Une filière locale de production et de commercialisation d'algocarburants, cela pourrait en effet bien se concrétiser dans les cinq prochaines années. C'est en tout cas l'ambition de la Moroccan foundation for Advanced Science, Innovation and Research (MAScIR), une plateforme publique de recherche et développement dans divers domaines, dont la biotechnologie. Une équipe de chercheurs, relevant de ce département, est en train de mener des travaux depuis un peu plus d'une année. Leur objectif : développer un processus économiquement viable pour la production de biocarburants de 3e génération, à partir des micro-algues. Une alternative très sérieuse aux hydrocarbures fossiles et qui est d'ailleurs déjà en cours de développement dans d'autres pays, notamment européens. Au Maroc, la MAScIR vient de livrer ses premiers résultats de recherche sur ce créneau, et s'est déjà engagée dans son développement. L'une des initiatives lancées porte d'ailleurs sur le «développement de formulations nutritionnelles, à base des produits de l'Office chérifien des phosphates, pour la culture massive de micro-algues». Ce projet devrait s'étaler sur les trois prochaines années, et devrait se réaliser en accord de partenariat avec l'OCP. Les phosphates font partie en effet des matières favorisant à la formation biologique des micro-algues. À terme, les retombées attendues de l'émergence et du développement d'une filière de ce type sur le marché, sont loin d'être négligeables. Elles vont de l'exploitation et la valorisation d'incommensurables ressources disponibles en micro-algues sur le littoral marocain et en phosphates et du potentiel d'emplois dans le cadre de cette exploitation, à l'atténuation - dans le long terme - de la facture énergétique du pays. «Il faut savoir que certaines micro-algues ont des teneurs élevées en lipides, ce qui permet d'envisager la production de biocarburant algal à grande échelle», poursuit-t-on auprès de la MAScIR. Potentiel énorme De fait, pour en arriver à tout cela, les scientifiques de la cellule «Biotechnologie verte» de cette plateforme publique de recherche ont travaillé sur la base d'une algothèque constituée de souches possédant différents profils lipidiques. «Ils ont pu en retenir certaines qui présentent des capacités exceptionnelles (+50% de contenus lipidiques) et présagent des rendements très encourageants», projette la responsable de la communication. Les chercheurs de la MAScIR devront à présent améliorer le rendement de la souche en laboratoire, avant de passer à la validation en mode pilote - en grandeur nature, autrement dit - avec des quantités plus importantes. Au bout du programme de recherche, qui devrait durer près de 5 ans, ce projet devrait permettre d'obtenir une production industrielle de biocarburant. Jeu d'éprouvettes «Ce résultat est le fruit d'un travail méthodique de longue haleine», explique Nadia Khomri, la chargée de communication de la structure. Le processus adopté par les chercheurs de la MAScIR, paraît pourtant simple dans les mots. Tout est parti de «l'isolement et de la caractérisation» de souches de micro-algues récupérées dans différentes zones géographiques, le long du littoral marocain. L'équipe a ensuite cultivé les micro-algues dans des conditions contrôlées, et la biomasse obtenue a fait l'objet d'une extraction chimique pour récupérer les lipides - ou matières huileuses - contenus dans les micro-algues. «Ces lipides ont ensuite été transformés en biodiesel par une réaction chimique nommée «transestérification», nous explique Khomri, qui avait la lourde tâche de vulgarisation des résultats de ce projet de recherche, purement scientifique. L'étape de l'expérimentation franchie, le plus grand défi sera d'en faire une véritable filière économique - fiable et viable - de production de carburant propre. Investisseurs intrépides de tous pays, voilà un nouveau créneau... Conditions favorables à un «business» prometteur Le royaume est tout destiné à offrir le terrain favorable à l'émergence d'une filière industrielle de production d'algocarburant. Si tout est, pour le moment, au stade expérimental, le pays jouit d'un large ensoleillement et d'une importante longueur de littoral. Le potentiel exploitable sur ses 3.500 km de côte est d'une importante richesse phytoplanconique. A cela s'ajoute la proximité à la mer de grandes surfaces non agricoles, ainsi que la disponibilité de CO2 à pervers les émissions des centrales thermiques – dont la plupart sont en zone côtière - et de l'exploitation du phosphate. Par ailleurs, les micro-algues seraient à l'origine d'une bonne partie du pétrole existant aujourd'hui, selon plusieurs experts du domaine. Ce pétrole est issu de leur décomposition, à la suite d'un processus biologique naturel qui peut prendre des dizaines ou des centaines de millions d'années. « Sous certaines conditions bien déterminées, certaines espèces peuvent accumuler jusqu'à 50 à 80% de lipides», renseigne-t-on auprès de la MAScIR. Pour le moment, en termes de coûts de production, les premières estimations avancent que « le baril de pétrole bleu reviendrait aujourd'hui à 30 euros ». La production industrielle n'est toutefois pas encore bien développée dans le monde, pour comparer ce coût avec celui d'extraction du pétrole classique, qui nécessite généralement une logistique largement plus importante.