Exceptionnelles par le passé, les opérations de rachat de leurs propres actions par les sociétés cotées en Bourse se banalisent d'année en année, jusqu'à devenir aujourd'hui un instrument financier hautement privilégié, puisque souvent renouvelé. Légales et fortement contrôlées par le gendarme de la Bourse, ces opérations sont mues, sur le papier, par des motivations différenciées, adossées à des objectifs pas souvent atteints. Sur le papier toujours, nulle mention expresse sur l'objectif propre à chaque opération, prise à part, n'est identifiable, vu que la structure des notes d'informations est la même pour toutes les entreprises concernées ; seuls, en effet, les montants, la société de bourse mandatée et les dates changent. Le dernier programme de rachat d'actions en date concerne Stokvis Nord-Afrique (SNA). L'opération devrait engager, à partir du 7 février prochain et sur une durée légale de 18 mois, pas moins de 29,8 MDH, soit 459.758 actions SNA correspondant à 5% du capital. Le renouvellement du présent programme de SNA intervient à la seule fin de «régulariser le cours de l'action sur le marché boursier». Par ailleurs, outre Atlanta qui a renouvelé son programme dernièrement, ce ne sont pas moins de 10 sociétés cotées en bourse qui sont engagées sur des programmes de rachat. Et si on remonte un peu plus loin dans le temps, on ne manquera pas de remarquer que ce qui était, par le passé, la panacée des plus fortes valeurs, ou des plus grandes capitalisations (IAM, Addoha, BCP), est aujourd'hui réapproprié par tout type de société cotées en bourse, quelle que soit sa taille ou son dynamisme sur le marché (Sothema, Auto Hall, Atlanta), ce qui soulève, de facto, la question de l'efficacité de ce type d'opérations sur capital et leurs effets réels escomptés et finalement atteints. Peu de recherches et d'études, en effet, ont été réalisées sur le sujet. Il n'est, de fait, d'autre moyen d'apprécier la portée d'une telle opération sur capital qu'en appréciant l'évolution du cours et du volume des titres échangés avant et après son dénouement légal et son lancement sur le marché. Si l'on prend une des 13 valeurs concernées actuellement, à savoir la valeur SNEP, par exemple, force est de constater qu'à la fois le cours de l'action et la liquidité du titre n'ont été que très peu influencés par le programme de rachat lancé en septembre 2010 (baisse de la valeur constatée : 5,5%, 2 mois avant, 5,1%, 2 mois après). Par conséquent, il apparait qu'en termes d'effet sur le cours de l'action stricto sensu, la concrétisation des deux effets théoriquement recherchés n'est pas toujours systématique. L'effet «signal» en effet voudrait qu'une telle opération, engageant à la fois la trésorerie et l'endettement d'une société, donne un signal positif au marché sur la valeur fondamentale de l'action qui, après correction, doit emprunter sa réelle évolution sur le marché, à la hausse, s'entend. De l'autre côté, une telle opération peut être perçue comme un soulagement de l'actionnariat, puisqu'à défaut de détruire de la valeur, une partie du capital est réallouée de manière à éviter les investissements hasardeux, ce qui est en soi un autre signal positif pour le marché. Dans le cas du marché marocain, l'opportunité qu'offre ce type de programmes s'apparente davantage à un voeu pieux, puisque «opération légale et normée» sans effets réels, qu'à une opération d'effet de levier, qui aurait pour objectif d'améliorer la rentabilité des capitaux propres. Et à ce niveau, une question se pose : «une opération de rachat d'actions crée-t-elle de la valeur?».