La tenue simultanée, à Marrakech du 16 au 18 novembre, de la neuvième édition du Salon marocain des industries du textile et de l'habillement et de la huitième édition du Salon «Maroc Sourcing», illustre à elle seule le regain de confiance et d'optimisme qui renaît dans le secteur du textile-habillement marocain. «Plus, une prise de conscience des opportunités qui se profilent», précise Ali Berrada, consultant et expert textile. Les deux évènements visent, en effet, à promouvoir le savoir-faire marocain, la diversité et la variété de l'offre filière, les produits finis, les matières premières, les accessoires, ainsi que la richesse de l'offre marocaine en matière de sous-traitance. Près de 250 exposants provenant de différents pays ont pris part à cette manifestation qui s'adresse aux décideurs et professionnels de ce secteur, selon les organisateurs. Une opération marketing, donc, qui tombe au moment où le secteur renoue avec son dynamisme après plusieurs cycles de crises conjoncturelles qui ont fortement impacté la consommation dans les principaux marchés clients. Cependant, en dépit de ce contexte difficile, les exportateurs marocains ont pu tirer leur épingle du jeu, avec un secteur qui affiche de belles performances, profitant de la relative reprise qui caractérise certains pays européens, où se focalisent le plus gros des donneurs d'ordres internationaux. Selon les chiffres que vient de publier le Cercle euro-méditerranéen des dirigeants du textile et de l'habillement (CEDITH), sur les huit premiers mois de l'année en cours, le Maroc, 3e fournisseur méditerranéen de l'UE, a enregistré une progression de ses exportations, pour l'habillement, de près de 12%, soit deux fois plus que son concurrent direct la Tunisie dont la progression se limite à 6%. La Turquie, autre concurrent sérieux et deuxième fournisseur méditerranéen, enregistre une progression de 10,3%, loin de son niveau d'il y a quelques années. Les trois pays profitent de la hausse, cette année, des importations d'habillement de l'UE, avec un bond de 13,8% comparé à la même période en 2010. Une reprise relative mais qui a son importance surtout que «le marché européen est atone voire même en recul, en France ou en Espagne», fait remarquer Jean-François Limantour, président du CEDITH. Tout n'est pas rose d'ailleurs, puisqu'en dépit de leur forte progression cette année, les exportations nationales peinent à renforcer leur positionnement qui continue à stagner à 3,5%. Il est vrai que c'est, encore là, un autre signe de vitalité si l'on tient compte du fait que les autres pays méditerranéens sont en chute libre. La part de marché de la Turquie a, par exemple, chuté à 12,6% cette année alors que la Tunisie décroche de 4 à 3,7%. Mais au vu des potentialités qui s'offrent aux exportateurs marocains, notamment le recul de certains gros fournisseurs comme la Chine, le Maroc pourrait faire mieux. La concurrence des pays asiatiques se fait de plus en plus rude, puisqu'ils s'accaparent, encore, 73% du marché contre 71,5% une année auparavant. Sauf que la conjoncture est en train de changer la donne, notamment en ce qui concerne les prix, qui deviennent de plus en plus élevés au niveau de ces pays fournisseurs, obligeant les donneurs d'ordres à se réorienter vers «des marchés de proximité», souligne Berrada. Selon le CEDITH, la situation en termes de prix est «extrêmement variable selon les principaux fournisseurs». Alors que certains, comme ceux de Tunisie (+2,4%), du Maroc (+2,4%) ou de Suisse (+1,0%) sont «très sages ou sages», ceux d'autres fournisseurs s'envolent. C'est par exemple le cas des prix de la Turquie (+13,2%), du Bangladesh (+23,0%), de l'Inde (+21,3%) ou du Pakistan (+21,0%). Perspectives prometteuses Les performances de l'industrie marocaine sont encore plus marquées, côté exportations de textiles, bien que le Maroc reste positionné à la 18e place dans le classement des fournisseurs des Européens. La Chine reste le premier fournisseur avec un taux de croissance de 18,4%, suivie des exportateurs turcs (25%). L'Egypte s'est aussi distinguée cette année, en se hissant au 9e rang des fournisseurs textiles de l'Europe malgré les problèmes internes que connaît ce pays. Les exportations marocaines de textiles vers l'Union européenne ont enregistré une croissance de 24,2% pour franchir, en huit mois, le cap des 120 millions d'euros alors que de son côté, la Tunisie fait quasiment du surplace, avec 3,6% de croissance pour un chiffre d'affaires de 199 millions d'euros. Une progression marocaine qui se fait ainsi au détriment de la Tunisie, qui a connu une année des plus difficiles, sauf que les professionnels ne sont pas du même avis. «Les usines n'ont pas fermé en Tunisie comme on le laisse entendre et comme vous le savez, l'un des principes des donneurs d'ordre est d'entretenir les fournisseurs surtout que l'industrie du textile est une activité saisonnière», relativise Ali Berrada. Du coup, les raisons du dynamisme constaté de l'industrie du textile et de l'habillement sont à chercher ailleurs, notamment dans les perspectives qu'offrent le secteur surtout avec le retour annoncé des donneurs d'ordre internationaux vers les marchés les plus compétitifs. Selon une étude réalisée par l'Institut français de la mode (IFM) et qui sera publiée au cours de ce mois, sur les cinq prochaines années, l'approvisionnement du marché européen de textile habillement sera assuré par la Chine à hauteur de 14%, la Turquie pour 17% et les pays du Maghreb pour 37% ! Une vraie révolution dans le secteur... Ali Berrada, Consultant textile Ce qui est essentiel, c'est que le Maroc a continué à progresser dans un contexte difficile. Partout en Europe, qui demeure l'un des plus importants marchés, l'heure est à la rigueur en raison de la conjoncture qui se traduit par un niveau de consommation en baisse. Je ne pense pas que le printemps arabe ait pu profiter au Maroc, à ce niveau, puisque même dans les pays concernés, les usines n'ont pas fermé. Mais le fait que le Maroc affiche de belles performances traduit les perspectives du secteur pour nos opérateurs qui en ont parfaitement pris conscience. Le secteur est en train de se restructurer au niveau international. Bien que la Chine restera un concurrent sérieux, sa part de marché va se rétrécir notamment à cause du respect des délais et des quantités, sans parler de qualité ou du coût qui devient de plus en plus élevé pour les investisseurs. Ce qui pousse les donneurs d'ordres à se réorienter vers des marchés de proximité. Selon les projections, les pays du Maghreb deviendront les plus grands fournisseurs pour les marchés européens dans les années à venir et le Maroc est bien positionné pour profiter de cette aubaine à condition d'être à l'écoute permanente du marché et de pouvoir s'adapter à ses exigences.