Quel modèle économique pour l'entreprise de presse numérique au Maroc ? La question a fait l'objet d'un débat animé, vendredi 17 novembre à Casablanca, en marge de la présentation des résultats d'une étude sur les médias réalisée par Media Ownership Monitor (MOM Maroc). Les entreprises de presse digitale se cherchent un modèle économique viable. Face au diktat du clic, à l'évaporation de la communication publicitaire et à la domination des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), les temps sont durs pour les sites d'information en ligne. Le phénomène de fraude au clic, robotique ou manuelle, ne fait que compliquer la situation, rendant encore plus difficile la mesure de l'audience des sites Internet. Le volume publicitaire capté par la presse digitale reste encore faible. Des 5 MMDH d'investissements publicitaires engagés tous les ans, près de 400 MDH partent aux supports numériques, essentiellement vers Facebook. Seuls quelque 60 MDH ruissellent vers la presse digitale. Ces chiffres, recueillis lors du débat organisé par le site d'information en ligne LeDesk.ma en marge de la présentation des résultats de l'étude de MOM Maroc, ont été communiqués à titre indicatif. Aucun annonceur n'oserait afficher son budget de communication publicitaire, ce dernier étant considéré comme un «secret concurrentiel». L'enjeu crucial de l'indépendance «Au Maroc, le per capita de l'investissement publicitaire/habitant est situé aux alentours de 15 dollars, un niveau supérieur à celui observé en Afrique, mais très en deçà de la moyenne européenne. Le développement du marché publicitaire passe par l'élargissement de l'assiette des annonceurs», estime Mounir Jazouli, président du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). La presse digitale, si elle veut attirer de nouveaux annonceurs, ajoute Jazouli, doit proposer une offre adaptée à leurs besoins, avec un contenu de proximité et de qualité. Nouvel investisseur entrant dans l'univers des médias (lesite.info, Hola), Moncef Belkhayat propose de son côté de mener une action auprès des autorités en faveur d'un mécanisme obligeant les annonceurs à respecter une répartition à parts égales de leurs dépenses publicitaires entre les sites locaux et les GAFA. Mais l'idée ne semble pas intéresser grand monde, ni chez les annonceurs, ni du côté des éditeurs. «Comment peut-on défendre un libéralisme économique et, en même temps, encourager un communisme publicitaire», rétorque le président du GAM pour qui la priorité serait d'asseoir les bases d'une industrie journalistique forte adaptée aux critères recherchés par les annonceurs. Le fondateur du portail Medias24, Nassreddine El Afrit, insiste sur la notion d'indépendance de la presse numérique: «nous ne cherchons pas des actions sociales. Les mesures de défense commerciale ne sont pas éternelles. Le plus important, c'est de préserver la dignité des journalistes. Il faut trouver des modèles économiques qui permettent à la presse de préserver son indépendance». L'homme d'affaires Ali Belhaj, qui s'apprête à finaliser son entrée dans le capital de la société éditrice du Desk, invite à s'ouvrir au monde de l'entreprise. «Il faut encourager les opérateurs économiques à investir dans les médias», dit-il. Encore faut-il prévoir des garde-fous, comme dans d'autres pays (chartes éditoriales, pactes d'actionnaires, etc), pour préserver l'indépendance des lignes éditoriales et éviter les interférences entre le contenu journalistique et le capital. Qui détient les médias ? «Le modèle économique le plus en vogue est celui basé sur la commande publicitaire, notamment chez les supports de presse francophones qui tendent vers une uniformisation des lignes éditoriales», affirme le fondateur du Desk en commentant les résultats d'une étude sur les médias réalisée par Media Ownership Monitor (MOM Maroc), en partenariat avec le Desk et Reporters sans frontières (RSF). Le MOM se veut une initiative internationale de recherche visant à assurer la transparence sur la propriété des médias et répondre à la question «Qui contrôle les médias ?». Le Maroc est le onzième pays à produire cette étude, le deuxième en Afrique du Nord après la Tunisie. Parmi les 46 médias sollicités, tous supports confondus (écrit, digital, audiovisuel), seuls quatre (dont Horizon Presse, société éditrice des Inspirations ECO, LesEco.ma et Horizon TV) ont communiqué de façon proactive. Les auteurs de l'étude ont eu beaucoup de difficultés à trouver des données actualisées sur l'actionnariat des médias. Y compris chez la HACA qui, d'habitude, communique ces données lors de l'octroi des licences; mais quand il s'agit d'un changement en cours de route au niveau du tour de table, l'identité des nouveaux actionnaires devient vite un secret de Polichinelle !