Le chef de gouvernement se dit prêt à prendre les mesures nécessaires pour exclure les manuels sources de polémique. Faut-il aujourd'hui lancer une enquête pour déterminer les responsabilités derrière l'introduction des expressions dialectales dans les manuels ? S'achemine-t-on vers une crise gouvernementale comme celle du département de l'Eau? La sortie du chef de gouvernement à propos des manuels scolaires ne manquera pas de mettre son ministre de l'Education, Saïd Amzazi, en mauvaise posture. D'un point de vue politique, Saâd-Eddine El Othmani semble avoir adopté la bonne décision face à une polémique qui a pris une envergure nationale. Dans une déclaration à la MAP, il a affirmé qu'aucun laxisme ne sera toléré quant à l'usage de la darija dans l'enseignement et il se dit prêt à rectifier le tir. Le chef de l'Exécutif a expliqué sa décision par le fait que seules les langues arabe et amazigh sont inscrites dans la Constitution en qualité de langues officielles. Il en résulte qu'elles sont les seules à pouvoir se frayer un chemin vers les manuels scolaires. Plus encore, la loi-cadre qui organise la pratique de l'enseignement scolaire dans son ensemble insiste, dans son article 29, sur la nécessité de s'en tenir à la langue indiquée, en l'occurrence l'arabe. Cela devient suffisant pour barrer la route à l'usage du dialectal dans l'enseignement de la langue arabe. Du coup, il n'est pas tolérable d'introduire des mots, phrases ou expressions en darija dans les manuels. El Othmani ne s'est pas contenté d'émettre une opinion catégorique à propos du sujet, il a également pris l'engagement d'exclure les manuels concernés du programme. Cependant, il a conditionné ce retrait par la décision que les éducateurs, linguistes et commissions concernés auront prise après consultation de Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Il a, par la même occasion, demandé au ministre de l'Education de présenter les explications nécessaires à l'opinion publique sur le sujet. El Othmani a, par ailleurs, tenu à mettre en garde contre certaines allégations erronées qui circulent sur les réseaux sociaux. Il a attiré l'attention sur la publication, sur ces derniers, de manuels qui ne sont pas marocains et d'autres anciens, mais que l'on fait tout de même circuler. L'intransigeance du chef de gouvernement n'a pas été sans mettre à mal la sortie de son ministre de l'Education, qui a défendu le caractère pédagogique et fonctionnel de l'usage de la darija dans les manuels scolaires. Le ministère de tutelle semble ainsi faire cavalier seul pour une réforme de l'enseignement censée mettre à contribution plus d'un département, et à leur tête la primature. En d'autres termes, comment une décision aussi capitale que l'introduction du dialecte dans l'enseignement public n'a-t-elle pas été minutieusement discutée au sein du gouvernement? Le ministère avait, au début de la polémique, expliqué que le contenu des manuels se préparait en externe et que le ministère se chargeait de le réviser. Une question se pose: qui est le prestataire qui s'est octroyé la liberté d'introduire des mots et des expressions en darija sans en référer, au préalable, au donneur d'ordre qu'est le ministère de l'Education? Amzazi, en sa qualité de ministre de l'Education, ne devait-il pas aviser le chef de gouvernement avant de se lancer dans une entreprise dont il n'ignore ni la teneur, ni l'impact qu'elle peut avoir sur la société ? Lorsque les Marocains posent autant de questions, une enquête s'impose pour déterminer les tenants et aboutissants de l'histoire, le refus ayant été acté par les parents d'élèves, mais aussi par le chef de gouvernement et une grande partie du landerneau politique. En effet, les groupes parlementaires du PJD et de l'Istiqlal étaient les premiers à monter au créneau, estimant inacceptable l'usage de la darija, le second le considérant comme une violation claire de la Constitution. Dans un communiqué datant du 4 septembre, le groupe du PJD a exigé du chef de gouvernement et de son ministre à l'Education des mesures concrètes pour renverser la vapeur et ainsi mettre un terme à ce dépassement. Il a aussi appelé à la tenue d'une réunion de la Commission de l'enseignement à la première chambre en présence du ministre de l'Education, qui entame sa première rentrée scolaire avec une grosse polémique sur le dos. Même démarche auprès de l'Istiqlal, dont le chef de groupe au Parlement a exigé la tenue de cette réunion en urgence. La plupart des députés veulent savoir en quoi l'usage de la darija serait bénéfique aux élèves dans le processus d'apprentissage au collège, puis au lycée et à l'université. Surtout qu'il s'agit d'expressions et de mots utilisés au quotidien au sein de la famille et dans la rue. Nul besoin, donc, de les retrouver dans les manuels scolaires au risque de verser dans la redondance. Cette controverse autour de la langue d'enseignement intervient dans un contexte marqué par le lancement d'une nouvelle réforme de l'enseignement ainsi qu'une loi-cadre qui vient d'être soumise au Parlement.