Depuis deux décennies, l'Etat marocain regarde vers l'Afrique. Le premier signal a été donné lors du premier sommet Afrique-Europe au Caire, en avril 2000, quand sa majesté le roi Mohammed VI a décidé d'annuler les dettes de nombreux pays africains vis-à-vis du royaume et d'ouvrir le marché marocain à leurs produits. Le deuxième signal a été donné par le premier voyage officiel du souverain au Sénégal en 2001. En 18 années de règne, le monarque a effectué 50 visites officielles, d'amitié, de fraternité ou de travail chez 25 Etats africains. Un véritable travail de VRP qui a permis au Maroc de se positionner sur l'échiquier africain par ses investissements et ses diverses expertises. Le Maroc est ainsi devenu le 2e investisseur africain en Afrique après l'Afrique du Sud et le premier investisseur dans certains pays subsahariens. En 2015, le Maroc a été le premier investisseur étranger en Côte d'Ivoire, selon le CEPICI, organisme ivoirien chargé de la promotion de la création d'entreprises. Résultat. Les investissements marocains font florès dans certains pays visités par le souverain. Les ténors marocains, comme Maroc Telecom, Attijariwafa bank, Managem, OCP et d'autres écument. Quelques PME marocaines les talonnent. Ce peloton de tête, formé essentiellement de grands groupes a joué le rôle d'éclaireurs. Il est temps pour la PME marocaine de se positionner sur ce marché, convoité par les entreprises du monde entier. L'Afrique demeure le seul continent qui enregistre des taux de croissance de 6 à 7%. Au moment où l'on se bat, ailleurs, pour des taux de croissance aux alentours de 1%. Révolu est le temps où de grands économistes via de grandes messes «savantes» préconisaient d'écarter l'Afrique des projections économiques alors considéré comme un continent pauvre et stérile. C'est au tour de la PME Avant d'aller plus loin, mettons-nous d'accord sur ce qu'est une PME. La définition officielle de la PME, selon la loi 53-00 formant «Charte marocaine de la PME» du 23 juillet 2002, sont PME les entreprises qui répondent aux deux conditions suivantes : avoir un effectif permanent ne dépassant pas 200 personnes et avoir réalisé au cours des deux derniers exercices soit un chiffre d'affaires hors taxes inférieur à 75 MDH, soit un total de bilan inférieur à 50 MDH. Rappelons aussi que ce sont les PME qui créent les emplois, donc la richesse. La PME marocaine est bien rodée sur le marché local et sur les marchés d'export «naturels» (notamment, français ou de l'UE). Elles sont nombreuses à croire dur comme fer qu'il est temps d'aller à la conquête de nouveaux clients et de parts de marchés en Afrique. Ce qui est un excellent indicateur de la maturité de la PME marocaine. Quid de la prospection en Afrique ? Chaque marché a ses spécificités et ses portes d'entrée. Chaque marché subsaharien en a. L'une des meilleures portes d'entrée de ces marchés est l'arsenal des conventions et d'accords signés lors de chaque visite royale. D'après notre estimation, cet arsenal en compte 800. Ces accords visent à dynamiser les échanges commerciaux avec nos partenaires subsahariens. Ils forment aussi le cadre juridique et réglementaire pour nos entreprises avec leurs consoeurs subsahariennes, mais cette vision est vite rattrapée par une amère réalité. Ces conventions et accords ne sont répertoriés nul part. L'opérateur économique doit, comme «petit poucet», les pister sur le net. Un travail fastidieux et chronophage pour lequel la PME n'a pas les moyens. Notre finalité n'est pas de quémander de l'aide pour la PME. Nous rejetons l'assistanat, mais notre intention est d'attirer l'attention des instances compétentes sur la nécessité pour ne pas dire l'obligation d'organiser l'information sur ces conventions et accords, de les traiter, de les trier par pays, par date, par secteur d'activité, par organisme, par produits et de les mettre à la disposition des opérateurs économiques et du grand public. Des PME se sont prise les pieds dans les filets des particularités des marchés subsahariens. Non pas en raison du fait que le terrain était miné, mais plutôt du fait que nos PME abordaient ces marchés en une totale ignorance de leurs spécificités et des opportunités données par cet arsenal. Le bon sens veut que ce soit les instances chargées du commerce extérieur qui centralisent ces informations. Sur le site du ministère du Commerce extérieur, il n'y a aucune information sur cet arsenal inédit. Même constat sur le site du ministère des Affaires étrangères et de la coopération. Le site de Maroc Export (ex-CMPE), le bras armé pour la promotion des exportations marocaines est plus fourni en informations. Seul hic ? Ledit site ne donne pas la main au visiteur pour disposer de l'information. Le visiteur peut la lire uniquement sur écran. Or, une information n'a de valeur que si elle est traitée, recoupée et analysée. Ce silence dérange. Nous sommes à l'ère de l'information. N'est-il pas judicieux de centraliser ces informations dans un site ? N'est-il pas temps de démocratiser l'accès à ces informations ? C'est ce que nous attendons des architectes de la vision marocaine de l'Afrique. Quid de la connaissance des marchés africains Les grandes structures ont les moyens de réaliser les études de faisabilité avant de prendre les décisions d'investissement ou de partenariat. Or, une PME ne peut pas le faire. Elle est dans l'action. C'est sa force. Par sa taille, sa flexibilité et sa capacité d'adaptation, d'innovation et de créativité, les PME permettent de quadriller le marché. Là encore, même constat. Aucune information sur la morphologie des marchés subsahariens visités donc ciblés : spécificités, rouages, porte d'entrées, système bancaire et financier, appartenance à un regroupement économique régional, conventions de non-double imposition, modalités de création d'entreprises et bien d'autres informations pour aider les PME marocaines à s'engager. Le site du ministère du Commerce extérieur donne des informations trop synthétiques sur 22 pays, dont 5 pays africains, parmi lesquels 4 sont subsahariens. La Côte d'Ivoire n'a pas sa fiche, par exemple. En plus, ces fiches sont rudimentaires et n'apportent aucune information au décideur économique. L'info pour soutenir l'internationalisation de la PME Les Etats qui sont dans une logique commerciale proactive mettent à la disposition de leurs opérateurs économiques des informations «prêtes à l'emploi» pour qu'ils puissent avoir un aperçu morphologique du marché. La finalité est de permettre à leurs entreprises d'aborder les marchés d'avenir avec «moins de casse». Pour faciliter l'internationalisation de la PME, l'information est un atout majeur. «Le vrai enjeu du commerce extérieur se joue à l'intérieur», disait Christine Lagarde, patronne du FMI (Fonds monétaire international). La France compte de nombreuses sources d'informations pour les opérateurs comme Ubifrance, les conseillers du Commerce extérieur, les Chambres de commerce françaises à l'étranger et les consulats. Le Japon dispose d'un guichet unique couvrant tout le territoire. En Grande-Bretagne, l'agence UK Trade & Investment bénéficie de la double-tutelle du Foreign office et du ministère du Commerce. Aux Etats-Unis, Obama a mis en place «Export promotion cabinet». Nous souhaitons que dans un proche avenir les instances en charge de la promotion du «made in Morocco» puissent intégrer ce volet de l'information. Nous aurons ainsi fait nos premiers pas sur la voie de l'intelligence économique. Nezha Hami Eddine Mazili Echaïri Consultante coach - Cap RH