Aziz Rebbah, le ministre de l'Equipement et du transport a bien tenu sa promesse. La tant attendue publication de la liste des bénéficiaires de toutes les autorisations de transport des voyageurs est désormais chose faite. Selon une source autorisée au département de tutelle, la liste des détenteurs de « Grimate » des taxis, petits comme grands, sera également rendue publique très bientôt. Bien que les agréments relatifs à ces moyens de transport soient du ressort du ministère de l'Intérieur. «L'exécutif est un et indivisible», nous précise notre source, histoire d'écarter toute éventuelle confusion. Publiée sur le site internet du ministère de l'Equipement et des transports, la liste comprend des personnalités aussi diverses que variées. On y trouve des sportifs, comme Salaheddine Bassir ou Noureddine Naybet ; des hommes politiques, à l'image de l'ancien conseiller du roi Meziane Belfqih mais aussi le très craint ministre de l'intérieur Driss Basri. Il y a aussi des militaires connus. D'autres chiffres, tout aussi intéressants, ont été publiés sur le site. Ainsi, on sait maintenant que 24 % des 3 681 autorisations octroyées ne sont pas exploitées. Quelque 70 % des autorisations utilisée sont, en fait, en exploitation indirecte, par des tiers moyennant rémunération. Plus de 83 % des 1 478 transporteurs exploitent une à deux autorisations, et effectuent les 2/3 des kilomètres parcourus sur le réseau national, 73 % des transporteurs sont des personnes physiques et 48 % ne disposent pas d'autorisation de transport tandis que 15 % des déplacements interurbains des voyageurs sont réalisés par les taxis. Une étude sectorielle dans deux semaines Quelque 3 681 agréments sont en circulation dans le secteur. Un quart n'est pas utilisé. La liste des 3 681 autorisations octroyées ne comprend pas les détenteurs d'agréments des grands et petits taxis. Interrogé à ce propos, un haut fonctionnaire au ministère de l'Equipement et du transport assure que « c'est pour bientôt ». « Nous allons désormais passer à la deuxième étape, qui consiste en l'élaboration d'une véritable étude sur le secteur, et qui sera prête dans une quinzaine de jours », promet notre source, avant d'ajouter « La politique du Maroc, en général, tend vers plus de transparence, d'équité, et de bonne gouvernance », assure-t-il. Concernant les détails de la stratégie élaborée par le ministère, notre source affirme qu'elle se fera « en toute transparence. Tout le monde sera concerné, y compris la presse. Nous allons lancer un dialogue public en la matière. Tout ceci pour le bien du pays et en totale conformité avec ce que stipule la nouvelle Constitution. » Rendre publique une telle liste, ainsi que toute la réforme qui suivra, pourraient avoir des conséquences sociales sur les familles des détenteurs d'agréments. Toutefois, notre source ministérielle assure que « l'élément social est inclus dans la stratégie, qui comprend, de même, tous les autres aspects, aussi bien économiques que politiques ». Néanmois, il concède que « toute cette réforme ne peut se faire en un claquement des doigts. Il faudra y aller étape par étape, tant la réforme du secteur est délicate ». D'autre part, une réforme du secteur des transports nécessite une révision de fond en comble du (nouveau) code de la route, ce que confirme notre source, « Il y a effectivement un besoin de revoir ce texte. Nous allons procéder par petits amendements », annonce-t-il. Au début, fut Ghellab Le chantier est gigantesque. Et le ministère de l'équipement et du transport aura bien du pain sur la planche. La réforme du secteur du transport avait déjà été promise par l'ancien ministre, Karim Ghellab. Pour rappel, ce sont ces mêmes détenteurs d'agréments et de licences des taxis qui voulaient à tout prix faire capoter le projet de loi du nouveau code de la route. Le précédent ministre a tout de même quelques réussites à son registre. Il a ainsi eu le mérite de libéraliser le secteur des transports de marchandises, et ce depuis 2003. Néanmoins, il n'a jamais pu réformer le secteur du transport de voyageurs, un secteur ou corruption et esprit de rente sont la règle. Ghellab avait alors déclaré lors d'une de ses interviews qu' « il s'agissait de toute une économie et d'une culture de rente, que nous dénonçons aujourd'hui, notamment en matière de transport des voyageurs », démontrant ainsi la difficulté d'une telle réforme. La Constitution de 2011 voudrait que la transparence soit érigée en mode de gouvernance. Tout l'enjeu est désormais de savoir traduire cette volonté en pratiques concrètes. Les premiers signaux émanant du gouvernement semblent positifs. Espérons que l'Equipe Benkirane puisse aller au bout de sa volonté de réforme. Les gardiens du temple de l'économie de rente demeurent encore influents, et peuvent à tout moment interférer et mettre des obstacles à la stratégie de réformes promise par l'Exécutif. Notre source nous l'a bien annoncé: « pour qu'une telle réforme réussisse, il faudra réunir tout le monde autour de la table. Le dialogue et la transparence sont les clés de la réussite ». Amen. ENTRETIEN avec … Mohamed Mitali, président de l'Union des fédérations nationales des conducteurs et professionnels du transport « Prendre en compte les intérêts des professionnels » La libéralisation du secteur du transport de voyageurs vient d'être entamée. Qu'en pensez-vous ? La libéralisation du secteur du transport de voyageurs devrait être soumise à des conditions et des normes très strictes. Je tiens à saluer tout d'abord le ministre Aziz Rebbah, qui a fait preuve de courage, en publiant officiellement la liste des bénéficiaires d'agréments. N'empêche que beaucoup d'efforts devraient être déployés sur le volet des cahiers des charges. Une ouverture à l'aveuglette étouffera dans l'œuf toute réforme de ce secteur, qui vit dans l'anarchie totale. Le cahier des charges devait prendre en considération les intérêts des petits professionnels qui ne sont pas en mesure de concurrencer les poids-lourds, à l'instar de CTM ou encore la STCR. Plus encore, tout investisseur potentiel, devrait passer inéluctablement par le syndicat des transporteurs, comme ce fut le cas d'ailleurs en Europe. Ce cahier des charges devrait aussi tenir compte des droits sociaux des chauffeurs. C'est-à-dire ? Mise à part la couverture sociale dans les voyages de longue durée, le chauffeur devrait être assisté par un second. Le dossier des gares de voyageurs est à remettre à plat. Il faut en finir avec cet état de chaos et de désordre total qui règne sur les gares devenues les fiefs de voleurs et de vandales. Et c'est l'Etat qui est invité à prendre en charge la gestion de ces gares, au lieu de les laisser au libre jeu des élus. Qu'en-est il des taxis ? Ce dossier relève des compétences du ministère de l'Intérieur. La libéralisation n'est pas encore en vue. Pour preuve, le ministre actuel de l'Intérieur n'a jusqu'à présent pas souhaité donner suite à notre requête, formulée il y a plus de deux semaines. Au moins le ministre Aziz Rebbah a eu le courage et le mérite de publier la liste des bénéficiaires d'agréments d'autocars. Mais le dossier des taxis est pire que celui des bus. Où en est le transport de marchandises et le transport touristique ? Personnellement, je pense que le contrat-programme du premier avance quoi que l'on dise. La semaine dernière, on a eu des entretiens avec le ministère de tutelle. Et on nous a rassurés sur l'état d'avancement. Seul bémol, les autorités douanières bloquent sur les nouvelles exigences établies pour les transporteurs de marchandises à destination de l'Europe. Enfin, pour ce qui est du transport touristique, je pense que ce dernier, même libéralisé et bien organisé, pâtit de nombreux maux, pour ne citer que celui de l'accord des autorisations. Je remarque que plusieurs professionnels travaillent sans disposer d'autorisations.