a déclaré que les dés n'étaient pas encore jetés. «Le programme du contrat à l'origine est toujours valable et se maintiendra avec le Maroc». Selon Millan, la Commission des flux migratoires a maintenu son engagement de préserver un quota pour les saisonniers étrangers, quota équivalent à celui de la campagne fraîchement terminée. La question qui taraude la Commission, souligne Millan, c'est de savoir si les 900 saisonnières qui se déplacent pour le début de la campagne sont nécessaires ou pas. Pour les patrons des exploitations et les syndicats, la question ne se pose pas. Ces saisonnières sont indispensables et ils l'ont déclaré haut et fort. «Nous nous sommes mis d'accord au sein de notre fédération sur l'urgence de créer une commission tripartite -réunissant gouvernement, patrons et syndicats- afin de dialoguer et montrer le bien fondé de notre cause aux autorités», confirme Millan. Sans plus attendre, les membres de la Fédération des travailleurs temporaires ont entamé une série de négociations pour revoir la décision des autorités de Huelva et veiller à ce que le pacte des embauches dans le pays d'origine soit préservé. Juan Antonio Millan est attendu dans les prochains jours au Maroc où il devrait s'entretenir avec le directeur de l'Anapec. De même, Millan devrait se rendre à Madrid pour sensibiliser le gouvernement central sur la portée de ce programme. «L'heure est aux négociations», revendique Millan. Les défenseurs du programme contrat à l'origine assurent qu'ils prennent conscience des motifs ayant poussé les autorités locales de Huelva à restreindre l'arrivée des saisonnières étrangères. Plusieurs espagnols et immigrés se rabattent sur le secteur agricole pour colmater les brèches de la crise. Ainsi ont-ils convergé vers cette région à la recherche d'un gagne-pain provisoire. Leur situation économique s'est davantage empirée vu que plusieurs chômeurs se retrouvent à présent sans les indemnités du chômage après les avoir mises à sec. Malgré ce décor peu reluisant, Juan Millan est persuadé de l'importance de la sauvegarde du système d'immigration circulaire. «Je veux transmettre un message aux saisonnières marocaines, je veux qu'elles soient rassurées car nous ne laisserons pas tomber notre modèle qui a fait ses preuves». Pour sa part, le sous-délégué du gouvernement Manuel Bago a laissé entendre qu'une fois la saison des cueillettes arrivée, le débat serait relancé pour identifier les besoins des agriculteurs et établir des quotas de main-d'œuvre étrangère au besoin.