Lâcher le ministère de l'Economie et des finances ? Pas question. Hier à Rabat, Abelilah Benkirane a coupé court à toutes les rumeurs selon lesquels le PJD était disposé à faire des concessions en ce qui concerne ce portefeuille ministériel stratégique. Si le chef du gouvernement a déclaré que son parti n'avait pas de choix particulier pour des ministères aux dépens d'autres, les négociations s'annoncent rudes sur certaines valises que chaque formation de la coalition gouvernementale tient absolument à occuper. C'est le cas des départements dits sociaux que le PJD compte investir, alors que les ministères que l'Istiqlal a déjà occupés semblent à sa portée, sans que les mêmes précédents occupants ne soient reconduits. La logique de la rupture sera par contre présente au sein de plusieurs autres départements. Les diverses propositions recueillies au sein du comité mixte semblent tendre vers moins de concentration au sein des départements, comme cela a été le cas pour certains ministères qui regroupaient trois, voire quatre secteurs, tels ceux coiffés par Ahmed Réda Chami et Amina Benkhadra. Un gouvernement réduit conduira aussi à remettre en cause l'organigramme du gouvernement sortant en ce qui concerne la priorité devant être accordée à l'environnement ou encore aux droits de l'Homme, qui pourront être dotés de départements dédiés. Un round difficile C'est donc un Benkirane soulagé après le ralliement officiel de l'Istiqlal, du MP et du PPS qui donnait, hier au siège de son parti, le coup d'envoi du deuxième round des négociations. Il a d'ailleurs précisé que «une réunion des secrétaires généraux des quatre partis formant la majorité viendra tracer les contours de la composition du gouvernement qui sera soumis au souverain». Au menu de cette deuxième phase de la formation du gouvernement se trouvent bien évidemment les orientations de la déclaration de politique générale de Benkirane, qui est désormais quasi assuré d'obtenir le vote de confiance. Cette semaine sera également consacrée à la distribution des portefeuilles ministériels. «À part les Finances, tous les autres portefeuilles seront objet de négociation», a expliqué le SG du PJD. Tout porte à croire, donc, que les deux principales formations se réservent la part du lion au sein du projet de gouvernement, dont la liste sera soumise au souverain avant la fin de la semaine, est-il indiqué. Benkirane fixe donc à une semaine l'étape des concertations à propos de la distribution des portefeuilles ministériels, qui doit prendre en compte la nécessité de se mettre d'accord sur les bases de l'action commune du prochain gouvernement. Le président du gouvernement a annoncé dans ce sens que les détails relatifs à la composition et aux membres du prochain gouvernement sont actuellement débattus avec les alliés du PJD. Le chef de file de la nouvelle majorité parlementaire, avec 217 sièges, a précisé aussi que la règle de «la proportionnalité sera respectée lors de la formation de la nouvelle équipe gouvernementale», ce qui laissera une place confortable essentiellement pour le PJD et l'Istiqlal, qui s'accapareront ainsi la majorité des sièges gouvernementaux. Les détails «techniques» qui restent en suspens concernent la nature des départements qui seront confiés aux quatre formations désormais alliées. «Il n'y aura pas de figurants au sein du prochain gouvernement», a déclaré Benkirane, faisant allusion au fait que son parti ne compte pas s'accaparer seul tous les postes clés de l'Exécutif. La mouture provisoire préparée actuellement en interne par le PJD compte abdiquer les postes «honorifiques» des ministres d'Etat et prendre en charge les départements où «le changement doit être le plus perceptible et qui se situent au delà de la logique des chiffres», indique un député du parti de la lampe, qui a des visées certaines sur la Justice, les Finances, la Santé, l'Habitat et l'Education nationale. Le Comité mixte qui devait présenter ses conclusions hier soir aux comités dirigeants des quatre partis a retenu diverses propositions et n'exclut pas non plus que «chaque parti sera doté d'un ministère important, en tenant compte de son cumul par rapport à l'ancien gouvernement et cela pour ne pas provoquer une rupture dans les chantiers structurants qui ont été lancés», commente-t-on auprès du parti vainqueur aux élections. Aucun nom n'est avancé pour le moment bien qu'en coulisses certains membres n'excluent pas le retour de quelques ministres ayant fait partie de l'équipe sortante. Pour ce qui est du nombre de ministères, Benkirane n'a pas avancé de chiffre mais on parle déjà de 30 à 32 valises à distribuer. Par ailleurs, pour s'assurer une majorité confortable, le PJD et ses alliés gardent un oeil sur la recomposition du front "opposition" et se fixent comme objectif de rallier quelques partis n'ayant pas atteint le quota pour constituer des groupes parlementaires pour les inviter à intégrer les groupes de la majorité. C'est le cas notamment pour l'Alliance des partis du Centre regroupant le Mouvement démocratique et social, la parti du Renouveau et de l'équité et le parti Al Ahd démocratique, qui a apporté son soutien au gouvernement au sein du Parlement et qui ne disposeront d'aucun portefeuille. La coalition, qui dispose de 7 sièges au sein du Parlement ne peut pas former un groupe parlementaire, à moins qu'elle ne décide d'entrer en concertation, probablement avec le PPS, pour former une seule équipe durant la prochaine législature. Avec leur accord pour entrer dans le giron de la majorité, les partis du centre comptent ainsi réconforter davantage l'assise parlementaire du prochain gouvernement, qui disposera de 224 sièges, soit 57% des sièges de la première Chambre. Benkirane et sa garde rapprochée auront du pain sur la planche durant les deux prochaines semaines. Les priorités étant différentes que pour le reste des partis, celui de la lampe a dû ajourner la session extraordinaire de son conseil sans pour autant avancer de date précise. Lahcen Daoudi, Secrétaire général adjoint du PJD «L'organigramme du gouvernement n'est pas encore prêt» Les Echos quotidien : Le schéma du prochain gouvernement émanera-t-il exclusivement du PJD ou chaque parti proposera-t-il son scénario ? Lahcen Daoudi : C'est le PJD qui devra proposer l'organigramme du prochain gouvernement. Jusqu'à présent, la plateforme finale n'est pas encore fin prête. Je dois préciser que des ébauches existent déjà et nos alliés au sein du gouvernement devront aussi donner leurs avis. Nous sommes toujours en faveur d'un gouvernement avec moins de charges et qui donne en premier l'exemple en matière de rationalisation de dépenses. Quelle sera la plus-value du PPS ? Ce qui est important à retenir est que les partis qui ont décidé de former le gouvernement ont reçu l'aval de leurs bases de militants. C'est extrêmement important pour la crédibilité du processus et pour le déroulement de la formation du gouvernement. Cela donne aussi la crédibilité aux structures dirigeantes au sein de ces partis. Est-ce que vous avez une deadline pour la formation définitive du nouvel Exécutif ? D'ici la semaine prochaine, il y aura davantage de visibilité sur le gouvernement et sur les détails de sa formation.