Les Echos qouotidien : Les sociétés de financement ont retenu leur souffle en 2009 sous l'effet de la stagnation du marché. Qu'en est-il pour l'année 2010 ? Noureddine Cherkani : Je qualifierai 2009 en tant qu'année d'attentisme. Beaucoup de rumeurs avaient circulé sur la baisse des prix de l'immobilier au Maroc, ce qui a poussé pratiquement tous les acquéreurs à faire preuve d'attentisme, le temps que les prix baissent afin de saisir les meilleure opportunités. Cependant, les prix n'ont pas bougé sur plusieurs segments d'habitat et dans plusieurs régions. Si j'ai qualifié 2009 d'année d'attentisme, je peux dire que l'année 2010 est l'année de la confirmation de certaines réalités économiques dans le marché de l'immobilier... Le marché est et demeurera porteur, particulièrement pour quelques segments et dans des régions spécifiques. On peut citer le logement économique et social. L'engouement pour ces deux créneaux s'est confirmé en 2010. Vous partagez donc les prévisions de Bank Al-Maghrib faisant état d'une reprise en 2010 ? Il y a effectivement une reprise très forte sous la pression de la demande. Tous les opérateurs à Casablanca qui se sont positionnés sur l'économique ont vu leur carnet de commandes grossir sur les deux ou trois années à venir. Aujourd'hui, il faut lancer la production car le plus dur n'est pas de vendre mais plutôt de construire. Tout le monde s'accorde à dire que sur le segment économique, la demande demeure au rendez-vous. La marge aussi. Par contre, c'est au niveau du moyen et haut standing que réside le problème... Comment les choses se présentent-elles au niveau régional ? C'est sur Casablanca et Rabat que le plus gros du potentiel est identifié. 2010 est l'année de la consolidation, vu qu'en 2009, il y avait un repli sur le marché du haut standing dans certaines régions. Dans le reste du Maroc, précisément dans certaines régions qui étaient convoitées par les investisseurs étrangers, il y a un fort ralentissement de l'activité. Je fais allusion à Marrakech, Tanger et sur toute la bande de Saïdia, ou la zone allant de Sidi Rahal à Essaouira. Cette dernière zone balnéaire, autrefois fief des Marrakchis et d'une frange des Casablancais, a connu quand même un ralentissement global de l'activité. Le Marrakchi ne peut plus vendre son riad ou encore sa maison dans la médina pour se permettre un appartement, en plus d'une maison sur cet axe là. De même, en termes de stratégie d'acquisition, les Casablancais qui investissaient dans cette zone là sont encore en situation d'attente. Mais on ne peut pas dire que ce marché est aussi durement touché que le haut standing. Par contre, la véritable secousse a été le lot du haut standing au niveau de Marrakech, de Tanger et de Saïdia. Dans cet environnement, comment se porte Wafa Immobilier ? Wafa immobilier affiche une bonne santé, parce que depuis longtemps, nous avons compris qu'il fallait diversifier l'offre produits. Cette offre est destinée à toutes les catégories socioprofessionnelles. Cette stratégie nous a permis d'être aujourd'hui le leader et de nous accaparer une bonne partie du business. Nous finançons pratiquement un appartement sur trois au Maroc. C'est un taux de captation que nous avons pu garder même malgré un le léger repli constaté dans certains segments. La clé de notre réussite s'explique par notre forte proximité avec tous les opérateurs, clients et promoteurs, de grands pourvoyeurs de business pour Wafa immobilier via des conventions avec des administrations publiques. La même approche est appliquée au niveau des grandes entreprises. Votre organisme est devenu moins souple vis-à-vis d'un certain nombre de promoteurs de projets de luxe et plus regardant par rapport aux risques de ce secteur... Regardants, oui. A l'exception de certains promoteurs et certaines régions. Notre métier est basé sur la gestion du risque. Néanmoins, nous avons affiné notre approche concernant le logement dans certaines régions, dans la mesure où nous ne sommes pas uniquement des pourvoyeurs de fonds. En tant que spécialiste du crédit immobilier, nous avons l'obligation de conseiller et d'accompagner le client. Vous avez participé à la dernière édition du SMAP Paris. Comment évolue la demande des MRE ? Nous avons remarqué qu'il y a un fort engouement. Le SMAP Paris est un événement incontournable pour s'approcher davantage de cette cible de clientèle qui draine 15 à 20% du business. En ce qui concerne Wafa Immobilier, le bilan de notre participaton a été positif. Je rappelle que le salon n'est pas une occasion pour faire de la vente directe mais plus une manière de pousser les MRE à rentrer au pays pour visiter le bien sur place avant de passer à l'acte d'achat. Une précision s'impose : contrairement à ce que pensent beaucoup d'opérateurs dans le haut standing, il est de plus en plus difficile de vendre sur plan ou sur la base d'une maquette. Certains experts s'accordent à dire que la moisson n'était pas bonne cette année compte tenu de l'impact de la crise sur le pouvoir d'achat des MRE... Je ne partage pas totalement cet avis. Le segment économique constitue une belle opportunité pour les promoteurs. Par contre, la stratégie d'investissement et de placement qui concerne les budgets importants n'était pas au rendez-vous. En termes de crédit, nous avons réalisé cette année une hausse de 10% par rapport à 2009 et 10% concernant les dossiers traités... et je suis très factuel. En termes de visite des stands des banques promotrices, il y avait un engouement fou. C'est un excellent moyen pour exposer le produit marocain et surtout un support qui va doper les ventes dans l'économique. Dans cette conjoncture, peut-on s'attendre à une baisse de taux ? Aujourd'hui, les taux oscillent entre 5 et 6%. Ils sont plus acceptables compte-tenu de l'environnement global et du fait qu'aujourd'hui les banques vivent sous le poids du manque de liquidités. Je ne pense pas que les taux vont encore baisser. Ils ne sont qu'une composante d'un certain nombre d'éléments. Wafa immobilier mise gros sur les produits alternatifs. Comment se présente cette offre et en quoi pourrait-elle révolutionner le marché ? Les dernières mesures fiscales nous ont épargné la double inscription hypothécaire, et par conséquent mettre les produits alternatifs sur le même pied de compétitivité que les produits bancaires classiques. Nous sommes convaincus du potentiel de ce marché. Preuve en est, tout ce que nous avons fait jusqu'à présent en matière d'autorisations depuis la mise en place de la disposition fiscale. Nous avons produit jusqu'ici le double de notre production de ces 3 ou 4 dernières années. Le marché demeure porteur, nous avons ciblé une clientèle éloignée du secteur bancaire. Avec «Mourabaha», nous avons conquis une nouvelle frange de population qui en aucun cas n'aurait accédé à la propriété et qui allait rester locataire. Dans un autre registre, certains promoteurs se proclament «anti-noir». Qu'en pensez-vous ? Effectivement, beaucoup de promoteurs sont en train de s'organiser pour une déclaration totale qui correspond au prix payé par l'acquéreur. Cette stratégie commerciale permet de liquider rapidement le stock. Le marché est devenu plus mature. Pour vendre, il faut mettre en place une politique qui prend plusieurs compartiments, surtout que parallèlement à la déclaration finale, la banque va financer à 100% cette large population qui ne pouvait pas disposer d'un apport initial. Sans parler des autres considérations. Est-ce que votre organisme finance le noir d'une manière ou d'une autre ? Nous ne financons jamais le noir. Si vous le faites, vous encouragez automatiquement des promoteurs à se lancer dans cette pratique. Nous ne dépassons jamais 100% de la valeur à l'acte. Par contre, ce qui risque de se produire, c'est qu'aujourd'hui il y a beaucoup de projets de livraison de villas ou de logements semi-finis. Nous sommes alors obligés de mettre en place une stratégie de vente qui facilitera l'accès à ce type de logement. Il y a alors deux types de dossiers : l'un pour le financement de l'œuvre inachevée, mais nous sommes obligés de dépasser la valeur à l'acte en finançant l'achèvement de la construction. On assimile souvent cet acte à un financement parallèle, ce qui n'est pas le cas. Sur la base des données des années 2008-2009, même les institutions de l'Etat financent l'accomplissement de la finition des projets semi-finis. Récemment, le cabinet McKinsey avait tiré à boulets rouges sur les promoteurs en les accusant d'être à l'origine des flambées des prix, en augmentant les marges jusqu'à 100% parfois, que répondez-vous à cela ? Je ne partage pas totalement les conclusions de ce rapport. Les promoteurs immobiliers sont d'abord des opérateurs économiques. Avant de déterminer un prix de vente, il vaut d'abord calculer le prix de revient. L'origine de la flambée des prix se justifie par la hausse des tarifs du foncier. Un nouveau promoteur payera le foncier aux prix fort. Lorsque vous trouvez des terrains qui se vendent 100.000 DH le m2 au triangle d'or, à 40.000 m2 sur l'avenue du 2 mars à Casablanca... quel prix de revient le promoteur doit-il mettre en parallèle ? Nous avons aussi assisté en 2008-2009 à la flambée des prix des matériaux de construction. Cela a eu un impact sur le prix de vente. Ce critère n'est qu'une composante, et c'est de là qu'émane une fausse perception sur les marges de gains des promoteurs. Et même le promoteur qui avait des stocks à prix bas est maintenant obligé de négocier à des prix forts sur le marché après les avoirs liquidés. Parfois, l'actualisation des prix dérange le consommateur. Les terrains sont épuisés à Casablanca, à Rabat, les prix à Hay Ryad, par exemple, ne sont plus abordables. Le prix du foncier a doublé plus rapidement que le prix des appartements, et une bonne partie de la différence est payée par le client.