Anass Radi, Responsable de la consolidation du Groupe Maroc Telecom & Maître de conférences en consolidation et IFRS Le champ associatif marocain verra un nouveau-né. Il s'agit de l'Association marocaine des consolideurs marocains (AMCF) qui tiendra son Assemblée générale le 17 février à l'ISCAE. Cette initiative à pour objectif la valorisation de la consolidation et de son importance aussi bien pour les sociétés que le marché financier. Anass Radi, responsable de la consolidation du Groupe Maroc Telecom & maître de conférences en consolidation et IFRS, nous parle des perspectives de l'AMCF et du métier de consolideur financier au Maroc. LesEco.ma : L'AMCF tiendra son Assemblée générale le samedi 17 février. Pourriez-vous expliciter l'objet de cette initiative ? Anass Radi : L'Assemblée générale constitutive qui sera tenue le samedi 17 février à l'ISCAE donnera naissance à un nouveau-né dans le tissu associatif marocain. Cet évènement rassemblera les professionnels de la consolidation financière issus des grands groupes marocains (IAM, OCP, CDG, SNI, SAHAM ...), des banques et des multinationales étrangères présentes au Maroc (Lafarge, Renault, Danone ...). L'association se veut une plateforme de partage et d'échange entre les professionnels de la consolidation financière aussi bien du Maroc que de l'étranger. L'AMCF sera ouverte sur son environnement à travers la mise en place d'une catégorie des adhérents dite des «membres associés» qui sera dédiée aux experts en comptabilité et en fiscalité, aux normalisateurs, aux régulateurs de marchés, aux auditeurs, aux consultants IT, mais également aux universitaires et aux chercheurs. Dans ce sens figure l'idée de la mise en place d'un forum destiné au grand public en vue d'échanger sur les questions et les problématiques en rapport avec la consolidation. Par ailleurs, nous nous nous sommes fixés comme objectif aussi de stimuler la réflexion et le débat autour des grandes réformes réglementaires et normatives au Maroc. À commencer tout d'abord par le projet de la convergence CGNC-IFRS qui peine à avancer, l'idée de la mise en place d'une fiscalité des groupes qui me semble très pertinent à ce stade de développement de l'économie marocaine, c'est une chose qui pourrait être bénéfique aussi bien pour l'Etat que pour les groupes marocains. Toutefois, la gouvernance de l'association sera assurée par les consolideurs. Cela permettra d'assurer une certaine cohérence avec l'objet même de l'association. Tout d'abord, en quoi consiste le métier de consolideur financier ? La consolidation est une technique qui permet de transcrire dans des états financiers uniques la situation financière d'un ensemble de sociétés apparentées appelé «Groupe» qui est formé d'une maison mère et des filiales. Si je prends l'exemple de Maroc Telecom où j'œuvre en tant que responsable de la consolidation du groupe, on trouve Maroc Telecom SA qui est la maison mère se trouvant au Maroc, et ses douze filiales consolidées en Afrique (Mauritanie, Côte d'Ivoire, Mali, Gabon etc.) qui forment ce qu'on appelle le périmètre de consolidation du Groupe Maroc Telecom. Alors puisqu'on est simultanément côté sur la Bourse de Paris et celle de Casablanca, nous avons l'obligation légale de publier des comptes consolidés selon les normes internationales IFRS (International Financial Reporting Standards). Du coup, depuis la parution de cette obligation en 2005, des départements dédiés à la consolidation financière ont vu le jour chez la plupart des grands groupes. Maintenant, le problème se pose au niveau des profils qui se chargeront de ces départements, les consolideurs en l'occurrence. Au Maroc, on ne trouve pas le profil adéquat pour l'exercice de la consolidation et on pense que les comptables peuvent faire l'affaire comme ce fût le cas autrefois. Or, les temps ont beaucoup changé. Aujourd'hui plus de 75% des groupes, dans le monde, publient en IFRS. Ainsi, la première contrainte à laquelle nous faisons face est celle de trouver un bon profil qui maîtrise le langage comptable universel IFRS (Normes internationales d'informations financières) qui n'est pas évident. C'est donc la condition pour pouvoir produire, lire et analyser les états financiers de la même façon en vue d'assurer la comparabilité à l'échelle internationale. Sachant que les établissements de formation publics comme privés ne préparent pas toujours des bons profils à ce métier, comment les grands groupes procèdent-ils pour recruter leurs consolideurs ? Partant de ma double casquette de recruteur et d'universitaire, je souhaite souligner la problématique du système modulaire qui ne permet pas la spécialisation. Du coup, la maîtrise de tous les aspects de la consolidation devient quasi impossible. Encore faut-il dire que les grandes écoles ont dû solliciter des professionnels de la consolidation en vue de renforcer les équipes pédagogiques destinées à enseigner les matières de consolidation et IFRS. Une démarche qui me semble pertinente dans la mesure où ces professionnels apportent un plus et une valeur ajoutée aux étudiants du fait qu'ils exercent ces aspects au quotidien. En gros et pour revenir à la formation, il est malheureusement rare que les établissements offrent au marché des consolideurs maîtrisant leur métier. D'où l'importance des certificats de spécialisation qui demeurent très importants vu leur pertinence et la difficulté à être obtenus. Pour ce qui est du processus de recrutement, les entreprises marocaines se contentent généralement de recruter un profil de junior qui doit au moins maîtriser les principes de base de la comptabilité générale et de la fiscalité. Maintenant, si l'entreprise approche un consolideur expérimenté ne serait-ce qu'avec deux ans de pratique en poche, les salaires peuvent devenir plus intéressants. Comment se porte la consolidation au Maroc par rapport à d'autres pays en Europe ? À titre comparative, en France, les consolideurs sont très prisés. Pourquoi ? Tout simplement en raison du cadre réglementaire : au Maroc, la consolidation n'est obligatoire que pour trois catégories de sociétés, à savoir les groupes publics, les groupes bancaires et les groupes cotés à la Bourse de Casablanca. Ces groupes sont obligés de présenter des comptes consolidés une fois par an au minimum et deux fois par an pour les banques et certains groupes cotés. À part ça, la consolidation reste facultative. En France, toute société qui a une filiale est obligée de soumettre des comptes consolidés au tribunal, c'est ce qui fait que même au niveau de la formation d'expertise comptable dans l'Hexagone, on trouve qu'elle est plus axée sur la consolidation et les IFRS. En résumé, je pourrai dire que le cadre réglementaire et légal au Maroc limite l'application de la consolidation à une catégorie très limitée des entreprises.