Le timing du rappel royal sur le rôle du secteur bancaire dans le financement de l'économie, et spécialement le secteur privé, n'est pas fortuit. Eléments de contexte. L'évolution des crédits aux entreprises est inquiétante pour la trajectoire de l'économie nationale. Comme en témoigne aussi les rappels émis par la troïka Bank Al-Maghrib (BAM), Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). L'accès aux crédits des jeunes diplômés et des jeunes entrepreneurs sera un vaste chantier, d'autant plus que le financement des entreprises connaît un trend baissier. Après des années de croissance atone de ces crédits, bon nombre d'entreprises ont fini par se retirer du circuit de financement, comme en témoigne la faible demande de crédit. «La demande des crédits par les entreprises a ralenti dans une conjoncture économique marquée par une lente reprise de la croissance non agricole, un allongement des délais de paiement et un ralentissement de l'activité immobilière», observe Bank al-Maghrib (BAM) dans son rapport annuel sur la supervision bancaire de 2018. À cela s'ajoute une hausse du risque de crédit qui dissuade les demandeurs des crédits. In fine, les crédits au secteur privé se sont établis à 765 MMDH en 2018, en progression d'à peine 2,4%, après 2,8% l'année précédente. Cette faible évolution est la conséquence d'une baisse des crédits alloués dans une série de secteurs: énergie et eau (-4,6%), textile (-5,1%) et des autres industries manufacturières (-4,5%), BTP (-0,8%) et transport et communication (-4%). Des secteurs continuent de rencontrer des difficultés de financement, spécialement l'hôtellerie (7,3%). Les crédits distribués au secteur du commerce ont, quant à eux, progressé de 1,7% contre 8,6% une année auparavant. Dans ce contexte, le secteur bancaire devrait inscrire parmi ses priorités le financement des jeunes entrepreneurs. Mesures et écosystème Pour l'universitaire Omar Hniche, «l'implication des banques à accompagner les jeunes diplômés et les jeunes entrepreneurs s'inscrit dans le renouveau du modèle développement au Maroc. Ce renouveau ne peut se faire sans une implication forte du système bancaire et financier», insiste-t-il. L'universitaire fait observer que les entreprises connaissent «de sérieuses difficultés pour accéder aux crédits», notamment en phase d'amorçage ou pour se relancer sur les marchés, relevant que «notre modèle de développement doit impérativement porter un intérêt crucial à la promotion de l'entreprise, surtout la très petite, avec une série de mesures en sa faveur, notamment l'amélioration des conditions d'accès au financement», poursuit ce professeur de l'enseignement supérieur à l'Université Mohammed V de Rabat (UM5). Cette amélioration doit aussi cibler «les startups innovantes», précise-t-il. Et d'ajouter que «des dispositifs d'appui au financement de ces derniers sont indispensables et devraient occuper l'une des priorités de l'action de l'Etat pour lever les hypothèques pesant sur leur environnement». Sur le plan de l'accès aux crédits, une nécessaire amélioration des conditions d'obtention des financements (crédits bancaires, capital-risque, business angels, financements participatifs, subventions publiques) sont à mettre en place. Sur le plan des structures, l'universitaire rappelle le rôle des incubateurs d'entreprises pour accueillir les projets des jeunes candidats ainsi que la mise en place d'un véritable réseau entre les écosystèmes éducatifs et entrepreneuriaux. Dans le volet des garanties, le professeur universitaire appelle à «une politique monétaire favorable à l'entreprise, notamment la très petite, un accompagnement dans l'identification et l'évaluation des risques liés aux projets d'innovation, un renforcement des systèmes de garantie des crédits bancaires dédiés aux petites entreprises». Toutes ces mesures «peuvent appuyer les jeunes entrepreneurs, l'auto-emploi et favoriser l'insertion professionnelle des jeunes», conclut cette universitaire.