Le débat sur l'intégration de la «darija» (*) aux manuels scolaires part dans tous les sens. Les uns veulent le faire dévier sur le terrain de la religion et du panarabisme, d'autres essaient tant bien que mal de convaincre qu'il s'agit bel et bien d'une «langue marocaine», pratiquée au quotidien. Sur la forme, les deux camps ont tort de se fermer à l'argumentaire de la partie adverse et d'exercer le diktat de la pensée unique. Sur le fond, ils passent à côté de l'inquiétude de l'opinion publique qui s'est insurgée contre une «tentative de plonger davantage l'enseignement dans un océan de médiocrité». Ceux qui plaident en faveur d'une terminologie utilisée au quotidien, à retranscrire dans les manuels de notre progéniture, veulent-ils nous faire comprendre que, depuis l'Indépendance, les quatre ou cinq générations qui ont étudié sur des manuels arabophones ne la maîtrisent pas, et ont donc besoin de manuels et de dictionnaires de «darija» ? Et puis, de quelle «darija» parle-t-on ? Les concepteurs de ces manuels, qui ont évoqué des noms de pâtisseries marocaines puisés dans le dialecte du centre du Maroc, ignorent-ils que ces termes ne sont pas connus à Midar, Lakhssas, Ousserd, etc ? Faut-ils leur rappeler qu'il ne s'agit pas d'une langue mais bel et bien d'un dialecte et qu'il y en a plusieurs au Maroc ? C'est peine perdue. Pour ce qui est des personnes qui, comme à chaque fois, profitent de l'occasion pour conférer à leur plaidoyer une dimension religieuse et panarabe étroite, ils sont à côté de la plaque. Tout simplement parce que depuis six décennies, le Maroc a choisi sa langue de communication officielle à la télé, dans les journaux et les manuels scolaires, et cela n'a pas empêché notre pays d'accoucher de génies dans tous les domaines. Franchement, arrêtons ce non-sens, et hissons le niveau. (*) dialecte marocain