Aziz Rebbah n'a pas tardé pour annoncer le ton. Le premier chantier sur lequel devra s'atteler le nouveau ministre de l'Equipement et des transports sera donc celui du transport de voyageurs. Comme rapporté dans notre édition du lundi (www.lesechos.ma), une première réunion tenue avec les responsables de la direction du transport routier et de la sécurité routière a permis de préciser les orientations et les objectifs de la réforme du secteur. Il faut dire que Rebbah fait de la réforme du transport de voyageurs «une affaire personnelle», comme il l'a précisé dans une sortie médiatique en marge de la présentation de la déclaration de politique générale du gouvernement. Celle-ci inclut d'ailleurs l'engagement du gouvernement à revoir le système des agréments afin d'en assurer «l'efficience, la professionnalisation, l'équité et la transparence». Il reste maintenant à savoir si Rebbah réussira là où ses prédécesseurs ont peiné. Une chose est néanmoins sûre : les professionnels eux aussi espèrent voir cette réforme se concrétiser. En finir avec l'économie de rente «S'il y a au moins une chose sur laquelle le gouvernement et les professionnels s'entendent quant à son urgence, c'est bien sur la volonté d'en finir avec l'économie de rente, en réformant notamment le secteur du transport de voyageurs. C'est là l'une de nos principales attentes», explique Abdellatif Hifdi, président de la Fédération du transport au sein de la CGEM. Ceci étant, si les professionnels sont d'accord sur le principe, il n'en est pas de même sur le fond. Et pour cause, une première version de la réforme du secteur a déjà été déposée au secrétariat général du gouvernement en 2011, à l'ère de Karim Ghellab. Cependant, la version déposée «pour consultations publiques» ne semble pas faire l'unanimité auprès des transporteurs vu qu'elle a été élaborée sans concertations avec les professionnels», nous indique-t-on. Rebbah parait néanmoins prendre en considération ce volet, puisque «une nouvelle réunion, élargie à tous les hauts responsables du ministère concerné par ce dossier, aura lieu très prochainement et sera suivie par d'autres rencontres avec les autres départements ministériels, les professionnels et les partenaires sociaux, dans l'objectif d'une concertation plus étoffée», ajoute-t-on auprès du ministère de tutelle. Si l'on en croit la démarche escomptée par le ministère, la réforme devra, cette fois-ci, inclure les propositions des opérateurs. En attendant de voir de quoi vont accoucher ces concertations, un premier schéma se dessine déjà auprès de la tutelle : Soumettre les autorisations à un cahier des charges et ouvrir le processus à la passation d'appels d'offres. Or, ceci ne sera valable que pour les nouveaux agréments alors que pour beaucoup d'observateurs, la réforme du secteur du transport de voyageurs doit avant tout s'atteler sur la résorption des problématiques des agréments déjà en utilisation. À ce niveau, la vision n'est pas encore claire, seul un accompagnement dans la phase de transition étant pour l'heure proposé. C'est semble-t-il à ce niveau que devront se concentrer les discussions à venir entre le ministère et les opérateurs. En tout cas ce qui est clair, à ce jour, c'est que le ministère n'a pas (encore) totalement revu le texte déjà déposé auprès du secrétariat du gouvernement, puisque l'ensemble des actions semblent en être extraites. Défier le lobbying Qualité, disponibilité des services, confort et sécurité... ce sont là les principaux objectifs que se fixe la tutelle pour la réforme du secteur du transport de voyageur. À ce niveau, les agréments se retrouvent au cœur des problématiques du secteur. Ce dernier, qui souffre d'une forte prépondérance de l'informel, subi également l'opacité et les «petits trafics» qui résultent de ce système des agréments. Aujourd'hui, l'on parle de plus de 10.000 personnes bénéficiant de ces autorisations à l'ancienne mais qui ne sont pas forcément toutes actives dans le secteur du transport. Le projet de réforme proposé par les équipes de Ghellab était d'ailleurs sensé annuler ces agréments non exploités et n'accompagner que les détenteurs réellement actifs. Par ailleurs, le principal défi que devra relever le nouveau ministre du Transport restera sans conteste de défier le lobbying puissant des bénéficiaires d'agréments dont tous ne sont pas forcément prêts à se soumettre à de nouvelles règles du jeu.