Accélérer la promulgation des lois organiques relatives à l'amazigh La création du service amazigh à la MAP, le Prix national de la presse accordé à deux journalistes amazighophones et la rencontre nationale organisée par l'IRCAM à l'occasion de l'anniversaire de la promulgation de la nouvelle constitution qui reconnaît l'amazighe en tant que langue officielle, sont des moments forts qui marquent l'année 2963, souligne le recteur de l'IRCAM, Ahmed Boukous. En effet, treize ans déjà après le discours d'Ajdir, les acquis sont considérables en matière de la reconnaissance constitutionnelle de l'amazigh. Mais il est temps, a-t-il ajouté, de réclamer Yennayer comme jour de fête nationale, ainsi que la promulgation des lois organiques prévues à l'article cinq de la constitution. Entretien. Al Bayane : Comme à l'accoutumée, imazighen du monde célèbrent, le 13 janvier, le nouvel an amazigh (Yennayer). Que représente cet évènement pour vous ? Et quel bilan faites-vous de la situation amazighe sur le plan culturel de l'année passée ? Ahmed Boukous : Cet évènement signifie la réappropriation par les Imazighen de leur mémoire collective ; une mémoire occultée pendant des siècles. La célébration de Yennayer signifie aussi l'ancrage des imazighen dans la civilisation agraire avec son mode de production, ses valeurs, son attachement à la terre. Les réalisations en matière de culture sont importantes en termes de production culturelle, notamment dans les domaines de la littérature et des arts. Il y a aussi l'accumulation des travaux réalisés au sein de l'IRCAM sur la langue, la littérature, la traduction, la culture immatérielle, etc. Quels sont les moments forts qui ont ponctué l'année qui s'achève ? Les trois moments forts sont d'abord la rencontre nationale organisée par l'IRCAM à l'occasion de l'anniversaire de la promulgation de la nouvelle constitution qui reconnaît l'amazighe en tant que langue officielle, ensuite la création du service amazighe à la MAP et à la TV, et enfin le Prix national de la presse accordé à deux journalistes amazighophones. Donc, il est temps de reconnaitre Yennayer comme jour férié ? Oui, l'implication logique de l'article cinq de la constitution est la reconnaissance de Yennayer comme jour de fête nationale. Qu'en est-il du débat ouvert au sujet de la loi organique relative à la mise en œuvre du statut officiel de l'amazigh? Quels sont les facteurs entravant ce projet ? La loi organique relative à la mise en œuvre du statut officiel de l'amazighe n'a pas encore vu le jour, en dépit des réclamations des institutions concernées et des associations culturelles. En revanche, il semble que le projet de loi relatif à la création du conseil national des langues et de la culture marocaine a été adressé par le ministère de la Culture au Chef du gouvernement. L'IRCAM attend d'être consulté. Qu'attendez-vous exactement de cette loi ? Tous les citoyens attendent de cette loi qu'elle enclenche le processus de mise en œuvre des dispositions de la constitution afin que la reconnaissance de l'amazighe soit effective. Pensez-vous que l'amazighité a eu, l'année dernière, sa grande part dans les médias publics ? A vrai dire, les citoyens attendent plus des médias. Il est nécessaire que ces derniers respectent les dispositions du cahier des charges du Ministère de tutelle et que la HACA joue pleinement son rôle d'instance de suivi et de contrôle. Il est indispensable que la qualité des productions et des programmes en amazighe et sur l'amazighe soit améliorée. A votre avis, quelle est la personnalité amazighe de l'année 2963 ? Tous les acteurs qui contribuent sincèrement et avec dévouement à la valorisation de l'amazighe méritent d'être reconnus et applaudis. Quelles sont vos aspirations pour l'année 2964 ? Mes vœux sont les suivants : La promulgation des lois organiques prévues à l'article cinq de la constitution, l'amélioration de la situation de l'enseignement de l'amazighe, le développement des régions touchées par la pauvreté et la précarité, et l'emploi des jeunes. Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef *** Meryam Demnati, membre de l'Observatoire amazigh des droits et libertés Reconnaître Yennayer comme fête nationale Al Bayane : Pourquoi Yennayer ? Meryam Demnati : Yennayer, jour de l'an Amazigh, célébré depuis des millénaires dans toute l'Afrique du nord, n'a jamais cessé d'être. C'est un des socles communs de l'identité amazighe. C'est aussi le sentiment d'appartenir à une même terre, une même histoire, d'avoir une même mémoire collective, de valoriser nos coutumes et nos mœurs. Un sentiment commun à l'ensemble de notre communauté qu'elle soit amazighophone ou arabophone, parce qu'elle est le fruit d'une dynamique historique s'inscrivant dans une logique transnationale et africaine du nord. Bien que la célébration de Yennayer soit fêtée habituellement en famille autour de plats symboliques tels que Tagoula, farine d'orge assaisonnée au miel et à l'huile d'argan, Aserfur, sorte de couscous au poulet et aux dattes, pain enrobé aux fruits secs, aujourd'hui cette fête a pris de l'ampleur au Maroc et dans toute Tamazgha, revitalisée par les associations comme un des symboles fortement identitaires de notre sous-continent. Tous les acteurs amazighs appellent à la reconnaissance de Yennayer comme fête nationale. Qu'en pensez-vous ? Le mouvement amazigh a toujours réclamé que soit officielle cette fête célébrée le 13 Janvier au même titre que les autres fêtes nationales. Aujourd'hui, avec l'officialisation de la langue amazighe et la reconnaissance de cette identité par la loi suprême du Maroc, la Constitution, cette reconnaissance est inéluctable. Cette fête fait partie intégrante de notre identité et de notre culture autochtone. La reconnaissance de notre culture ne doit pas se limiter à notre langue et nos expressions culturelles mais aussi à nos coutumes et nos traditions qui sont le substrat de notre identité à tous. La traduction de notre fête Yennayer sur le plan légal pour qu'elle soit consacrée comme fête nationale, fait partie de cette reconnaissance. L'histoire d'un peuple ne se limite pas uniquement à son histoire évènementielle. Aujourd'hui encore, la même revendication, le même appel est renouvelé par les militants amazighs en direction de l'Etat marocain, pour qu'il franchisse ce cap et rendre enfin, à une expression de notre culture, ce qui lui revient de droit. Le Maroc ne pourra prendre acte de son histoire, de sa diversité et de ses racines profondes sans avoir aussi reconnu cette journée comme étant nationale et fériée. Qu'en est-il de la loi organique relative à la mise en œuvre du statut officiel de l'amazigh? Bien que l'officialisation de la langue amazighe soit un acquis et une avancée importante au regard d'énormes sacrifices consentis par des générations de militants de la cause amazighe au Maroc; depuis juillet 2011, aucun débat n'a encore eu lieu au parlement, aucune loi, aucun texte pour la mise en œuvre. La situation de la langue et la culture amazighes reste la même qu'auparavant, toujours marginalisée et déniée dans tous les domaines. En ce qui concerne la loi organique qui définira «le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et aux domaines prioritaires de la vie publique, et ce afin de lui permettre de remplir, à terme, sa fonction de langue officielle» stipulée dans la constitution, les choses continuent à traîner au niveau du parlement. Aucune commission n'a été désignée pour travailler sur ce projet. Le mouvement amazigh dans son ensemble proteste et interpelle certaines formations politiques dites «alliées». Plusieurs associations se constituent en coordination ou en fédération pour s'ériger en force de pression. Plus de deux ans après l'officialisation de l'amazighe, rien n'a été fait. Elles exigent une approche participative pour l'élaboration de cette loi, avec la participation de la société civile et notamment du mouvement amazigh et de toutes ses composantes sans exception. La même approche devra être effectuée en ce qui concerne la loi organique du « Conseil national des langues et de la culture marocaine, chargé notamment de la protection et du développement des langues arabe et amazighe ». D'un autre côté, il est intéressant de signaler qu'aucun travail de sensibilisation et d'informations n'a été fait pour éduquer les Marocains au respect de la diversité linguistique et culturelle et à son appropriation. Bien au contraire, plusieurs décideurs ou responsables continuent encore à s'inscrire dans l'optique arabo-islamique d'antan, ne reconnaissant pas de fait les changements inscrits dans la nouvelle constitution concernant la diversité culturelle et linguistique de notre pays, notamment la reconnaissance de la langue amazighe au côté de la langue arabe et l'identité culturelle plurielle du Maroc. Quel bilan faites-vous de la situation amazighe aujourd'hui ? Après l'officialisation le la langue amazighe par la Constitution de juillet 2011, le bilan aujourd'hui en ce qui concerne l'Amazighe dans le système éducatif est plutôt alarmant. La généralisation qui devait continuer à se faire pour toucher toutes les écoles marocaines et tous les niveaux scolaires, non seulement a pris beaucoup de retard, mais a reculé ou même stoppé dans certaines régions. Le traitement de ce dossier va de la négligence ou légèreté au mépris total. La langue amazighe continue d'être exclue du programme d'alphabétisation, de l'enseignement pour adultes domaine réservé uniquement à la langue arabe. Le programme d'enseignement de la langue amazighe est aussi absent à l'étranger quant aux résidants marocains qui aspirent toujours que leur langue maternelle soit enseignée à leurs enfants. Plusieurs associations des enseignants de la langue amazighe ont été créées dans toutes les régions du Maroc, pour avoir un cadre de défense de leur profession et pour interpeller l'Etat quant au dossier de l'enseignement de la langue amazighe qui continue à être géré avec légèreté et sans volonté politique. Une confédération nationale de ces associations de toutes les régions vient d'être mise sur pied pour se constituer en force de pression et de proposition face à l'Etat. Quant aux médias, l'amazighe y est cantonné dans une seule chaine TV8 non terrestre avec un budget réduit et horaire réduit. La chaîne amazighe n'est pas dotée de transmissions par câble au moyen de crédit requis pour qu'elle puisse produire des programmes pouvant satisfaire la demande en qualité requise et satisfaire les besoins des téléspectateurs ; et 30% de ses programmes lui sont imposés en arabe. Par ailleurs, aucun respect des 30% de programmes en amazighe ne sont imposés sur les autres chaînes marocaines de télévision comme le prévoient les cahiers de charges. Le peu d'émissions en amazighe émis sur ces chaines est programmé à des heures de faible audience. Il est également devenu impérieux de structurer la radio centrale amazighe sous forme de direction indépendante administrée par des responsables initiés à la langue et à la culture amazighes, de renforcer ses équipements de diffusion pour couvrir la totalité des régions proches et lointaines, d'augmenter le nombre d'heures d'émission atteignant 24 heures non stop, de rendre justice aux salariés de la radio amazighe en les faisant bénéficier des conditions normales de travail, avec tous leurs droits d'égalité avec les autres fonctionnaires dans le domaine de l'information, comme leur droit de bénéficier de sessions de formation et de participer aux concours d'obtention d'autres prix. L'égalité des Marocains devant la loi, au demeurant prévu par la constitution, ne doit pas être seulement théorique, au même titre que leur égalité en ce qui concerne leur langue de communication quotidienne. Le droit à la langue doit permettre que soient compris leurs dires en cette langue lors des plaidoiries ou devant n'importe quelle administration publique (santé, justice ou autres) afin que leurs droits soient garantis. Jusqu'à présent, au Maroc, les fonctionnaires de l'Etat, les agents d'autorité et de justice exigent des citoyens amazighs, ignorant l'arabe ou le parlant mal, l'usage de cette langue au sein des institutions, ce qui conduit à les priver de leurs droits. D'autre part, les deux Chambres du Parlement continuent à interdire la communication en langue Amazighe au sein du parlement. L'argument avancé est l'absence de logistique et des moyens de traduction, malgré les protestations de l'Observatoire amazigh des droits et libertés qui a envoyé une lettre à tous les responsables ainsi qu'au Premier ministre leur rappelant que la langue amazighe est officielle depuis Juillet 2011. Plusieurs langues font l'objet de traduction au sein du parlement et dans d'autres institutions officielles, sauf la langue amazighe pourtant langue nationale et officielle au Maroc. Quant au découpage régional escompté, il ne tient pas compte des deux facteurs historique et culturel, en préservation de l'harmonie avec la personnalité régionale qui joue un grand rôle dans la réussite des projets de développement, étant donné son rôle comme ciment socioculturel solide entre les citoyens de la région et ce qu'elle offre comme possibilités d'accréditation des spécificités locales. Le découpage régional fondé sur les purs calculs sécuritaires ou administratifs est de nature à entraver le développement régional fondé sur l'intégration de l'individu dans son environnement. Pour conclure, les partis politiques marocains se doivent d'élargir le débat avec leur base dans toutes les régions du Maroc, être à l'écoute de la société, et trancher sur la problématique de l'identité et de l'appartenance marocaines au profit d'une acception démocratique respectant toutes les composantes sans hiérarchie. Et de cesser l'exploitation saisonnière de l'amazighité en périodes électorales, pour s'en défaire après dans l'action politique quotidienne. Propos recueillis par M.N.Y *** Le sens de la célébration du nouvel an amazigh La célébration du nouvel an amazigh 2964 correspondant à l'année 2013 du calendrier grégorien revêt une signification particulière qu'illustrent les réalisations accomplies récemment au profit de la langue et de la culture amazighes. Outre le riche débat ouvert au sujet de la loi organique sur la langue amazighe, la période passée a été marquée par l'intégration du script amazigh tifinagh dans le Windows 8. L'utilisation du script tifinagh dans des écriteaux et enseignes affichés sur les devantures de certains édifices publics (ministères, écoles) et sur des panneaux de signalisation dans certains communes constituent aussi des faits saillants de cette évolution, sans oublier bien sûr le fait que nombre de productions amazighes ont été réalisées dans les domaines de la pensée, des arts de la littérature et dans l'audiovisuel. Plusieurs activités et rencontres en amazigh ont ponctué aussi l'année qui s'achève. Le nouvel an amazigh, appelé « ikhf n usggwas » ou « yennayer » chez les Amazighen dans les autres pays nord africains, représente pour les premiers habitants de la région l'occasion de faire le bilan de l'année passée mais également un moment appréciable pour se retrouver en familles en vue de fêter dans la pure tradition cette fête ancestrale. Bien qu'ils varient selon les régions, les repas préparés comme les festivités d'ailleurs, traduisent l'attachement des Amazighen à leurs traditions, mais également à la terre et à la patrie. Au-delà des ces festivités, les Amazighen nourrissent au passage d'une année à une autre l'espoir de voir l'année agricole leur apporter de meilleures récoltes. La célébration d'une telle fête offre de même l'occasion de faire connaitre aux générations montantes le patrimoine culturel des anciens dans le but de le perpétuer et de le protéger de l'oubli. Durant les 45 dernières années, les associations amazighes opérant dans le domaine au Maroc ont convenu de célébrer le nouvel an amazigh le 12 janvier de chaque année dans les différentes régions du pays, ce qui leur offre l'opportunité de réaffirmer leur attachement à l'identité amazighe ancestrale, de faire connaitre les traditions amazighes et de rendre hommage aux gardiens des rites amazighs en particulier parmi les femmes. Grâce à cette action des associations, certaines collectivités locales ont accepté d'inscrire cette fête dans leurs agendas offrant ainsi la possibilité aux conseils élus de participer aux festivités organisées à cette occasion, un passage obligé devant déboucher sur la reconnaissance officielle de cette fête. Divers plats sont préparés à cette occasion. Bien qu'ils varient selon les régions, ils sont dominés par «Laâssida» (bouilli de semoule), le couscous et d'autres préparations à base de graines. Les festivités sont agrémentées par des « Haidousses » et des chants et danses collectifs. Pour les mouvements amazighs en Afrique du Nord, il est temps de faire du nouvel an amazigh un jour férié comme le sont les jours du nouvel an de l'Hégire et du nouvel an du calendrier grégorien. Le projet a déjà vu le jour en Libye où les habitants de Jbel Naffousse et de Zouara ont décidé à partir de cette année de faire du nouvel an amazigh une journée fériée. Ahmed Assid, chercheur universitaire *** De Yennayer et de la division du temps Sur des rites aussi divers que nombreux qui rythment les années, la datation et l'organisation du temps sont une des plus vieilles activités de l'homme. Quels que soient les pratiques traditionnelles, les renvois aux phénomènes mythologiques ou la référence à la conjecture, l'ensemble repose sur l'observation expérimentée appelée procédé algorithmique et auquel la science du domaine cosmique ne semble pas s'opposer. Ces usages traditionnels revêtent une marque culturelle utile et nécessaire qui peut expliquer les évènements mais aussi une meilleure compréhension des faits historiques et socioculturels des différents peuples. Le monde de l'agriculture étant le plus universel héritage humain a fixé des indications douées d'une logique de la division du temps caractérisée par une extrême précision dans sa subdivision en saisons, en motions lunaires et en organisation du jour. En effet, les changements des saisons et les différentes intermittences de la végétation, les influences et les variations qui ont cadencé la vie sédentaire et rurale, l'observation des positions alternatives de la lune et du soleil, alors seuls astres visibles à l'époque, sont autant d'arguments qui ont permis, depuis des lustres, d'ordonner le temps. Les saisons, les mois et les segments du jour portent partout dans le monde un nom dont la signification va d'elle-même suivant la culture locale. C'est ainsi que l'homme a pu fixer l'agencement de ses activités. C'est la naissance du calendrier agraire. Viennent ensuite se greffer sur ce calendrier des évènements historiques et des faits religieux séparés des observations naturelles et cycliques du temps dont ils ne dépendent pas. Des pays appartenant à une zone géographique donnée du globe subissent les mêmes fluctuations du temps que le phénomène de la colonisation a souvent contrarié dans leur état naturel. Pour sujet d'exemple, l'organisation officielle et actuelle du temps en Afrique du Nord est encore la reproduction du produit de la colonisation. Le début officiel des saisons est calqué sur les mêmes dates et jours de l'année qu'en Europe. Ainsi donc en Algérie, l'hiver est fixé mécaniquement au 21 décembre alors que naturellement, il débute le 29 novembre, que le printemps arrive chez nous le 28 février et non le 21 mars, l'été démarre le 30 mai et que l'automne arrive le 30 août. Paradoxalement, dans nos campagnes et montagnes, les activités agricoles continuent de s'exercer justement selon notre calendrier naturel. Nous nous retrouvons ainsi anormalement alignés et d'une manière anachronique sur des influences climatologiques distinctes qu'il y a lieu de réajuster. Coïncidant avec seulement quelques jours de différence avec le calendrier de l'année universelle, Yennayer est la marque de la fin du cycle froid et le début du cycle chaud ou tempéré. Il est commémoré chaque 13 janvier de l'année grégorienne. Pour le célébrer, les Berbères, qui se réapproprient légitimement leur histoire longtemps confisquée, ont concilié un événement historique couplé avec la division du temps selon des considérations climatologiques cycliques citées plus haut. L'événement historique remonterait à 950 avant J.-C. avec comme première thèse, la présence en Egypte d'un roi berbère du nom de Sheshonk (Chachnaq 1er) qui serait parti, à la tête d'une puissante armée, depuis l'actuelle Tlemcen vers la vallée du Nil dans le Delta en Egypte pour sauver l'empire pharaonien alors menacé par un roi venu d'Ethiopie. On pense que c'est à partir de cette date mouvement que les Berbères ont commencé à dater le temps. L'autre thèse nous est rapportée par Malika Hachid dans "les Premiers Berbères, entre Méditerranée, Tassili et Nil" selon laquelle l'an zéro amazigh se réfère à 950 av.J.-C. Date à laquelle le Berbère Sheshonk (Chachnaq 1er) fut intronisé dans les terres du Delta du Nil en Egypte où il fonda la XXIIe dynastie avec comme capitale Boubastis. Les deux thèses diffèrent très légèrement. Elles font référence à la même date (950 av J.-C.) et au même personnage historique autour duquel l'événement se rapporte. Partant de ces éléments, l'année berbère atteint aujourd'hui l'an 2960 c'est-à-dire : 950 av. J.-C. + 2010 de l'an grégorien). Hormis donc l'aspect strictement historique et culturel, il n'y a aucune prétention à vouloir devancer l'horloge universelle ou encore à être à sa traîne. La référence à l'année universelle est un standard qui s'impose de lui-même. Sur le plan linguistique, étymologiquement on peut proposer que le mot Yennayer est une composition de deux mots associés : "yen" qui indique le nombre premier ou le chiffre un et "ayer" signifie la motion "mois" avec ses variantes (ayir, ayur, aggur). Le fait le plus significatif à relever (par- delà le vestimentaire, le culinaire et autres coutumes et festivités qui ont lieu) Yennayer transcende toutes les sociétés nord-africaines qui continuent à le célébrer et marque ainsi une unité socioculturelle régionale historique. Par Abdennour Abdesselam La célébration du nouvel an amazigh 2964 correspondant à l'année 2013 du calendrier grégorien revêt une signification particulière qu'illustrent les réalisations accomplies récemment au profit de la langue et de la culture amazighes. Outre le riche débat ouvert au sujet de la loi organique sur la langue amazighe, la période passée a été marquée par l'intégration du script amazigh tifinagh dans le Windows 8. L'utilisation du script tifinagh dans des écriteaux et enseignes affichés sur les devantures de certains édifices publics (ministères, écoles) et sur des panneaux de signalisation dans certains communes constituent aussi des faits saillants de cette évolution, sans oublier bien sûr le fait que nombre de productions amazighes ont été réalisées dans les domaines de la pensée, des arts de la littérature et dans l'audiovisuel. Plusieurs activités et rencontres en amazigh ont ponctué aussi l'année qui s'achève. Le nouvel an amazigh, appelé « ikhf n usggwas » ou « yennayer » chez les Amazighen dans les autres pays nord africains, représente pour les premiers habitants de la région l'occasion de faire le bilan de l'année passée mais également un moment appréciable pour se retrouver en familles en vue de fêter dans la pure tradition cette fête ancestrale. Bien qu'ils varient selon les régions, les repas préparés comme les festivités d'ailleurs, traduisent l'attachement des Amazighen à leurs traditions, mais également à la terre et à la patrie. Au-delà des ces festivités, les Amazighen nourrissent au passage d'une année à une autre l'espoir de voir l'année agricole leur apporter de meilleures récoltes. La célébration d'une telle fête offre de même l'occasion de faire connaitre aux générations montantes le patrimoine culturel des anciens dans le but de le perpétuer et de le protéger de l'oubli. Durant les 45 dernières années, les associations amazighes opérant dans le domaine au Maroc ont convenu de célébrer le nouvel an amazigh le 12 janvier de chaque année dans les différentes régions du pays, ce qui leur offre l'opportunité de réaffirmer leur attachement à l'identité amazighe ancestrale, de faire connaitre les traditions amazighes et de rendre hommage aux gardiens des rites amazighs en particulier parmi les femmes. Grâce à cette action des associations, certaines collectivités locales ont accepté d'inscrire cette fête dans leurs agendas offrant ainsi la possibilité aux conseils élus de participer aux festivités organisées à cette occasion, un passage obligé devant déboucher sur la reconnaissance officielle de cette fête. Divers plats sont préparés à cette occasion. Bien qu'ils varient selon les régions, ils sont dominés par «Laâssida» (bouilli de semoule), le couscous et d'autres préparations à base de graines. Les festivités sont agrémentées par des « Haidousses » et des chants et danses collectifs. Pour les mouvements amazighs en Afrique du Nord, il est temps de faire du nouvel an amazigh un jour férié comme le sont les jours du nouvel an de l'Hégire et du nouvel an du calendrier grégorien. Le projet a déjà vu le jour en Libye où les habitants de Jbel Naffousse et de Zouara ont décidé à partir de cette année de faire du nouvel an amazigh une journée fériée. Ahmed Assid, chercheur universitaire