Le projet de loi organique sur le caractère officiel de l'amazigh sera présenté aujourd'hui au sein de la Commission de l'enseignement, de la culture et de la communication de la Chambre des représentants. Pointé du doigt par le mouvement amazigh, le texte ne devrait pas passer comme une lettre à la poste. Enfin, le débat sera lancé, à partir d'aujourd'hui à la Chambre des représentants, sur le projet de loi organique 26-16 définissant le processus de mise en œuvre du caractère officiel de l'amazigh ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique. Plus de huit mois après sa soumission au Parlement, la Commission de l'enseignement, de la culture et de la communication vient de programmer son examen. Les discussions s'annoncent animées autour de ce projet de loi jugé lacunaire par les activistes amazighs qui ont pris, depuis des semaines, leur bâton de pèlerin pour aller prêcher la bonne parole auprès des parlementaires. Le Réseau amazigh pour la citoyenneté a rencontré récemment plusieurs groupes parlementaires pour les convaincre de l'impératif d'amender le texte. Les propositions d'amendements portent sur plusieurs points et à leur tête la nécessité de prendre en considération la langue amazighe en tant que langue officielle de l'Etat marocain plutôt qu'une simple langue de communication dans les institutions et les administrations. Le mouvement amazigh met également l'accent sur la nécessité de l'utilisation du tifinagh, comme graphie unique, pour l'écriture de l'amazigh. Il plaide, aussi, pour le renforcement de l'équité entre les deux langues officielles, la révision et l'actualisation des lois à la lumière des nouveautés du projet de loi organique, une définition claire des orientations générales de la politique publique en matière de mise en œuvre du caractère officiel de l'amazigh, la facilitation de l'enseignement de l'amazigh, la protection du patrimoine culturel et civilisationnel amazigh, le renforcement des compétences des ressources humaines dans les administrations publiques et dans les différentes institutions des secteurs public et privé, la promotion de la recherche scientifique pour le développement de la langue amazigh, l'encouragement de la traduction... Le mouvement amazigh pointe du doigt une officialisation formelle de la langue. Le projet de loi prévoit certes l'intégration de cette langue dans plusieurs secteurs (enseignement, législation, parlement, médias et communication, culture, art, administration, services publics, justice). Mais, on estime que cette intégration reste globale et l'utilisation de l'amazigh demeure cantonnée dans la communication avec les citoyens alors que les autres volets (procédures, documents, papiers administratifs...) sont totalement marginalisés. À ce titre, plusieurs observations sont relevées : utilisation de la langue amazighe uniquement sur demande des personnes concernées, limitation de l'utilisation de l'amazigh dans l'aspect oral, utilisation écrite de la langue limitée et symbolique, présence non-équitable des langues marocaines dans les secteurs médiatiques et artistiques... Le gouvernement est appelé à s'engager à mettre en place les conditions nécessaires à même de garantir une présence équilibrée et équitable des deux langues officielles à tous les niveaux notamment dans les médias publics. Actuellement, les chaînes publiques sont vertement critiquées, car elles ne respectent pas les prescriptions de leurs cahiers des charges. Les activistes amazighs regrettent le peu de place réservé à l'amazigh au niveau de la première et deuxième chaînes et son absence sur Medi1TV ainsi que la diffusion limitée de la huitième chaîne qui émet encore entre 14h00 et minuit alors que l'engagement portait sur une diffusion sur 18 heures puis 24 heures. Sur le volet de l'enseignement de l'amazigh, le caractère obligatoire ne concerne que le cycle primaire sans précision pour le collège, le lycée et l'université. Ce qui suscite l'ire des militants associatifs. Il faut dire que la généralisation de cet enseignement à tous les cycles n'est pas une mission de tout repos à court terme, de l'avis même de certains activistes amazighs. Elle nécessite, en effet, la mobilisation des ressources humaines qualifiées ainsi que des ressources financières importantes. La situation actuelle ne permet pas de passer à la vitesse supérieure. Le bilan de l'enseignement de l'amazigh au Maroc est, en effet, jugé modeste par la société civile. Rappelons que l'avènement de l'amazigh dans le système éducatif marocain date de l'année scolaire 2003/2004 avec 317 classes. Aujourd'hui, ce chiffre est de plus de 22 mille classes. Quelque 600.000 élèves suivent des cours de l'amazigh dans différentes régions sur un total d'environ sept millions. Le Maroc ne dispose actuellement que de 5.000 enseignants de l'amazigh, très peu pour réaliser l'ambition de la généralisation de cet enseignement dans les années à venir. Le problème est celui de la formation du nombre nécessaire d'enseignants. Au niveau de l'enseignement supérieur, seules quatre universités ont mis en place des matières en amazigh. Un plan stratégique précisant les actions à court et moyen termes devra être élaboré pour pouvoir atteindre les objectifs escomptés dans le domaine de l'enseignement, précise le recteur de l'IRCAM, Ahmed Boukous.