La transmission d'entreprise est une étape qui s'avère parfois nécessaire pour la survie de l'entreprise. Que l'on possède une SARL ou une SA, les démarches pour transmettre son entreprise sont pratiquement les mêmes. Cependant, même s'il n'existe pas de mode opératoire standard pour réaliser cette démarche, il y a un certain nombre d'éléments à prendre en compte. Pourquoi transmettre son entreprise Dans le cas d'une entreprise familiale, «la transmission représente une opportunité pour préserver le patrimoine de la famille», explique Abdel Wahab Chaoui, directeur associé de C&O Marketing. Elle est, toutefois, conditionnée par l'intérêt que portent les héritiers à cette reprise. En effet, il est fréquent que les descendants du dirigeant ne soient pas intéressés par le domaine d'activité de leur géniteur. Dans l'absence de descendance, ou si celle-ci a choisi d'autres horizons, il est toujours possible de transmettre son entreprise à un repreneur. Dans les deux cas, il y un long travail de préparation qui doit se faire à l'avance. Un travail sur l'acquéreur, mais également sur soi. La prise de contact Elle constitue la première étape (technique) du processus de transmission, après la préparation. Pour manifester notre intérêt à l'égard d'une entreprise, nous préférerons le contact direct aux courriers. «Il est d'usage de prendre contact par téléphone avec le repreneur ou la société à transmettre et de prendre RDV afin de rencontrer la personne concernée», souligne Abdel Wahab Chaoui. «Cette démarche est préférée aux courriers, pour deux raisons. Il est d'abord plus intéressant d'humaniser la démarche de transmission afin qu'elle soit plus digérable par le cédant», explique Jaouad Chbani Idrissi, expert comptable et membre du conseil national de la comptabilité. Ensuite, toute correspondance par courrier pourrait déclencher un mouvement de panique chez les salariés qui peut, facilement, contaminer le portefeuille clients. Cette dégradation subite de l'image de la société peut entraîner une baisse importante de son chiffre d'affaires avant même de conclure la transmission. La manière avec laquelle la prise de contact est effectuée influe fortement sur l'accord de principe. Mais, avant toute chose, soyez sûrs qu'il s'agit d'un vrai repreneur. L'accord de principe En effet, il est important de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un simple curieux ou d'un concurrent qui souhaite avoir accès à vos données confidentielles. Une fois que le repreneur et le cédant sont d'accord sur le principe de la transmission, vient l'étape de l'accès aux données comptables de l'entreprise à transmettre. En effet, si le repreneur est intéressé par l'entreprise, il ne connaît pas forcément tous les détails de sa comptabilité. En tant que cédant, vous devez être ouvert à l'idée que le repreneur souhaite avoir accès à ces données. Cependant, assurez-vous qu'il gardera vos secrets. Le respect de la confidentialité A priori, votre entreprise intéresse le repreneur. Les premiers éléments fournis laissent penser qu'elle se porte bien. Cependant, le repreneur veut en être sûr. C'est tout à fait normal ! Le repreneur peut demander un «audit d'acquisition» qui sera réalisé par un professionnel. En général, cet audit est effectué par un expert comptable. Avoir recours à ce genre de professionnels ne doit pas vous gêner, bien au contraire. Les experts comptables membres de l'ordre des experts comptables sont, généralement, habitués à ce genre d'audit et sont tenus au secret professionnel. C'est du côté du repreneur qu'il faut verrouiller tous les éléments de sécurité en lui proposant de signer une clause de confidentialité. Cette clause n'élimine pas à 100% le risque de fuite, mais le réduit. Elle permet également d'avoir recours en cas de divulgation des informations critiques de l'entreprise. L'audit d'acquisition L'audit a pour objectif de déterminer la valeur théorique de votre entreprise. Afin qu'il se passe dans des conditions optimales, veillez à mettre à la disposition des experts comptables tous les éléments qui peuvent valoriser votre entreprise. Toutes les immobilisations corporelles et incorporelles doivent être mises sur table. Les brevets et licences peuvent, également jouer en votre faveur. Mettez-les en avant ! La valeur théorique de votre entreprise Une fois l'audit d'acquisition terminé, l'expert-comptable détermine la valeur théorique de votre entreprise. Il existe plusieurs méthodes pour calculer cette valeur. L'approche patrimoniale est la méthode de calcul la plus basique. Elle permet de faire une appréciation de la valeur de l'entreprise et connaître sa valeur actuelle. Cette méthode consiste à énumérer tous les biens de la société (corporels) et à en soustraire toutes les charges. La méthode des «flux futurs» est, également, utilisée. Elle consiste à dresser une valeur prévisionnelle de l'entreprise sur une période future (3 ou 5 ans) et de procéder à une actualisation. Une troisième méthode, celle du «Goodwill» permet la détermination de l'actif économique de l'entreprise corrigé pour obtenir d'éventuelles plus-values. Selon Jaouad Chbani, «la valeur théorique que nous proposons est la pondération des valeurs issues de ces méthodes et de plusieurs autres». Cette valeur constitue une base de négociation. En fonction des éléments dont dispose le repreneur sur votre société et sur le «contexte économique» relatif au secteur dans lequel vous opérez, il pourra revoir à la baisse comme à la hausse cette valeur théorique. Faites-en autant, surtout si le contexte économique évolue en votre faveur. Le contrat de cession En fin de cursus, il faut rédiger le contrat de cession. Le repreneur peut vous demander «une garantie sur le passif», une assurance contre les éléments de la fiscalité et des créances qui pourraient survenir une fois qu'il a repris votre entreprise. En effet, beaucoup de repreneurs ont vu leurs nouvelles entreprises subir un contrôle fiscal après la reprise pour des périodes qui remontent bien avant la cession. Bien que non inscrits sur les livres de comptabilité, des créanciers peuvent également apparaitre quelques mois après la reprise pour réclamer leurs dus. Le repreneur peut vous demander une garantie contre ce passif. Cette assurance est sous forme de «séquestre». Un montant en espèce ou en garanties bancaire gardé chez une personne tierce (notaire ou autre). Le baromètre de la transmission des entreprises Une première étude vient d'être réalisée afin de dessiner une cartographie des entreprises transmissibles au Maroc. L'étude a été faite sans contrepartie par le cabinet C&O Marketing sur initiative du groupe BDO Jiwar. Elle a porté sur 120 dirigeants parmi les entreprises les plus performantes et permis de relever des freins réels et psychologiques à la transmission d'entreprises. L'étude a, également, émis des recommandations afin de favoriser ce type de business, préserver et assurer la pérennité des entreprises «stars». Parmi ces recommandations, on retiendra la création d'une bourse de transmission où les cédants et repreneurs pourront s'inscrire. Cet espace de mise en relation pourra résoudre l'une des problématiques les plus importantes de ce long processus. En effet, les entreprises qui veulent se vendre restent discrètes et les repreneurs ne savent pas toujours de quel côté chercher. «En un an de recherches, nous n'avons recensé qu'une cinquantaine de projets de transmissions d'entreprises», nous informe Abdel Wahab Chaoui. Le secret ne tombe qu'une fois la transmission effectuée. Chaoui revient sur quelques exemples de transmissions partielles ou totales réussies. La reprise de 50% de la société Celio et de 45% du capital de Mobilia par CAP Retail, faisant partie de la filiale BMCE, Actif invest. L'expérience française La transmission d'entreprise est une pratique très développée en France. Il existe même des formations destinées aux cédants et repreneurs afin de leur permettre de relever correctement ce défi. Le marché français se distingue par une variante très appréciée de transmission, les Scop. Les sociétés coopératives ouvrières de production sont des entreprises reprises par leurs salariés. Cette démarche permet à bon nombre d'unités de retrouver une nouvelle jeunesse ou, tout simplement, d'éviter la faillite. Les Scop sont, en général, des SARL ou SA. À ce statut juridique se greffent les principes du Droit coopératif et des dispositions propres aux Scop. En effet, une Scop est obligatoirement détenue à 51% au minimum par ses salariés afin d'assurer la maîtrise de la société, ces salariés actionnaires doivent représenter au moins 65% des droits de vote. Les votes en Assemblée se font sur la base du principe "une personne, une voix", indépendamment du montant du capital détenu. Dans ce type d'entreprises, la priorité est donnée à la pérennité de l'entreprise plutôt qu'à la rémunération du capital. C'est pourquoi, les bénéfices sont ristournés aux salariés et alimentent des réserves qui restent la propriété de la SCOP. Chaque nouveau salarié peut apporter progressivement sa part de capital, tandis que ceux qui partent peuvent se faire rembourser. En 2008, la France comptait quelque 1.893 Scop employant près de 39.929 salariés actionnaires. Le chiffre d'affaires réalisé par ces entreprises au titre de l'année dernière est de l'ordre de 3,8 milliards d'euros pour une valeur ajoutée de 1,8 milliards. En 2008, les Scop ont réalisé 193 millions d'euros de résultat net. Pour un capital moyen de 7 574 euros, chaque salarié actionnaire génère un chiffre d'affaires de 119 941 euros, soit une valeur ajoutée annuelle de 55 381 euros. Chacun de ces salariés actionnaires réalise une épargne salariale annuelle de 55 381 euros. Un exemple à suivre !