Les génériqueurs marocains viennent de remporter une bataille, mais pas la guerre. Il y a quelques mois, l'Association marocaine du médicament générique (AMMG) saisissait le Conseil de la Concurrence pour que ce dernier révèle les difficultés qu'ont les industriels génériqueurs marocains à faire survivre leur activité. C'est maintenant chose faite avec la publication de la désormais célèbre «Etude sur la concurrentiabilité du secteur de l'industrie pharmaceutique au Maroc», commanditée donc par le Conseil de la concurrence et réalisée par le cabinet SIS Consultants. Le document consacre ainsi une partie non négligeable de son contenu à la difficulté des génériqueurs de se tailler une part du gâteau. En 2010, les génériques n'ont pesé que 27,6% du volume des ventes réalisées par les pharmacies et 28,3% en valeur. Sur les 8 milliards de DH de chiffre d'affaires réalisé par les ventes privées de médicaments au Maroc, seuls 2,3 milliards de DH reviennent donc aux fabricants locaux de génériques. D'après nos informations, l'année 2011 devrait se clôturer sur cette même tendance. «En 2011, le marché pharmaceutique global va évoluer de +3% en valeur seulement : les princeps, les médicaments de référence, devraient connaître une évolution de +1% alors que les médicaments génériques devraient progresser de +4% en valeur. Il s'agit là d'évolutions très légères par rapport aux évolutions que le secteur a pu connaître il y a quelques années. Le générique pouvait alors croître de +10% chaque année à l'époque», confirme un cadre opérant dans le secteur des génériques. Le marché reste finalement «trop stable» pour favoriser le lancement de nouveaux génériques. «Depuis deux ans, le marché oscille. Nous ne pouvons pas lancer de nouveaux médicaments génériques dans un tel contexte. Et pourtant, nous continuons à investir en ressources humaines et matérielles», confirme notre source. Prescripteurs et pharmaciens toujours montrés du doigt Malgré la volonté affichée par le ministère de la Santé de faire passer la consommation des génériques à 70% de la consommation totale d'ici 2013, on en est malheureusement encore loin. D'après les propos recueillis auprès d'un cadre du secteur des génériques, «le générique a besoin de mesures d'accompagnement». «Or, rien n'est fait du côté des autorités de tutelle. Beaucoup de promesses sont faites par le Ministère mais ce dernier ne prend pas les mesures qui vont avec», poursuit-il. Toujours selon cette même source, plusieurs intermédiaires entrant dans la distribution du médicament bloquent le développement de la commercialisation des génériques. À l'échelon supérieur, on retrouve les laboratoires pharmaceutiques internationaux qui, non contents de détenir le monopole de leurs princeps pendant en moyenne 10 ans, se lancent également dans la fabrication de génériques. Sur les 40 laboratoires pharmaceutiques installés au Maroc, 35 fabriquent des médicaments génériques. Et parmi ces 35 unités, seule une dizaine ne fabrique que des médicaments génériques. D'un autre côté, nombreux sont les prescripteurs qui continuent de favoriser la prescription de princeps pour des raisons de bioéquivalence. Ces essais protocolisés permettent de démontrer que le principe actif de référence est bioéquivalent au générique. «Les génériqueurs marocains font ces études depuis des années. Nous les avons faites avant même d'en être obligés par le ministère de la Santé», explique notre source. Quant aux pharmaciens, dont la rémunération est indexée sur le prix du médicament vendu, ils ne voient également aucun intérêt à préférer la vente de génériques. La seule solution serait bien entendu de remplacer l'indexation de leur rémunération sur le prix des médicaments par la rémunération à l'acte. Enfin, il ne serait pas inutile non plus de ne délivrer que des génériques lors de consultations à l'hôpital. Un potentiel de 30% à l'export Autant de freins qui limitent grandement le développement de la consommation de génériques. Or, nous connaissons tous aujourd'hui l'intérêt, surtout économique, de préférer un générique au princeps. Mais dans ce contexte-là, le générique, et ses fabricants, sont pris en étau. Non seulement les perspectives de croissance sur le marché local sont proches de zéro, mais les ventes à l'export sont également menacées. Aujourd'hui, 6% des génériques fabriqués au Maroc sont destinés à l'export. Un potentiel de 30% est faisable d'ici 2 ans, d'après un professionnel. Bémol : les autorisations de mise sur le marché, délivrées au compte-gouttes, et la fixation des prix qui n'est pas intervenue depuis deux ans (voir encadré). Résultat : les fabricants de génériques conservent dans leurs cartons des génériques prêts à être lancés. Un système de prix toujours bloqué Le système de fixation des prix des médicaments est en cours de modification depuis 2010, date à laquelle un nouveau système a été proposé par le ministère de la Santé. Pour faire simple, celui-ci propose que le prix du premier médicament générique mis sur le marché après les 8 à 12 ans de monopole du princeps soit inférieur de 45% au prix de la spécialité de référence commercialisée au Maroc lorsque son prix est inférieur ou égal à 250 DH. Pour les princeps dont le prix est supérieur à 250 DH, les neuf premiers génériques bioéquivalents mis sur le marché seront moins chers de 50% par rapport au princeps de référence. Pour les cinq derniers génériques, leur prix devra être de 20% inférieur au prix des neuf premiers. Le système a été globalement accepté, après quelques modifications de part et d'autre, mais reste inappliqué. Pour l'heure, l'ancien système persiste. Son défaut : entraîner une chute des prix en cascade qui n'intéresse nullement les fabricants de génériques. Après une baisse de 30% accordée au premier générique par rapport au princeps, chaque nouveau générique voit son prix perdre 5%. Ni le pharmacien ni le fabricant ne s'y retrouvent.