C'est en grande pompe que le premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi a annoncé dimanche la libération totale de la ville, après neuf mois de batailles contre l'Etat islamique. Après cette libération, la dispersion des combattants de Daech soulève une inquiétude d'un autre genre liée à leur retour dans leurs pays. Le Maroc se trouve confronté directement à cette vague de retour. C'est une ville en ruine qui a été récupérée par l'armée irakienne. Après 9 mois de batailles, les habitations, les mosquées et les bâtiments officiels ont été éventrés par de violents combats et les mines laissées par les combattants de Daech, qui ont piégé les zones stratégiques dans l'espoir de ralentir l'avancée de l'armée irakienne. Acculés, les combattants de Daech se sont retranchés dans l'ancienne ville, sur un territoire de pas plus de 2 km où ils ont continué à se battre avec l'énergie du désespoir avant de s'effondrer sous les raids des unités spéciales irakiennes soutenus par les bombardements des pays alliés. En désespoir de cause, Daech a procédé à la destruction de la grande mosquée Al-Nouri, là où Abou Bakr Al-Baghdadi a prononcé son discours, en 2014, qui dévoilait le projet apocalyptique de Daech. Une destruction qui annonçait la fin prochaine du groupuscule islamique. Après Mossoul, Raqqa La chute de la ville est très importante d'une part pour l'armée irakienne, humiliée en 2014 de façon spectaculaire en fuyant Mossoul, abandonnant armes et véhicules et d'autre part en mettant fin au projet démoniaque de Daech, néanmoins resteront plusieurs défis après Deach. En récupérant Mossoul, l'Irak se confronte à la question du Kurdistan. Un territoire autogéré qui fait office d'Etat dans l'Etat et qui, au cas où l'Irak déciderait de le réannexer de nouveau pour reconstituer l'Irak d'avant l'invasion américaine, risquerait de précipiter le pays dans une guerre d'un autre genre. L'autre problème qui se pose consiste à nettoyer le reste des poches encore sous domination de combattants en déroute. Enfin, la victoire finale sur Daech se joue actuellement en Syrie dans la ville de Raqqa. Cependant, l'Armée arabe syrienne soutenue par les Russes a été devancée par les Forces démocratiques syriennes, une armée kurde soutenue par les Etats-Unis. Objectif : ne pas donner aux Syriens l'occasion d'entrer triomphalement à Raqqa, après avoir remporté la bataille d'Alep qui a constitué un tournant dans la guerre en Syrie. Or, une armée kurde qui chasse Daech de Raqqa n'est pas bien vue du côté d'Ankara qui craint le découpage de la Syrie et la naissance d'un état kurde qui pourrait fédérer les composantes kurdes de la région et donner du grain à moudre aux combattants du PKK sur le territoire turc. Anticiper sur le retour des combattants Plusieurs rapports font état de l'existence de 35.000 combattants étrangers en provenance d'une centaine de pays, sans oublier que les plus grands de ces contingents proviennent du monde arabo-musulman, l'Eurasie et l'Europe occidentale. Or, la dislocation de Daech va jeter ces combattants sur le chemin du retour vers leur pays, ce qui a mis les services de sécurité et de renseignement du monde entier en état d'alerte. Pour se préparer au retour des combattants, le Maroc, la France, l'Espagne et le Portugal ont décidé de travailler d'un commun accord pour affiner une stratégie adéquate au mode de travail et de déplacement des potentiels djihadistes qui voudraient porter les combats sous forme d'actions terroristes dans leur pays d'origine. Les ministres de l'Intérieur du Maroc, Abdelouafi Laftit, d'Espagne, Juan Ignacio Zoido, du Portugal, Constança Urbano de Sousa et l'ambassadeur de France à Madrid, Yves Saint-Geours se sont réunis à Madrid pour préparer des actions communes à prendre. Des actions qui dépendront essentiellement de la connaissance qu'a chaque pays des combattants partis se battre en Syrie et de l'efficacité du partage d'informations entre les pays concernés. Selon les données communiquées par la BCIJ, ce sont pas moins de 1.623 jihadistes marocains qui ont rejoint les rangs de Daech et d'autres organisations terroristes. Pas moins de 400 d'entre eux ont déjà été tués au combat, alors que 78 jihadistes ont choisi de rentrer au pays. De quoi donner des sueurs froides aux services sécuritaires.