Les tentatives du gouvernement d'activer les négociations sur le controversé projet de loi organique sur le droit de grève ont visiblement échoué. Les partenaires sociaux appellent le gouvernement à formuler un nouveau texte sur la base de concertations tripartites. L'Exécutif va-t-il perdre le bras de fer contre les syndicats ? Les tractations sur le projet de loi organique régissant le droit de grève sont au point mort. Le gouvernement peine manifestement à convaincre les partenaires sociaux à négocier l'amendement du texte qui est entre les mains de la Chambre des représentants depuis octobre 2016. Les syndicats prônent le retrait du projet de loi organique, préparé par le gouvernement Benkirane, du Parlement. La demande syndicale est on ne peut plus claire: il ne s'agit pas uniquement de revoir la mouture initiale du texte, mais d'élaborer un nouveau projet qui assure l'équilibre entre le droit de grève et la garantie de la liberté du travail. «On ne peut pas considérer ce texte comme une plateforme de négociations car tous ses articles doivent être revus. Il faut démarrer les discussions sur de nouvelles bases», souligne aux Inspirations ECO Said Khairallah, membre du Secrétariat national de l'Union marocaine du Travail et secrétaire général de la Fédération nationale du secteur agricole (UMT). Même son de cloche auprès de Khalid Alami Houir, secrétaire général adjoint de la Confédération démocratique du travail: la CDT demande le retrait du texte du Parlement et l'engagement d'un dialogue social tripartite sur le projet en conformité avec les principes de l'OIT et les normes internationales fondamentales (conventions 87 et 98). Le gouvernement ne compte visiblement pas perdre le bras de fer contre les syndicats qui rejettent totalement ce texte trop controversé depuis son adoption par le précédent gouvernement. C'est en tout cas ce qu'a laissé entendre le ministre du Travail et de l'insertion professionnelle, Mohamed Yatim, à la fin de la semaine dernière. Le responsable gouvernemental, qui est chargé de faire aboutir ce projet, estime que le texte appartient au Parlement et que le gouvernement ne peut pas, ainsi, le retirer. Yatim tient par ailleurs à rassurer, expliquant que le gouvernement ne compte pas faire passer le texte, à travers sa majorité au Parlement, sans le consentement des partenaires sociaux et économiques. Le projet ne verra donc pas de sitôt le bout du tunnel de l'institution législative, comme espéré par le gouvernement et le patronat. Il faut en premier lieu apaiser les esprits des syndicats et les convaincre de lâcher du lest. Une mission qui s'annonce compliquée car le gouvernement est même épinglé par les organisations syndicales internationales. Dans une lettre adressée au chef de gouvernement le 9 juillet, la Confédération internationale syndicale demande au gouvernement d'institutionnaliser un dialogue social tripartite et de mettre fin aux violations des droits syndicaux. Le CSI souligne que plusieurs dispositions du projet de loi organique violent le droit constitutionnel de grève et les conventions 87 et 98 de l'OIT. Des préalables nécessaires. Les syndicats parlent de la même voix sur ce dossier, même si, sur le terrain, aucune coordination entre les centrales les plus représentatives n'est en vue. Les partenaires sociaux plaident pour la mise en place de préalables comme l'application du Code de travail et l'assainissement du climat social avant de discuter le projet de loi organique sur la grève. Les syndicats ont toujours plaidé pour la résolution des causes qui déclenchent les appels à la grève et à leur tête le non-respect des dispositions du Code de travail. En outre, les partenaires sociaux critiquent vertement les ponctions sur les salaires des grévistes avant même de conclure un accord entre les différentes parties concernées. Le gouvernement est appelé à régler quelques questions d'ordre juridique avant de mettre sur les rails ce texte. La ratification de la convention internationale 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical figurent parmi les préalables à l'adoption de la loi organique. L'Organisation internationale du travail appelle toujours le Maroc à ratifier cette convention internationale qui est une référence en matière de droit de grève. Le royaume n'a pas encore franchi ce pas en raison des dispositions constitutionnelles. L'article 111 de la loi fondamentale interdit aux magistrats d'adhérer à des partis politiques ou à des organisations syndicales. Les partenaires sociaux accusent l'Exécutif de manquer de volonté car ces dispositions auraient pu être amendées avant l'adoption de la Constitution en juillet 2011 et peuvent toujours être rectifiées pour que le Maroc puisse se conformer aux normes internationales. Outre la ratification de cette convention, qui fait partie du cahier revendicatif des syndicats depuis des années, l'abrogation de l'article 288 du Code pénal fait également partie des doléances syndicales dans le cadre de la discussion du texte relatif à la grève. Cet article est en effet jugé trop restrictif car il comporte des peines d'emprisonnement.