La loi sur le droit d'accès à l'information va entrer en vigueur le 12 mars, soit un an après sa publication au Bulletin officiel. Mais son opérationnalisation ne sera réellement obligatoire pour les administrations qu'en 2020. On est encore en phase de formation des chargés d'information. Il faudra attendre encore un an pour que les administrations concernées par le droit d'accès à l'information soient «obligées» de satisfaire les demandes des citoyens en la matière. Aujourd'hui, on est encore en phase de formation des formateurs des fonctionnaires qui seront chargés de la mission d'information. Chaque département au niveau central est appelé à assurer la formation des agents des administrations déconcentrées. Un guide portant sur toutes les dispositions juridiques est en cours d'élaboration pour permettre aux responsables concernés de gérer l'accès à l'information, ainsi que la loi 31-13 le prévoit. La procédure de désignation des fonctionnaires concernés n'a été lancée qu'en décembre dernier, soit trois mois avant l'entrée en vigueur du texte. Le ministère de la Réforme de l'administration et de la Fonction publique a adressé une circulaire aux départements concernés pour la nomination de la ou les personne(s) chargée(s) de l'accès aux informations. Il s'agit de créer un nouveau métier dans l'administration publique pour rendre effectif le droit d'accès à l'information. Difficile, pour le moment, d'estimer le nombre des fonctionnaires qui seront chargés de cette mission, qui concerne aussi bien l'administration centrale que celle déconcentrée et les collectivités territoriales. Comment expliquer ce retard dans l'implémentation de cette loi, très attendue depuis des années ? Sur le plan juridique, l'article 30 de ce texte accorde encore un délai d'un an aux administrations pour parachever le processus de mise en place de tous les mécanismes nécessaires prévus par le législateur. Cet article stipule en effet que les institutions ou organismes concernés sont tenus de prendre les mesures prévues dans un délai ne dépassant pas un an après l'entrée en vigueur de la loi. Au niveau institutionnel, il fallait attendre la désignation, par le souverain, du président de Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) qui est aussi président de la Commission du droit d'accès à l'information. Cette commission devra bientôt entamer son action après son élaboration de la méthodologie de travail. À cet égard, rappelons que la société civile plaidait pour la création d'une commission indépendante du pouvoir exécutif, non rattachée au chef de gouvernement qui dispose de l'administration pour éviter qu'elle soit juge et partie. Les critiques persistent Ce texte, rappelons-le, était très controversé et demeure vertement critiqué par la société civile qui, certes, salue ses quelques points positifs mais aurait espéré son amendement. Concrètement, il est impossible d'obtenir des informations ayant trait à plusieurs domaines, ce qui rend l'accès à l'information très difficile. L'article 7 de la loi énumère une très longue liste de restrictions. On peut citer entre autres les informations se rapportant à la défense nationale, à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, et celles dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux relations avec d'autres Etats ou organisations, aux politiques monétaires, économiques et financières de l'Etat, aux droits à la propriété industrielle, aux droits d'auteur et aux droits voisins. Dans son avis sur le texte avant son adoption, le Conseil national des droits de l'Homme avait plaidé pour la reformulation des restrictions relatives à la défense nationale, la sécurité interne et extérieure de l'Etat et rappelé la nécessité d'introduire une disposition juridique qui encadre ces restrictions, à l'instar de ce qui est fait par nombre de pays. Mais rien n'a été fait en la matière. Des sanctions restrictives de liberté sont même prévues à l'égard de quiconque enfreint les dispositions de l'article 7 et est considéré coupable de l'infraction de divulgation du secret professionnel aux termes de l'article 446 du Code pénal (emprisonnement d'un à six mois et amende de 1.200 à 20.000 DH). Du côté du gouvernement, on estime qu'il s'agit d'un acquis en matière d'accès des citoyens à l'information. Le ministre de la Réforme de l'administration et de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader, balaie d'un revers de la main toutes les critiques précisant que la loi est passée par le Parlement et même les amendements de l'opposition ont été acceptés: «Le plus important est que cette loi donne des garanties pour sortir d'un modèle d'administration fermée à un nouveau modèle d'administration ouverte et transparente. Les restrictions existent, d'ailleurs, dans tous les systèmes». Publication proactive : des garanties juridiques Le droit d'avoir une information proactive de la part des administrations et du gouvernement est désormais garanti par la loi. C'est l'un des points positifs salués par la société civile. La loi énumère la liste des types d'information concernés par la publication proactive. Les administrations concernées sont tenues de publier le plus grand nombre d'informations qu'elles détiennent et qui ne font pas l'objet d'exceptions, à travers tous les moyens possibles de publication (textes de loi, services, rapports, statistiques…). Elles doivent prendre toutes les mesures susceptibles de faciliter la présentation des informations et d'en assurer l'accessibilité. Quelques pas ont déjà été effectués dans ce domaine. À cet égard, certaines administrations font mieux que d'autres. Et quelques-unes doivent partir de zéro.