* Multiplication des programmes de rachat d'actions. * Frontière invisible entre régularisation et manipulation des cours. * Le CDVM travaillerait sur une réglementation plus rigoureuse. Cest à partir du 1er juin 2003 que l'on assiste à un véritable boum des programmes de rachat d'actions, à la faveur notamment de deux circulaires du Conseil déontologique des valeurs mobilières qui posent le cadre juridique de ce type d'opérations. Il s'agit des circulaires n°02/03 et 03/03 relatives respectivement à l'information exigée des sociétés cotées à l'occasion du rachat en Bourse de leurs propres actions en vue de régulariser le marché et à la note d'information pouvant être établie par les sociétés cotées qui souhaitent racheter leurs propres actions en vue de réduire le capital. La circulaire vient en application du décret n° 2-02-556 du 24 février 2003 fixant les formes et conditions dans lesquelles peuvent s'effectuer les rachats en Bourse par les sociétés anonymes de leurs propres actions en vue de régulariser le marché, pris en application de l'article 281 de la loi n° 17/95 relative aux sociétés anonymes. Cet article stipule notamment que «les sociétés dont les titres sont inscrits à la cote de la Bourse des valeurs peuvent acheter en Bourse leurs propres actions, en vue de régulariser le marché». Néanmoins, cette opération doit, au préalable, recevoir l'aval de l'assemblée générale, laquelle fixe les modalités de l'opération et notamment les prix maximum d'achat et minimum de vente, le nombre maximum d'actions à acquérir et le délai dans lequel l'acquisition doit être effectuée. «Cette autorisation ne peut être donnée pour une durée supérieure à dix-huit mois», souligne le même article. Régulariser le marché, dit-on Régulariser le marché des actions : c'est (a priori) l'objectif visé à travers les nombreux programmes de rachat d'actions initiés depuis quelques années par les sociétés cotées. Mais avant 2003, les rares opérations de rachat d'actions avaient pour but de les annuler par voie de réduction du capital. C'est ce qu'avait notamment entrepris Cimar pour utiliser son excès de liquidité. En juin 2002, elle a en effet initié une offre qui a porté sur un maximum de 9,5% du capital social, soit 757.690 actions, et ce pour «rémunérer les actionnaires fidèles». Cette opération avait coûté au total 583 MDH. Et le rachat étant assimilé à une distribution de dividendes et les actionnaires minoritaires (les personnes morales étant exonérées) étant exposés à une retenue à la source de 10%, Cimar s'était même engagée à prendre la taxe en charge au cas où les négociations entamées avec les autorités pour élargir l'exonération aux minoritaires n'aboutissaient pas. Cette opération a d'ailleurs été diversement interprétée, parce qu'autant elle pouvait permettre d'augmenter le bénéficie par action si les actionnaires cédaient tout ou partie de leurs actions, autant elle allait entraîner une reconfiguration de la structure de l'actionnariat, puisque tous les actionnaires n'allaient pas souscrire au prorata de leur participation initiale; ce qui, de fait, outre la réduction de la capitalisation boursière au niveau de la Bourse de Casablanca, risquait d'aboutir à une concentration du capital entre les mains des dirigeants. Actuellement, l'ensemble des programmes de rachat d'actions vise uniquement à régulariser le marché, autrement dit soutenir le cours. C'est ce qui se dit. Mais s'agit-il réellement d'une régularisation ou d'une manipulation de cours ? «Il est difficile de répondre à cette interrogation, car la frontière entre les deux est pratiquement invisible», nous confie un expert averti qui a préféré garder l'anonymat. «Il n'est pas rare de constater des dépassements et des entorses aux règlements en vigueur, mais il est très difficile de les prouver», poursuit-il. «Certaines sociétés abusent des failles du système pour effectuer des opérations d'achat et de revente en réalisant des plus-values importantes; et le CDVM ne dispose pas actuellement de toutes les cartes pour bien veiller à la régularité de ces opérations», conclut-il. Pour un autre analyste, le discours est plus cru. «C'est la connivence implicite entre les sociétés émettrices et les sociétés de Bourse qui les accompagnent qui faussent le jeu. Les analystes, à la solde des sociétés de Bourse qui les emploient, ne respectent pas le principe de la neutralité». «Pourtant, ils ont un rôle très important à jouer dans un marché au sein duquel ils sont incontournables», conclut-il. Mais de toute évidence, le CDVM ne compte pas rester les bras croisés. Un nouveau dispositif juridique serait en train d'être concocté par le gendarme du marché afin de mieux encadrer ce genre d'opérations.