Le Maroc entretient avec le Sénégal une relation «très dynamique» se traduisant par la signature de plus d'une centaine d'accords sur plusieurs secteurs clés de l'économie sénégalaise. Le Maroc, qui considère le Sénégal comme son «premier partenaire et allié sur le continent africain», a massivement investi au Sénégal ces dernières années. La présence marocaine est particulièrement visible dans le secteur bancaire avec Attijariwafa (qui contrôle notamment la CBAO et le Crédit du Sénégal, faisant du groupe la première banque du pays), la Banque atlantique (Banque populaire), la BMCE (Bank of Africa). Mais la présence marocaine ne se limite pas uniquement à la banque. Les dernières visites du roi Mohammed VI à Dakar ont donné un coup d'accélérateur à la coopération entre les deux pays, se traduisant par une diversification et une augmentation des investissements marocains au Sénégal. Diversification Désormais, les investissements marocains touchent de nombreux domaines comme les assurances (notamment avec Saham), l'agriculture, l'électricité, le BTP (Addoha), l'eau et l'assainissement, le secteur pharmaceutique (Sothema), le tourisme, les transports aériens, la pêche ou encore l'automobile (Riad Motors, pour le renouvellement des gros porteurs). Au total, il y a une centaine d'accords bilatéraux - souvent sous forme de joint-ventures - liant les deux pays dans plus d'une dizaine de secteurs. Un Groupe d'impulsion économique (voir encadré) a été mis en place, lors de la visite du roi Mohammed VI à Dakar, le 25 mai 2015, dans le but de coordonner et renforcer les liens d'affaires entre les deux pays. En plus de ces accords, le Maroc a formé beaucoup de cadres sénégalais. En retour, le Sénégal forme des médecins marocains. Perspectives Les récentes découvertes de pétrole et de gaz au Sénégal peuvent donner une nouvelle dimension à la coopération sénégalo-marocaine, explique Ibrahima Bachir Dramé, un expert pétrolier ayant fait ses études au Maroc. Pour ce dernier, avec l'expertise marocaine, le Sénégal pourrait devenir, dans l'avenir, un hub pétrolier et gazier pour le développement d'un réseau d'interconnexion entre l'Afrique de l'Ouest et du Nord. Et beaucoup de privés marocains sont prêts à investir dans ce projet, soutient Dramé. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a, au plus haut sommet, une volonté d'établir durablement «un partenariat d'affaires gagnant-gagnant» et une convergence d'intérêts indispensable entre privés sénégalais et privés marocains. Autrement dit, faire de la coopération économique entre les deux pays «le moteur d'une croissance partagée, inclusive, mais également le socle de l'émergence d'une économie sociale soutenue par des entreprises créatrices de valeur ajoutée et d'emplois locaux et socialement responsables». Les 9 recommandations de la GIE Réunissant les patronats des deux pays, le Groupe d'impulsion économique (GIE) maroco-sénégalais vise à promouvoir les relations d'affaires et le partenariat public-privé entre investisseurs marocains et sénégalais. Pour concrétiser la nouvelle dynamique de coopération entre les deux pays, le GIE a formulé neuf recommandations, lors de la dernière visite du roi à Dakar en novembre 2016. Ces recommandations concernent notamment la création d'une cellule d'intelligence économique pour une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés, la mise en place d'une bourse de transport et de la logistique pour augmenter les flux de marchandises, tout en réduisant les coûts de transport. Une stratégie bien ficelée Oumar Ba économiste, enseignant à L'UCAD Les Inspirations ECO : Comment évaluez-vous le poids des entreprises marocaines au Sénégal, notamment dans le secteur bancaire ? Oumar Ba : Il y a évidemment une forte présence marocaine dans le circuit bancaire. Cela montre qu'il y a une grande cohérence dans la stratégie marocaine. L'objectif étant de faire de ses banques des relais pour faciliter l'installation et le développement de ses entreprises au Sénégal, mais aussi dans les autres pays de la sous-région. Ce qui est logique puisque nous sommes dans un système ouvert sur le plan financier pour attirer tous les investisseurs. Cette forte présence marocaine, est-ce une bonne chose pour l'économie sénégalaise ? Cette concentration (dans le secteur bancaire) peut poser plus tard un risque potentiel de situation monopolistique, mais je pense que la BCEAO est assez vigilante sur ce genre de situation. Ce qui est certain, c'est que le Maroc prend de plus en plus une position importante dans beaucoup de secteurs de l'économie sénégalaise grâce à l'accompagnement de ses banques installées au Sénégal. Est-ce que le Sénégal a tiré profit des investissements marocains ? Plus souvent, les entreprises marocaines ont pris la place des PME locales, notamment dans le BTP. En venant avec des lignes de financement et un certain nombre de conditionnalités (des financements orientés), les entreprises marocaines (un peu à l'image des chinoises) sont nettement mieux armées dans cette compétition. Maintenant, c'est à l'Etat sénégalais d'aider ses entreprises à être compétitives, sinon, naturellement, les autres vont prendre la place.