La biomasse tarde-t-elle à attirer de réels investissements ? L'Agence des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ADEREE), attire encore une fois l'attention sur ce secteur, dont les potentiels sont incomensurables. Le fait est que le privé, malgré toutes les incitations mises en place par l'Etat ces dernières années pour le développement de projets énergétqiues renouvelables à l'image du Fodep - hésite encore à franchir le pas. Pour l'heure, l'impératif est de déteminer une certaine visibilité à des investissements potentiels. L'ADEREE, en partenariat avec la GIZ et l'Institut allemand de la Gestion des flux de matériaux (Ifas), s'y sont attelés, en élaborant un master plan pour de futurs projets dans le secteur de la biomasse. «L'énergie issue de la biomasse est facile à stocker et contrôlable selon les besoins et se produit avec un rendement élevé», explique Mohamed El Haouari, directeur du Pôle efficacité énergétique et énergies renouvelables, au niveau de l'ADEREE. Deux principales zones de production potentelles ont été ciblées. La plus importante couvre la région de Souss-Massa-Drâa et la Province d'Essaouira. «L'enjeu est bien sûr de démontrer la possibilité et la rentabilité de ce secteur», explique le responsable. Du résidu à l'électricité Dans le détail de l'étude, la région de Souss-Massa-Drâa par exemple, se révèlerait être une «méga centrale» électrique dont nous sommes encore loin de mesurer les capacités, dans pratiquement tous les secteurs économiques de la région. «L'analyse de biomasse présentée dans ce master plan offre un potentiel considérable dans la région de Souss-Massa-Drâa et la province d'Essaouira», confirme El Haouari. «Il s'avère en effet que le potentiel de biomasse identifiée dans la zone d'étude, peut couvrir jusqu'à 22% des besoins en énergie de la région», poursuit le responsable au sein de l'ADEREE. L'un des secteurs d'activitié les plus importants, l'agriculture en l'occurrence, est un de ces grands viviers de projets potentiels de production de biomasse agricole. Celle-ci pourait être produite à partir de déchets des cultures céréalières (paille, résidus de céréales, etc), des résidus provenant de la culture sous serre (tomates et poivrons, bananes, etc), du bois défriché provenant des cultures fruitières et des cultures arboricoles (résidus de bois), ainsi que des déchets/lisiers (déjection animales) issus de l'élevage des animaux. D'autres matières premières issues du domaine agricole comportent autant de potentiels, comme les eaux usées provenant de la production d'huile d'olive, les coques issues de la production de noix (noix, amandes, argan), ainsi que les résidus de presse pour la production d'huile. À partir de ces matières, le rapport d'Ifas révèle que «différentes sortes de biomasse peuvent soit être valorisées en tant que substrat pour la production de biogaz (méthanisation) ou en tant que combustible solide (combustion, valorisation thermique)». Potentiels inexploités En chiffres, ce potentiel équivaudrait à un total de quelque 143.871 tonnes équivalent pétrole (tep), soit des capacités de production d'énergie électrique estimées à 1,7 GWh, pour les zones de Souss-Massa-Drâa et la province d'Essaouira combinées. Ces potentiels énergétiques sont majoritairement concentrés dans le bois provenant de l'arboriculture, des résidus des cultures maraichers, ainsi que du fumier.lisier. Pour le secteur de la sylviculture (exploitation du bois brut, bois d'ouvrage, bois issu de l'industrie du bois...), le potentiel de production d'énergie à partir de la biomasse est évalué à quelque 36.700 tep. La localité de Taroudant recèle dans ce total le plus grand niveau de potentiel, dépassant la barre des 14.000 tep/an. Il faut savoir que la région de Souss-Massa-Drâa couvre actuellement une superficie forestière d'un total de 1,2 million d'hectares, ce qui correspond à 17% des terres de la région. Ces potentiels sont aussi importants concernant la filière des déchets. Là, les capacités de production existantes dans la zone comprenant la région du Souss et de la province d'Essaouira, sont estimées à quelque 16.392 tep/an. Dans la struture de mobilisation de ce potentiel, les déchets domestiques ruraux et urbains arrivent en tête des ressources potentielles de production d'énergie à partie de la biomasse, en termes d'importance. Les déchets issus des industries agrolimentaire de la zone, en constitueraient la troisième source de projets. Sur un angle plus global, le Maroc produit actuellement 7.5 millions de tonnes de déchets, de nature ménagère, commerciale et industrielle. La filière ne connaît aucune phase de prétraitement. Les chiffres officiels parlent de 6 décharges contrôlées au Maroc et de 50 autres en projet, ce qui donne une idée sur le potentiel d'affaires. Dans le secteur des traitements des eaux usées, c'est quelque 7.255 tep qui seraient produites en potentiel. Elles proviendraient des boues provenant des stations d'épuration des sphères urbaines et rurales. Pistes d'investissements Au-delà de la visibilité en termes d'évaluation de potentiels, l'ADEREE a également dèjà dégagé des pistes d'investissements sur cette base, pour chacune des localités concernées par l'étude de l'Ifas. Une unité de méthanisation des déchets organiques avec approvisionnement énergétique des entreprises industrielles, pourrait ainsi bientôt sortir de terre à Aït Melloul. À cela s'ajoutent les opportunités d'investissement à tarvers le «Plan de gestion des déchets» de la province de Tiznit. De plus, de petites installations de biogaz sur la base des résidus, ainsi que la fabrication de briquettes de déchets de bois provenant de l'industrie du bois, pourraient aussi constituer de nouvelles pistes de projets à fort potentiel de création d'emplois, selon le rapport du cabinet d'étude allemand. Par ailleurs, un projet de recherche sur la production de biogaz à partir des résidus de l'industrie du poisson, pourrait également être envisagé, ainsi que des initiatives de valorisation énergétique des boues d'épuration. Dixit... Le potentiel énergétique que pourrait générer le secteur agricole est un paramètre de plus en plus important à prendre en compte. La sécurisation des ressources énergéiques passe donc d'une option à un impératif dans le plan Maroc Vert. Sur un autre registre, nous sommes en train de nous pencher sur les connexoins possibles entre cette stratégie de développement agricole et le marché des carbones. Nous venons en effet de lancer, il y a moins de deux mois, une étude d'évaluation pour estimer les potentiels actuels et à venir du secteur en termes de capacité de captation de carbone. Nous préparons également un autre projet de schéma directeur national, qui sera dédié à l'installation de trois à quatre grandes unités de trituration d'olives, intégrant des installations de traitement et de valoriasation des margines issues de cette activité. Ahmed Hajjaji, Directeur de l'Agence de développement agricole. Pour des secteurs de production énergétique, aussi nouveaux que la biomasse, je pense que le principal levier de développement de projets dans ce domaine est lié à la problématique d'application d'un modèle économique adapté. Nous sommes en train de travailler, au niveau de l'ADEREE, à la mise en place de mécanismes de financement pour la biomasse. Le principal enjeu est d'amener les investisseurs à s'impliquer dans la promotion et le développement d'une biomasse locale. En plus de ce facteur financier, intervient l'aspect réglementaire. Il faut savoir que, mise à part la loi globale sur la production des énergies renouvelables, nous ne disposons pas encore de textes spécifiques au secteur de la biomasse. Cet apport juridique est important, dans la mesure où il constitue un socle de support et de renforcement d'un éventuel marché. Saïd Mouline, Directeur général de l'ADEREE. Trois nouvelles régions-cibles L'ADEREE ne compte pas s'arrêter en si bon chemin dans sa recherche des potentiels d'investissement dans le secteur de la biomasse. Elle envisage en effet de lancer trois autres nouveaux projets d'étude de faisabilité et de propespection de potentiels en production d'énergie électrique dans la filière de la biomasse. Ces projets devraient être mis en œuvre dans trois régions, qui sont déjà identifiées. Il s'agit de celle de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, de Meknès-Tafilalet et de l'Oriental. Ces études devraient venir s'ajouter à celles dèjà élaborées pour les régions de Souss-Massa-Drâa et de Tanger-Tetouan. Par ailleurs, il faut savoir qu'à travers la mise en oeuvre des stratégies de revalorisation de biomasse et des projets correspondants, le Souss-Massa-Drâa et la province d'Essaouira pourraient répondre aux exigences futures au niveau national (plans d'action nationaux, programmes, lois) de manière exemplaire et joueraient un rôle pionnier au Maroc dans ce domaine. C'est en tout cas ce qui apparaît dans les recommandations émises par les experts de la coopération allemande technique, qui pensent que cette région pourrait devenir «un centre de compétence national et international pour la revalorisation efficace de la biomasse dans les zones semi-arides et encourager une politique énergétique durable au Maroc.