Après le débat, la polémique, les levées de boucliers et les surenchères, il ne reste d'inébranlable que le texte de loi, la procédure en vigueur et la référence légale en la matière. Zoom. L'Etat peut-il tolérer qu'un ou plusieurs instituts scolaires agissent dans l'illégalité en toute impunité ? Bien sûr que non et la fermeture impitoyable des écoles dites «gülenistes» en est un parfait exemple. Pour autant, comment les gouvernements qui se sont succédé pendant près de deux décennies sont-ils tous passés à côté de la présumée illégalité d'écoles marocaines privées et de missions étrangères installées au Maroc, alors même que ces instituts sont parmi les plus en vue du paysage éducatif national ? Une question incongrue qui laisse fort dubitatif et que Rachid Belmokhtar, ministre de l'Education nationale, se pose depuis 20 ans. Certes, les débats battent leur plein depuis des années au Maroc, les enquêtes se succèdent et la pile de dossiers gagne en hauteur, mais ils restent les textes de lois et ces derniers sont on ne peut plus clairs. La loi N°06-00, formant statut de l'enseignement scolaire privé, actuellement dans le collimateur du ministre de tutelle, donne une définition sans ambigüité du propos débattu. Dans son article 8, il est clairement indiqué que «les établissements d'enseignement scolaire privé peuvent présenter un projet pédagogique comportant notamment des programmes conformes aux orientations générales du système d'éducation, sous réserve que ce projet tende à préparer aux mêmes diplômes nationaux et soit soumis à l'approbation de l'académie concernée. Ces établissements doivent préparer leurs élèves pour participer aux mêmes examens organisés au profit des élèves de l'enseignement public à la fin de chaque cycle d'enseignement». Naturellement, tout manquement à ces directives verra l'institut épinglé privé de son autorisation d'enseigner les élèves marocains. Ce qui nous amène à l'étape la plus palpitante de l'affaire, incarnée par les questions «Qui accorde ces autorisations et homologations ?», «Qui contrôle ces établissements ?» et «Quels sont les modalités de reconduite de ces privilèges ?». Nous avons tenté d'y répondre. Qui accorde ces autorisations et homologations ? C'est le ministère de l'Education nationale qui est habilité à accorder ou non une autorisation à un établissement privé ou une mission étrangère d'assurer pour les étudiants marocains ou étrangers un programme éducatif ou scolaire. Le propre du programme se doit de respecter les orientations majeures du système éducatif marocain, et ne peut en aucun cas y déroger. Cela suppose une validation en amont du contenu de ces programmes scolaires, et un encadrement serré des conditions d'obtention des certifications, attestations et diplômes homologués. Qui contrôle ces établissements ? Les académies régionales compétentes, conformément à l'article 22 de la loi N° 06-00. Celles-ci ont été mandatées par le ministère de l'Education nationale pour surveiller de près les conditions dans lesquelles les programmes scolaires des écoles homologuées sont tenus. Des rapports sont ensuite rédigés, après constatation ou non d'anomalies, puis transférés aux services du ministère de tutelle pour appréciation et dans le cas échéant, une décision sur le maintien ou la suspension de l'homologation. Quelles sont les modalités de reconduite de ces privilèges ? La conformité avec les textes de loi, tout simplement. Seulement, comme le stipule l'article 31 de la loi N°06-00, les dispositions prévues «ne sont pas applicables aux établissements d'enseignement exerçant leur activité dans le cadre d'accords conclus entre le gouvernement du royaume du Maroc et des gouvernements étrangers ou des organismes internationaux. Toutefois, lesdits établissements restent soumis au contrôle de l'Académie régionale d'éducation et de formation quant à leur respect des clauses desdits accords». La jurisprudence Al Jabr Une source au sein de l'Ecole Al Jabr a confié aux Inspirations ECO que l'institut ne se sent pas concerné par les déclarations de Rachid Belmokhtar, ministre de l'Education nationale, vu que la réponse définitive à cette question a été prononcée par voie de jugement en 2003 déjà. «C'est une non-affaire. Nous ne souhaitons pas y accorder une importance qu'elle ne mérite pas puisque le tribunal a tranché sur cette question voilà 13 ans déjà. R.Belmokhtar exprime sa pensée. Pour notre part, nous défendons le droit d'octroyer à nos élèves le meilleur de ce que nous pouvons offrir et à leurs parents le choix de les inscrire dans le programme de leur choix», explique notre source, qui fait référence à une vieille affaire, désormais érigée en jurisprudence. Rappelons que l'Ecole Al Jabr a été la première «victime» de Belmokhtar, du temps où il était ministre de tutelle vers la fin des années 90. Ce dernier souhaitait mettre fin aux activités de l'institut et avait exigé la démission quasi-immédiate de sa directrice. L'affaire avait été portée au tribunal, qui avait tranché, en 2003, en faveur de ladite école.