Les élections professionnelles de 2015 ont fait des malheureux et ont auguré d'une nouvelle configuration à venir avec la montée du syndicat pro-PJD. Les indépendants sont toujours les premiers, mais ils reculent en faveur des centrales historiques par rapport à 2009. Au Maroc, il y a quatre syndicats que l'on qualifie de représentatifs. C'est à dire qu'ils ont le droit de s'attabler avec le gouvernement et la CGEM pour prendre part au dialogue social. Il s'agit de l'Union marocaine du travail (UMT), de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), de la Fédération démocratique du travail (FDT), de l'Union nationale des travailleurs du Maroc (UNTM) et de la Confédération démocratique du travail (CDT). Toutefois, les critiques ne manquent pas: des syndicats ou groupements de syndicats contestent leur exclusion, voire la représentativité même des centrales syndicales susmentionnées. Ils n'ont eu de cesse d'élargir le spectre des interlocuteurs syndicaux à travers la baisse du seuil de représentativité, qui est de 6%. Toutefois, loin de cette polémique, il ne faut pas oublier que le premier syndicat au Maroc est de loin celui des indépendants. Selon les résultats des élections professionnelles, qui témoignent du poids de chaque centrale, ceux qui n'ont aucune obédience syndicale ont raflé la mise avec plus de 14.800 élus, soit 57% des résultats dans le secteur privé, part la plus significative. Est arrivée, en deuxième place, l'UMT avec 4.000 élus (15,3%), suivie de l'UGTM, proche de l'Istiqlal, qui a grimpé de la quatrième à la deuxième place avec 2.000 élus, de l'UNTM, proche du PJD, qui a quitté la dernière place en 2009 pour occuper la troisième avec 1.900 élus. En quatrième et cinquième places figurent les frères ennemis, l'historique CDT qui, signe des temps, s'est contentée de la quatrième place avec 1.884 élus, et la FDT, proche de l'USFP, avec 509 élus. En revanche, la configuration change selon que l'on prend en considération les chiffres globaux du privé ou du public. Outre les indépendants qui occupent toujours la première place, l'UMT arrive première avec 6.175 délégués (17,67%), suivie de la CDT avec 3.240 délégués (9,27%), de l'UGTM avec 2.644 délégués (7,57%), de l'UNTM avec 2.572 délégués (7,36%) et de la FDT avec 1.339 délégués (3,83%). À noter que cette dernière est arrivée en deçà du seuil de 6%, perdant ainsi sa représentativité, ce qui est dommage pour un syndicat qui s'est montré dynamique et très communicatif. Se présentant comme un syndicat indépendant, au sein duquel cohabitent toutes les tendances politiques, l'UMT a été fondée le 20 mars 1955, juste avant l'Indépendance. Après le décès de son fondateur Mahjoub Ben Seddik en septembre 2010, c'est Miloudi Moukharik qui a repris le flambeau en décembre de la même année. La centrale revendique entre 200.000 et 400.000 adhérents. Un large éventail puisqu'il est de notoriété que, de manière générale, les syndicats au Maroc ne mettent pas à jour leurs registres d'adhérents. Si l'UMT a su s'affranchir, dès les premières années suivant sa création, de ses liens avec l'Istiqlal, un courant continuait à maintenir le lien avec ce parti. Ainsi, en 1960, une scission au sein de la centrale a donné naissance à l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et une deuxième, en 1978, a débouché sur la création de la Confédération démocratique du travail (CDT) de l'indéboulonnable Noubir Amaoui. L'UMT s'est imposée dans des secteurs clés de l'économie. Elle a, surtout, prouvé son adaptation aux changements intervenant dans la configuration sectorielle et industrielle du pays en raflant la mise dans les secteurs de l'automobile et des ports, pétrolier et du gaz, minier et aéronautique, mais aussi les autoroutes, les centres d'appels et l'offshoring ainsi que l'industrie alimentaire et l'audiovisuel. Sans oublier sa présence confirmée et historique dans les banques, chasse gardée de la centrale, la presse écrite ou encore les chambres professionnelles. Le syndicat sis avenue des FAR à Casablanca s'est mis, depuis l'arrivée de Moukharik, à l'air du temps avec une gestion moderne et une présence respectable sur les réseaux sociaux ainsi qu'un site officiel régulièrement mis à jour. Ce n'est pas le cas de tous les syndicats. La CDT n'a pas de présence notable dans le privé, elle est plutôt forte dans la fonction publique. Cependant, la centrale a été très affaiblie par la scission qui a donné naissance à la FDT en 2004. Cette dernière, bien que relativement jeune, a su avancer dans le bastion historique de la CDT qui est, comme mentionné, la fonction publique. Dans le secteur de l'enseignement, la centrale de Noubir Amaoui est indétrônable. Elle a même délogé l'UGTM du secteur de la santé à l'issue des élections des délégués en juin 2015. Une performance qui a donné du tonus à un syndicat qui se trouvait dans la tourmente suite à des frictions internes, dont le dernier chapitre est la scission intervenue en mai 2014, qui a donné naissance à la CGT, dirigée depuis par une figure de proue du syndicalisme marocain, Mustapha Chtatbi. Quant à l'UGTM, née en mars 1960, elle affiche clairement son obédience à l'Istiqlal. Elle est aujourd'hui dirigée par un homme de consensus, Mohamed Kafi Cherrat, syndicaliste reconnu dans le secteur de l'enseignement. Il a succédé à Hamid Chabat en octobre 2014, à l'issue du 10e congrès national de la centrale. L'UGTM est présente dans les secteurs de l'enseignement, de l'agriculture, de l'industrie, des mines et des services. Elle compte dans ses rangs une organisation spécialisée dédiée au secteur de la jeunesse active, appelée Jeunesse ouvrière. L'ascension du syndicat PJD Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'UNTM, proche du PJD, n'est pas un jeune syndicat puisqu'il a été fondé en 1973. Autre surprise, la centrale a pu obtenir de bons résultats dans le secteur des finances, sans oublier sa forte présence dans le secteur de l'enseignement. Elle est dirigée, depuis 2005 (date du 4e congrès), par Mohamed Yatim, homme fort du parti et figure respectée. Depuis 2011, le nombre des syndiqués UNTM n'a eu de cesse d'augmenter, porté par l'aura du parti au début de l'expérience gouvernementale. Ses structures ont été modernisées et renforcées pour être au diapason de la nouvelle position du syndicat dans le paysage syndical du pays. Aux élections professionnelles de 2015, l'union n'a certes occupé que l'avant-dernière position, mais avec ses 2.572 délégués, elle n'est pas très loin du score de l'UGTM (2.644).