La jeunesse constitue un potentiel considérable pour le développement d'un pays, à condition de se doter d'une politique ambitieuse en sa faveur. Le Maroc fait partie des pays disposant d'une pyramide des âges marquée par l'importance des jeunes qui représentent pratiquement la moitié de la population globale du pays. C'est une opportunité de taille dont on ne mesure pas assez les bienfaits pour l'avenir du pays. Tout investissement dans la jeunesse en matière de formation, d'inclusion et de mise à niveau est une préparation pour l'avenir et une assurance contre les aléas du futur. C'est dans ce sens qu'il faut saluer comme il se doit l'existence au Maroc d'un gouvernement parallèle des jeunes (GPJ) qui regroupe des compétences avérées dans plusieurs domaines. En effet, le Maroc fait partie des rares pays à disposer d'une telle structure. Le GPJ, qui est à sa troisième édition, émane d'une initiative, considérée par ses fondateurs de citoyenne et constitue une mise en œuvre des dispositions constitutionnelles qui donnent une place centrale à la jeunesse en matière de participation à l'élaboration des politiques publiques et de contrôle de l'action gouvernementale. Il s'est donné une charte de valeurs axées sur la démocratie et la bonne gouvernance, la justice, la liberté et l'engagement, la transparence et l'intégrité, la solidarité et la coopération, l'universalité des droits de l'Homme. Ce troisième gouvernement des jeunes a présenté récemment devant la presse vingt «propositions pour sortir de la crise». La symbolique du chiffre vingt coule de source : elle renvoie aux vingt années de règne du Roi. Rappelons-les avant de les discuter. Il s'agit de créer un ministère de l'espoir avec une réduction du nombre des ministres ; créer un fonds public de soutien aux associations ; appeler les partis politiques à créer en leur sein des gouvernements parallèles (l'équivalent du shadow government à l'anglaise) ; amender la loi organique portant sur les modes de désignation aux postes de responsabilité ; publier une loi-cadre sur la jeunesse ; réduire le quorum nécessaire à la présentation des motions et pétitions publiques ; amender l'article 24 de la loi sur les partis politiques afin de consacrer la moitié des sièges dans les instances dirigeantes aux jeunes ; instaurer une contribution de l'entreprise à l'économie du savoir à hauteur de 1% de ses avoirs nets ; créer une instance nationale chargée de proposer un prix de référence des hydrocarbures ; accélérer la politique de la transition énergétique ; créer un Conseil Nnational des affaires africaines et diplomatiques ; créer un impôt sur les pollueurs en appliquant le principe pollueur-payeur ; mettre en place une plateforme électronique dédiée à l'orientation éducative ; créer une chaine TV publique réservée à la jeunesse ; promulguer une loi relative aux régions montagnardes et aux campagnes ; réviser le système électoral avec l'instauration de listes nationales, régionales, provinciales et locales réservées aux compétences et aux cadres et ce à hauteur du tiers des sièges à pourvoir ; amender la loi 14-99 relative à l'urbanisme ; recentrer les agences urbaines sur les régions avec la création d'un plan régional de l'investissement ; industrialiser l'agriculture en incitant les producteurs à transformer leurs produits , ce qui va générer 450 000 emplois directs. Telles sont les 20 mesures sur lesquelles table le GPJ pour sortir le pays de la crise. Initiative louable même si les mesures préconisées prêtent le flanc à plusieurs limites. La première observation porte sur la méthodologie suivie: les 20 mesures sont présentées en vrac et dans le désordre alors qu'elles auraient dû être sériées en fonction des domaines d'intérêt. Telles qu'elles ont présentées, elles se prêtent mal à une lecture analytique. La deuxième observation concerne le fond du sujet : la problématique posée consiste à faire des propositions de sortie de crise. Avouons que le titre relève plus d'un fait d'annonce. A la lecture des recommandations, le lecteur restera sur sa faim. On ne trouve pas de pistes conduisant vers la sortie de crise. D'ailleurs, les rédacteurs du document n'ont pas pris le soin de préciser la nature de la crise dont il est question pour savoir de quoi on parle. On a l'impression que le document apporte des réponses à des questions non posées. Ce qui constitue un biais méthodologique de taille. La troisième et dernière observation porte sur la pertinence de certaines propositions. Ainsi, on ne voit pas la nécessité de création d'un « Ministère de l'Espoir » tant que le pays a plus besoin d'un «gouvernement de l'espoir». Tout comme la création d'une chaine TV dédiée à la jeunesse. Les problèmes de jeunesse doivent être traités en liaison avec les problèmes de la société, ce qui nécessite d'accorder plus de place dans nos chaines publiques (et privées) aux problèmes sociétaux et aux préoccupations de la population avec en premier lieu celles de la jeunesse. Ceci étant, on ne va pas jusqu'à jeter le bébé avec l'eau de bain. Les propositions du GPJ ont le mérite d'exister et c'est à l'honneur de nos jeunes ministres animés par une volonté réelle de servir leur pays et de contribuer, chemin faisant, à l'effort de réflexion sur notre avenir proche et lointain. Qui plus est, le GPJ offre une alternative crédible à notre jeunesse en perte de repères et ne sait plus à quel S saint se vouer : l'alternative réside dans l'engagement citoyen et la mise en synergie des efforts individuels. On ne doit pas croiser les bras en attendant le messie. Nous sommes tous appelés à prendre nos responsabilités en mettant la main à la pâte. Nos jeunes ministres s'y attellent avec détermination et engagement. Abdeslam Seddiki Economiste et ex-ministre de l'Emploi et des affaires sociales