Othmane Benassila, analyste financier senior à CDM Analyse & Recherche Groupe Les Inspirations ECO : Vous en êtes à votre deuxième édition de la grande analyse du secteur bancaire. Comment voyez-vous son évolution en une année ? Othmane Benassila : Rappelons tout d'abord que notre étude porte sur un panel représentatif des principales banques nationales, notamment Attijariwafa bank (AWB), la Banque Populaire (BP), BMCE Bank Of Africa (BMCE), le Crédit du Maroc (CDM), la Société Générale (SG), la Banque marocaine pour le commerce et l'industrie (BMCI), CIH Bank (CIH) et le Crédit agricole Maroc (CAM). Ces dernières représentent, conjointement, 96,6% de l'ensemble des créances sur la clientèle à fin juin 2016 et 93,1% de la totalité des dépôts du secteur sur la même période. S'agissant de la situation du secteur bancaire sur les six premiers mois de l'exercice 2016, nous relevons une évolution mitigée du secteur dans sa globalité. En effet, du côté des emplois, les créances brutes sur la clientèle ont affiché un redressement timide de 1,6% à 739,2 MMDH après la décélération de croissance constatée à fin 2015. Dans ce sens, nous relevons la bonne tenue de l'ensemble des crédits bancaires au premier semestre de 2016, hormis la promotion immobilière qui s'est repliée de 1,2%. Cela est dû à la réduction de la voilure d'octroi des crédits à cette catégorie dans un contexte marqué notamment par le processus de désendettement et de monétarisation des bilans des principaux promoteurs immobiliers, l'accélération de la croissance des crédits à l'équipement à 2,8% au premier semestre de 2016, en lien notamment avec l'amélioration de la valeur ajoutée des activités non agricoles et de l'investissement et la montée en force des créances douteuses et litigieuses au premier semestre de 2016 de 4,1% à 59,4 MMDH, et ce, dans un contexte caractérisé par l'accroissement de la sinistralité de plusieurs branches telles que le raffinage de pétrole, le BTP ou encore la métallurgie. Qu'en est-il des ressources ? S'agissant des ressources, les dépôts de la clientèle ont affiché un léger rebond de 2,3% à fin juin 2016, contre une hausse de 3,2% à fin 2015. Dans le détail, nous constatons la dépréciation de 2,9% des comptes courants et la baisse de 2,2% des dépôts à terme (DAT) dans un contexte de réduction du taux directeur de 2,50% à 2,25% en mars 2016 et l'amélioration des comptes chèques de 4,4% et de 2,4% des comptes d'épargne, la prépondérance des ressources à vue dans les dépôts bancaires (60,7% à fin juin 2016), la contraction des parts des DAT et des certificats de dépôt (CD) à, respectivement, 20,6% et 4,3%. Cette situation trouve son origine, notamment, dans le repli du taux directeur de BAM à 2,25% en mars 2016, dans la baisse tendancielle des BDT et dans l'allègement de la décroissance des CD à -12,3% durant le S1-16 à 36,2 MMDH. Le coût du risque a toujours été une préoccupation pour le secteur. Comment a-t-il évolué ? Durant les six premiers mois de 2016, nous assistons à une évolution mitigée du coût du risque de notre panel bancaire. CIH affiche le coût du risque le plus faible de notre panel avec 0,19% au premier semestre de l'année écoulée, au moment où la BP se situe en tête des banques, détenant, à fin juin 2016, le coût du risque le plus élevé, soit 1,97%. En effet, l'accroissement de la sinistralité de certains secteurs a poussé la banque à doubler sa vigilance. Par ailleurs, Crédit du Maroc est la banque qui a réduit le plus son coût du risque sur la même période avec -90 points de base. Cela reflète le renforcement de son dispositif de maîtrise et d'anticipation des risques durant les années passées. L'abaissement du taux directeur a-t-il eu un impact sur l'évolution du coût du risque ? L'abaissement du taux directeur est fait pour redynamiser la distribution des crédits. Dans ce sens, la Banque centrale ne cesse d'accompagner les banques de la place pour assurer leur développement. Comment l'année 2017 se profile-t-elle pour le secteur ? L'année 2017 s'annonce comme une année de transition marquée par plusieurs événements devant impacter le secteur bancaire national. Il s'agit notamment de la baisse continue des taux et de son impact sur les marges des banques, de la prévention et la maîtrise des niveaux du risque, du lancement des banques participatives et la digitalisation des produits de la banque à travers l'utilisation des nouvelles technologies d'information et de communication. Le système bancaire continuera-t-il à être une locomotive de croissance pour le marché boursier ? En effet. Le système bancaire marocain ne cesse d'affirmer son fort impact sur le développement du pays par le biais de sa contribution significative au financement de l'économie avec un actif bancaire représentant 1,2 fois le PIB de 2015. De plus, le secteur bancaire coté demeure, de loin, le premier contributeur à la masse bénéficiaire de la BVC au titre des six premiers mois de l'exercice 2016, avec un poids conséquent de 37,8%. En effet, ce dernier affiche un gain respectable de 12,5% à 5,74 MMDH et ce dans un contexte national marqué notamment par la décélération continue de la croissance des crédits à l'économie et la baisse tendancielle des taux débiteurs en liaison avec la recrudescence de la concurrence et la contraction des taux de référence des BDT. Sur la place boursière casablancaise, le Bank Index présente également le plus important poids sectoriel avec une contribution de 33,7% à la valorisation globale de la BVC le 23 décembre 2016.