L'Afrique de l'Est et australe est en réalité plus proche qu'elle n'y parait. Du moins, en termes d'opportunités d'affaires. La tournée d'une semaine des opérateurs marocains au Rwanda, en Tanzanie et à Madagascar, a suscité un grand engouement aussi bien auprès des gouvernements que des secteurs privés locaux. RWANDA Transfert de technologie Le Rwanda a été l'étape, non pas la plus fructueuse, mais la plus attachante de cette 2e édition de l «African Business Connect». Suite à la visite historique du roi Mohammed VI en octobre 2016, c'était la toute première fois qu'une mission d'affaires d'envergure s'est rendue dans ce pays encore associé au génocide vécu en 1994. Mais, au pays des milles collines, à part le Mémorial du Génocide de Kigali, rien, mais vraiment rien ne peut attester qu'une telle tragédie s'y est produite, il y a tout juste 23 ans. La page sombre de l'histoire de ce petit pays logé au milieu de la région des grands lacs semble définitivement tournée. Ce constat se dégage dès l'atterrissage à l'aéroport international de la capitale de l'état rwandais, dirigé par Paul Kagamé. Presque tout y est exécuté avec diligence, professionnalisme et discipline. Dès la sortie de l'aéroport, le visiteur, même s'il y atterrit de nuit, est impressionné par la propreté, l'éclairage et la beauté de cette ville de plus de 1 millions d'habitants. C'est le cas des membres de la délégation, constitué de plus de 120 personnes, dont près de 80 entreprises venues prospecter cette économie comptée parmi les plus dynamiques du continent. Ce dynamisme, les opérateurs marocains l'ont senti dès le 3 avril, lendemain de leur arrivée sur place. Durant cette journée de B to B (560 y ont été réalisées) avec les représentants de 400 entreprises rwandaises, les échanges ont davantage porté sur le transfert de technologie que l'achat de produits fabriqués au Maroc. «En fait au Rwanda, ils veulent plus apprendre à pêcher qu'à acheter du poisson», résume un membre de la délégation marocaine. Avec l'enclavement du pays (pas d'accès à la mer), il s'avère évident que l'acheminement de produits depuis le Maroc relève du parcours de combattant. «Faire venir un conteneur du Maroc au port de Dar es Salam en Tanzanie coûte 1.500 dollars, alors que le transport par camion de la Tanzanie au Rwanda, reviendra à 3.500 dollars», ajoute un chef d'entreprise marocain actif dans la commercialisation d'insecticides. Suffisant donc pour comprendre que le business avec le Rwanda se fera surtout dans les services. Ce secteur est probablement le plus chanceux de prospérer dans la « smart city » africaine qu'est devenue Kigali. Les professionnels de agriculture et de l'agro-industrie peuvent également s'y offrir de belles opportunités, à condition d'aller s'installer sur place. Une chose est sûre, dans la ville verte qu'est Kigali, la qualité de la vie est très agréable ! TANZANIE Bouillonnante et «inhospitalière» Dar es Salam Le visiteur qui quitte Kigali ferait mieux de chercher une autre destination que Dar es Salam, 2e étape de la mission d'affaires. Environ 1.400 km séparent les deux capitales. Et, tout les oppose. La différence se constate dès l'aéroport de Dar es Salam, où les opérations sont terriblement lentes par rapport à Kigali. Cela, sans parler des nombreuses coupures de courant sur la très fréquentée plateforme aéroportuaire de Julius Nyerere. Contrairement à Kigali, la circulation est infernale dans la métropole tanzanienne. Dar es Salaam est à l'image de Casablanca : une capitale économique où la circulation est dense et difficile ; elle dispose aussi d'un grand port et d'une immense cité d'affaires. En parlant d'affaires, quelques 220 entreprises locales ont répondu à l'invitation de la délégation marocaine. Le 5 avril, 1.120 rencontres B to B ont été menées, soit le double des chiffres de Kigali. De l'avis des opérateurs marocains, la plupart de ces rencontres ont été infructueuses. «Les contacts que nous avons eu ne correspondaient pas à nos domaines d'activités. Beaucoup étaient là juste par curiosité», avouent-ils. De quoi écorner l'image positive donnée par les autorités locales représentées lors de l'ouverture des B to B par le ministre des Finances de Zanzibar, Khalid Salum Mohamed. C'est donc avec empressement, que la délégation marocaine a quitté «la demeure de la paix» (Dar es Salam), pour mettre le cap sur Antananarivo, la 3e et dernière étape de l'«African Business Connect». MADAGASCAR Le meilleur pour la fin Après la déconvenue de la Tanzanie, les opérateurs marocains ne s'attendaient pas à grand-chose à Madagascar, pays le moins avancé des trois visités. Mais, sur la grande île, les surprises ont été plutôt bonnes. «À Madagascar, tout reste à faire. Il y a un réel besoin et nous avons vu des entreprises très intéressées à faire du business avec nous», résume-t-on du côté des opérateurs marocains. Les autorités malgaches voyaient en la venue des entreprises marocaines, une opportunité de créations d'emplois dans ce pays très touché par le chômage et où le premier employeur n'est autre que la filiale locale de BMCE Bank of Africa. C'était en somme le message délivré par le premier ministre malgache, qui est venu en personne présider les travaux, vendredi 7 avril. À Antananarivo, où les délestages sont plus que préoccupants, les sociétés comme Gemadec et Finatech ont pu conclure des partenariats aux perspectives prometteuses. Et c'est sur note positive, que la forte délégation marocaine a regagné Casablanca, 14h après avoir décoller du coquet aéroport de la capitale malgache. SATISFECIT DES ORGANISATEURS Maroc Export et BMCE Bank of Africa, co-organisateurs de l'«African Business Connect», indiquent que les résultats obtenus dépassent leurs attentes et pensent déjà à de nouvelles missions d'affaires dans cette région. Zahra Maafiri, DG de Maroc Export «2.700 B-to-B ont été réalisées dans les trois pays visités» Les Inspirations ECO : Pensez-vous que l'objectif de cette 2e édition de l'«African Business Connect» a été atteint ? Zahra Maafiri : L'objectif était surtout une prise de conscience, une sensibilisation aux régions de l'Afrique de l'Est et australe, ainsi que de voir les potentialités et les opportunités d'échanges entre le Maroc et les 3 pays visités. Cette mission consistait aussi à évaluer les défis de la langue, dans les pays anglophones, et de la logistique. Je peux dire que nos espérances ont été dépassées. La présence de très hauts responsables gouvernementaux lors des différentes étapes a été un message clair. Qu'en est-il de la qualité des B-to-B ? Les entreprises marocaines ont eu des B-to-B préparées à l'avance par les équipes de Maroc Export et de la BMCE Bank of Africa. Nous avons constaté que les entreprises des pays visitées étaient très intéressées. Sur les trois pays, nous avons rencontré plus de 1.200 opérateurs et réalisé 2.700 B-to-B. C'était impressionnant, et cela a dépassé nos attentes. Les entreprises marocaines se sont déjà inscrites dans l'investissement et ont trouvé des environnements d'affaires très positifs et très transparents. Nous pouvons donc créer de la valeur ensemble et faire confiance à une partie du continent très loin du Maroc. J'ajouterai aussi que plusieurs partenariats ont été signés entre les associations professionnels, les organismes de promotion, la banque et les organismes locaux. Cela a renforcé notre réseau à tous les niveaux. Quelle différence y-a-t-il entre l'Afrique de l'Est et l'Afrique de l'Ouest ? Aucune. Les pays des deux régions disposent de plans de développement ambitieux, et la bonne gouvernance s'améliore partout. On note un développement régional impressionnant qu'il faut prendre en considération. Le Rwanda, la Tanzanie et Madagascar sont des portes et des hubs régionaux. L'intégration régionale ouvre la voie à de grands marchés. C'est le cas en Afrique de l'Ouest avec de groupements régionaux forts, comme la CEDEAO. Aujourd'hui, nous nous inscrivons pour le développement du commerce intra-africain, le développement de l'Afrique et la montée en compétitivité de nos économies. M'fadel El Halaissi, DG de BMCE Bank of Africa «Les résultats se situent au-delà de nos espérances» Les Inspirations ECO : Quel bilan faites-vous de cette mission d'affaires ? M'fadel El Halaissi : Globalement, les résultats se situent au-delà de nos espérances, parce qu'en dépit du nombre de B-to-B et des entreprises des 3 pays visités qui ont participé à cette édition, nous avons constaté que des projets concrets ont été réalisés. D'autre part, nous avons senti que les attentes des pays visités, surtout à Madagascar, étaient supérieures à ce que l'on espérait. Nous sommes donc en train de réfléchir pour repartir sur place avec des missions d'affaires plus ponctuelles, plus pointues par secteur d'activité et plus concrètes afin d'avoir des projets de co-investissements. Quel pays, selon vous, a présenté le plus d'opportunités pour les entreprises marocaines ? Honnêtement, Madagascar est le pays que je placerai en tête. C'est une économie qui présente de nombreuses opportunités pour deux raisons. Primo, ils attendent énormément de nous, et je pense que les institutions du pays nous y accueilleront très bien. Secundo, les besoins y sont énormes et les entreprises marocaines s'y adapteront facilement, notamment dans un environnement francophone où les entreprises parlent le même langage. Après Madagascar, c'est le Rwanda qui me paraît le plus porteur. Ce pays dispose d'un grand potentiel pour le développement des relations économiques avec le Maroc. D'ailleurs, certaines entreprises marocaines pensent déjà à s'y installer. Quels secteurs se sont le plus démarqués, durant les B-to-B ? Le secteur des BTP est celui qui a le plus attiré l'attention, car il y a beaucoup de choses à faire dans ces pays. Le deuxième, et qui est primordial pour des pays comme Madagascar, c'est l'énergie. D'ailleurs, un accord de partenariat a été signé dans ce sens entre la société malgache Filatex et la marocaine Finatech. Cet accord constitue, pour nous, tout un symbole, car l'énergie est un élément fondamental pour le développement économique de Madagascar. Le troisième secteur le plus sollicité est l'agroalimentaire qui, avec le textile, peut aussi faire l'objet d'une prochaine mission dans les pays visités.